AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,72

sur 100 notes
5
14 avis
4
16 avis
3
5 avis
2
4 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
"Trouble" est le passé de Wilfried Wils. Aujourd'hui vieillard d'âge canonique, il se raconte dans des mémoires qu'il destine à son arrière-petit-fils. Remontant aux prémices de la Deuxième Guerre mondiale, il déroule le fil de l'Occupation à Anvers, sa ville, celle du diamant et d'une importante communauté juive. En ce temps-là, Wil a tout juste 20 ans, et pas de conscience politique ni même morale. Il veut juste échapper au travail obligatoire en Allemagne, alors il s'engage comme auxiliaire de police. C'est sous cet uniforme qu'il vivra la mise en place de la réglementation anti-juive, le racisme, les dénonciations, les lynchages, les arrestations. Choisit-il un camp ? Non, jamais. Il louvoie sans arrêt entre son ami Lode, lui aussi policier, qui prendra le parti des résistants, et Barbiche Teigneuse, son maître à penser germanophile, collabo à peine masqué. Pourquoi ne choisit-il pas son camp ? C'est moins clair. le Wilfried d'aujourd'hui vous répond que son seul but était de survivre à cette période terrible. Mais le Wil d'alors poursuivait-il consciemment cet objectif ? A la lecture, on a plutôt l'impression que le jeune homme est terriblement passif, exécute les missions qui lui sont confiées de part et d'autre sans jamais les avoir acceptées ou refusées clairement, et qu'il joue presque malgré lui un rôle d'agent double. Agir, s'abstenir, parler, se taire, Wilfried semble ne décider de rien et se laisser porter par le courant plus ou moins nauséabond d'un opportunisme cynique. Mais tout cela est très ambigu et flou, difficile de savoir si les confessions de l'arrière-grand-père sont sincères (voire lucides), ni s'il porte une quelconque responsabilité dans les événements qu'il relate. Toujours est-il que son pseudo "non choix" se rappellera douloureusement à lui des années plus tard.
Double jeu, dualité, dédoublement… Non content d'osciller entre collaboration et résistance, Wil, qui aspire désespérément au retour de la normalité, doute vaguement de son identité sexuelle et doit aussi se coltiner son alter ego, sa part d'ombre : Angelo, sa voix intérieure impétueuse et sarcastique, qui lui dicte les obscurs poèmes que Wil finira par publier après-guerre sous le titre "Confessions d'un comédien". Ambigu, vous avez dit ambigu ?
"Trouble" est une sorte de Chagrin d'Anvers qui nous fait plonger dans l'histoire sombre et peu glorieuse de la ville, et surtout de son administration et de sa police, à la botte de l'Occupant. Une fresque un peu brueghelienne, dans laquelle des personnages caricaturaux et rarement sympathiques se trouvent, à l'image de Margot la Folle (Dulle Griet, tableau évoqué à plusieurs reprises dans le livre), dans des situations monstrueuses sans savoir s'ils les ont provoquées ou simplement acceptées. Malgré des longueurs, une surabondance de noms de rues et une narration non chronologique, les pièces du puzzle apparues dans le désordre finissent par s'imbriquer peu à peu. Il y aurait encore beaucoup à dire de ce roman riche et complexe, mais j'en retiens que le Bien, le Mal, le choix ou son absence, la responsabilité, la culpabilité et la très inconfortable question du "qu'aurais-je fait à leur place ?" en sont les sujets, qui résonnent encore aujourd'hui aux oreilles d'une certaine Flandre qui ne s'est pas affranchie de son passé.
En partenariat avec les éditions Stock via Netgalley.
Lien : https://voyagesaufildespages..
Commenter  J’apprécie          663
Je ne débute cette critique que longtemps après avoir lu ce roman.
L'envie m'en est née après en avoir écrit une autre sur le fracas du temps de Julian Barnes. J'y ai retrouvé un thème commun : qu'aurais-je fait dans cette situation ?

Wilfried, un très vieil homme, se remémore son passé durant la seconde guerre mondiale et écrit ses mémoires à son arrière-petit-fils, c'est un long monologue sans véritable chronologie, et entre-coupé de relation de sa situation actuelle, malade, mouton noir pour sa famille et vivant seul à l'exception des visites de so infirmière.

Anvers en 1940, la ville est occupée par les Allemands et il lui faut peu de temps pour retrouver une vie normale.
Wil, le protagoniste principal, est un véritable anti-héros et un personnage ambigu.

Il se considère comme poète mais pour échapper au travail obligatoire en Allemagne, trouve un emploi à la police d'Anvers.
Il se fiance avec la belle Yvette, dont le frère, Lode, fait également partie de ce corps.
Ses ambitions littéraires sont encouragées par son professeur particulier surnommé barbiche teigneuse.

Ambigu il l'est certes, d'un côté il aide Lode qui est résistant à cacher un juif et lui apporte nourriture et livres et de l'autre, il participe en tant que policier aux grandes rafles de juifs. Il ne prend pas position, il se laisse mener par les événements et tente de survivre.
Barbiche teigneuse, son mentor est quant à lui admiratif des Allemands et hait les juifs.
Tout cela est raconté par lui sans rien cacher.
Il apparaît donc parfois sympathique, mais parfois odieux, son portrait par lui-même est nuancé mais ne tache-t-il pas parfois de plaider en sa faveur ?

On y découvre aussi sa tante, tante Emma, maîtresse d'un officier allemand pendant la guerre et maîtresse d'un Canadien lorsque la guerre est finie.

La ville d'Anvers est un personnage important. le narrateur nous entraine dans ses rues, en les nommant toutes, il nous décrit ses bars, les Anversois heureux de voir les juifs partir de la ville, le marché noir, la collaboration des autorités avec l'occupant, la situation morale de la ville occupée, le double-jeu mené par certains afin de pouvoir s'en sortir si après la guerre la situation devait se retourner.
Tout le monde prend des libertés avec ses principes.

Ce récit joue le rôle de miroir, et j'ai la certitude que l'auteur l'a voulu ainsi : qu'aurions-nous fait dans ce contexte ?

Le roman a manifestement fait l'objet de recherches historiques, nombre de détails le confirment.
Il se lit facilement et rapidement.
Je l'ai aimé.







Commenter  J’apprécie          604
Un vieil, Wilfried Wis, raconte à son arrière-petit-fils son histoire : pendant la guerre, voulant fuir le STO, il s'engage dans la police et se retrouve dans une situation inconfortable, traquer ceux qui le fuient aussi, et assister à la complicité des miliciens et collabos en tous genres.

Le roman dénonce l'attitude de la Belgique pendant la guerre, avec les résistants, comme son ami Lode ou sa soeur, Yvette, fille de boucher qui « traficote » ou les nazillons comme le bien nommé Barbiche Teigneuse. On voit les sympathies pro-nazis décomplexés, la haine des Juifs, les bassesses, dans Anvers, la ville des diamantaires …

Victime d'une méningite dans l'enfance, il est resté longtemps dans le coma ; il a dû ensuite tout réapprendre car ne reconnaissait plus ses parents et il en a déduit qu'on lui racontait des histoires et que ce n'était pas sa vraie famille. Il s'est inventé un alter-ego, Angelo, comme une manière schizophrénique, Will, tentant de représenter le Bien et Angelo le Mal…

On va retrouver cette opposition Bien et Mal durant tout le roman, en fait. Anvers dans sa dualité, sur fond de Bruegel, ou citations de Rimbaud, car bien-sûr Will écrit des poèmes !

Jeroen Olyslaegers raconte aussi les réactions de la famille, comment vit-on avec un tel père ? il finira par se fâcher avec toute la famille : son fils est mort, il y aura le décès de sa petite-fille…

Wilfried a choisi de ne pas choisir, de rester neutre, et tout au long de cette longue confession, il cherche à se dédouaner, responsable mais pas coupable… ne pas choisir, c'est aussi regarder faire les autres, donc être complice. On retrouve cette fameuse phrase : « on ne savait pas » !

La question que l'on se pose très vite, en lisant ce roman, est la suivante : est-il sincère dans son récit ? En fait, je ne pense pas, il réécrit l'histoire pour se dédouaner, même s'il veut faire croire que c'est sa mémoire qui lui joue des tours. Je n'ai pas senti de culpabilité, de regret chez lui, ou du moins ça sonne faux.

La première partie est très intéressante car axé sur le récit alors que la deuxième raconte la vie actuelle de Will, victime d'une fracture de hanche et qui n'est pas un patient facile, ce qui augmente le doute concernant son histoire !

J'ai beaucoup aimé ce roman car, à travers le récit de Will, il pose la question éternelle : qu'est-ce qu'on aurait fait ?

Le style de Jeroen Olyslaegers m'a plu, même si parfois le côté décousu de la narration pouvait s'avérer gênante, et je connaissais peu l'Histoire de la Belgique pendant cette guerre qui m'intéresse toujours autant. le titre de ce roman est très bien choisi !

#Trouble #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
Commenter  J’apprécie          530
Au crépuscule de son existence, Wilfried Wils rédige ses mémoires à l'attention de son arrière-petit-fils. Le vieil homme revient avant tout sur la Seconde Guerre mondiale. Engagé dans la police comme auxiliaire pour se soustraire au S.T.O., il s'est trouvé au coeur des événements tragiques de cette période, en qualité de témoin et parfois d'acteur.

L'histoire se déroule à Anvers, la ville du diamant, qui abrite une communauté juive importante. Rapidement, les Allemands mettent en place des mesures discriminatoires, procèdent à des arrestations arbitraires, des rafles et des déportations. Wilfried Wils va côtoyer les deux camps ennemis : Lode, son ami et collègue, lui présente des résistants qui viennent en aide à un fugitif juif ; son mentor qu'il surnomme Barbiche teigneuse, le met lui en relation avec des collaborateurs. Et voilà notre Wilfried balloté d'un côté à l'autre, comme sans volonté, recruté pour des missions clandestines, sans jamais faire de choix clair. La période est trouble et le jeune homme plein d'ambiguïtés. Même le lecteur peine à déterminer sa part de responsabilité dans les machinations et les trahisons. Il doit se contenter des aveux à demi-mot d'un vieillard écrasé par une culpabilité lancinante.

Il faut dire que le narrateur est animé depuis toujours d'une dualité inquiétante. A l'âge de cinq ans, il a perdu la mémoire après une violente méningite. Il a dû réapprendre son nom et celui de ses parents. Il reste persuadé qu'il s'agissait d'une duperie, qu'on l'a trompé sur sa véritable identité. En son for intérieur, il est Angelo, son moi obscur qu'il dissimule dans ses profondeurs, un alter ego inquiétant, violent, qui parvient parfois à s'imposer et à interrompre la comédie sociale de Wilfried. A Angelo la hargne, la passion , à Wilfried la représentation et la normalité. Angelo s'exprime à travers les poèmes publiés par Wilfried . Ses premiers textes sont d'ailleurs publiés après-guerre dans un premier recueil au titre évocateur : « confession d'un comédien »…

Ce roman m'a dérouté. Cela tient bien sûr à l'ambigüité de son narrateur mais aussi à la structure chaotique de son récit. Ses souvenirs sont évoqués de manière décousue, sans transition. Ce n'est qu'en progressant dans le texte que l'on parvient à situer les personnages et à reconstituer la chronologie des événements. J'ai également eu du mal à me repérer dans la géographie d'Anvers. Jeroen Olyslaegers livre un roman historique peuplé de personnages croqués sous des traits grotesques. Il dresse avec talent le portait de ces salauds ordinaires qui pullulaient sous l'Occupation. Ecrire sur la Seconde guerre mondiale, un sujet traité par les plus grandes plumes, est un pari risqué. Olyslaegers s'en sort avec brio avec un roman traversé de fulgurances et de visions cauchemardesques.


Je remercie les éditions Stock et Netgalley pour ce partage.
Commenter  J’apprécie          405
Par un long monologue, un arrière-grand-père raconte ses souvenirs dans un récit décousu, redonnant vie et couleurs sépia à Anvers, pendant la seconde guerre mondiale.
Sautant d'un événement à l'autre en brouillant la chronologie, le vieil homme évoque ses origines familiales, son éducation, sa passion pour la poésie, son mariage...
Et surtout son métier de policier, inévitablement aux ordres sous tutelle allemande.

En panorama se dessine la Belgique partagée entre collaboration et résistance, gangrenée par le nationalisme et l'antisémitisme dans une ville riche du savoir-faire des diamantaires juifs.

Si le contexte historique est proche de celui d'un autre pays européen à la même époque, le ton de narration est pour beaucoup dans l'originalité du livre et la personnalité très ambiguë du personnage principal.

Ce vieil homme qui se raconte reste un mystère dans sa duplicité. Spontané, direct, souvent cynique, il donne une vitalité percutante au récit, avec un esprit affûté, sans langue de bois. L'homme apparaît peu sympathique, distant, opportuniste, à la violence souterraine, naviguant à vue (comme une partie de la population d'un pays occupé) en cherchant avant tout à sauver sa peau dans une zone de chaos.

Une approche différente et originale sur l'attitude humaine d'un pays occupé.
Et un écrivain qui nous tient jusqu'à l'étonnant dernier chapitre.
Commenter  J’apprécie          390
TroubleJeroen Olyslaegers , Stock, janvier 2019,#Trouble #NetGalleyFrance.
Anvers de nos jours, il neige sur la ville. Un très vieil homme sort marcher, ses bottines d'avant-guerre aux pieds. Il se souvient et commence à raconter sa vie, l'histoire de sa ville. Hiver 1941, il a 20 ans et porte l'uniforme de policier. La ville est occupée par l'armée allemande. La chasse aux juifs a commencé avec l'assentiment de beaucoup .
Il se souvient et ouvre enfin les vannes de sa mémoire.
Bilan réaliste voir surréaliste! Ressentiment , colère, peur, trahison, amour, opportunisme, malheur, et la guerre toujours et encore avec son cortège d'horreurs.
Qui est vraiment Wilfried? quel a été son rôle? a t'il aidé, trahi? Est t'il le salaud que tous craignent et évitent?
Arrivé au bout de sa vie il essaye de faire le bilan. mais est il sincère, se voit il vraiment comme il pense avoir été ou comme il a vraiment été. Ceux qui pourraient le contredire ne sont plus là !
Jeroen Olyslaegers nous livre un roman mémoire, un roman coup de poing intemporel et universel. Il nous met face à l'éternelle question sans réponse et moi qu'aurais-je fait ou que ferais-je si je me retrouvais dans la même situation? Récompensé par le prestigieux prix littéraire belge Fintro ce roman mérite absolument le détour.
Un très grand merci aux éditions Stock pour ce partage.
Commenter  J’apprécie          310
Trouble, le premier livre traduit en français de l'écrivain flamand Jeroen Olyslaegers est un roman puissant et chaotique qui ressemble à l'époque et à l'endroit qu'il décrit : l'occupation allemande dans la ville diamantaire d'Anvers où vivait une importante communauté juive. L'ouvrage se présente comme un long monologue d'un vieil homme, de nos jours, à destination de son arrière petit-fils où il raconte, plutôt qu'il ne justifie, ses actes durant cette sombre période où les lignes entre collaboration, résistance et neutralité, si tant est que cela ait pu exister, étaient pour le moins floues et sujettes à interprétation, bien des années plus tard. le temps était alors à l'ambigüité, au doute, aux faux-semblants, et pour la plupart des anversois, à la survie. Wilfried, le narrateur, qui n'a peut-être plus toute sa tête, lâche de temps à autres quelque bribes de son histoire et de celle de ses proches après 1944. Durant l'Occupation allemande, Il était insaisissable, un policier aux allures de couleuvre qui se glissait dans tous les milieux, peu décidé à choisir un camp plutôt qu'un autre. Cet univers trouble rappelle un peu celui du Lacombe Lucien de Louis Malle (à la différence que le susdit avait de son côté pris parti, un peu par hasard, d'ailleurs). Trouble est un grand livre exigeant qui orchestre le capharnaüm ambiant avec maestria, quitte à perdre son lecteur parfois, notamment dans ses premières pages. L'atmosphère y est délétère et le cynisme autant que le tempérament dual de son personnage principal, poète à ses heures et soumis à des bouffées de violence éruptive, contribuent à densifier un roman qui alterne moments crus et instants lyriques, dans un style intense qui laisse peu de temps pour souffler. C'est vraisemblablement le livre le plus abouti de Jeroen Olyslaghers dont on serait curieux de lire d'autres récits, ce qui devrait pouvoir se faire si, comme il le mérite, Trouble connait le succès en France.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
Commenter  J’apprécie          273
Un livre troublant, comme l'annonce son titre qui semble référer au contenu du roman et aussi à l'effet produit sur le lecteur ! Dérangeant dès la première page… J'ai mis du temps à le lire, et j'ai laissé passer quelques jours avant d'écrire cette chronique. Dans trois parties de longueurs inégales, un vieil homme parle à la première personne à un interlocuteur absent qu'il interpelle fréquemment tout au long de son récit : « C'est alors, mon garçon, qu'un type comme moi doit sortir, vieux ou pas. » Il nous dira plus tard qu'il écrit ses souvenirs pour son arrière-petit-fils. Il se présente sans fard au début, et on comprend dès la première page qu'il est raciste.

Le récit de ce policier à la retraite navigue entre le présent et le passé, souvenirs d'enfance et d'adolescence parfois, mais surtout souvenirs de l'Occupation d'Anvers pendant la Deuxième Guerre mondiale. Je me suis habituée très vite au fait que présent et passé se télescopent parce que la narration est le plus souvent au présent  Le récit n'adopte pas une chronologie linéaire, mais suit le fil de la pensée, saute du coq-à-l'âne, d'une époque à l'autre. Il en va ainsi de la première anecdote racontée ; elle se situe en janvier 1941, sept mois après l'arrivée des Allemands à Anvers, alors que lui-même, Wilfried Wils (« Ce n'est pas vraiment mon nom, mais ça, je te le raconterai plus tard »), et Lode Metdepenningen sont de tout récents auxiliaires de police. Les jeunes collègues sont recrutés par deux Feldgendarmes pour aller rafler une famille juive, les Lizke, dont le père est un personnage épisodique, mais important, du roman. Les deux Allemands se comportent très brutalement et blessent un des cinq enfants. Lode, bouleversé, prend l'enfant blessé dans ses bras. Un « Feldfritz » sort sa matraque pour frapper le jeune homme, mais Wilfried stoppe son poignet, se révélant alors capable de courage dans le feu de l'action.

Mais le lecteur découvre petit à petit la dualité du personnage, dualité qui prend peut-être racine dans l'enfance : atteint par une méningite à cinq ans, Wilfried se réveille après quatre mois de coma, mais ne se souvient plus de rien, ni de ses parents, ni de son prénom. Il pense s'appeler Angelo et doit tout réapprendre (pages 48 à 50). Son indécision, son inertie, sa passivité viennent-elles de cet événement ? Ne sont-elles pas plutôt le reflet de sa lâcheté et de sa volonté de sortir indemne de cette période si trouble, justement ? Angelo est présenté comme le double cynique et violent d'un Wilfried pas si mauvais que ça ; cet ami imaginaire, ou plutôt cette face sombre de lui-même, prend parfois l'avantage et parfois se contente de ricaner en jugeant sévèrement et à l'aune de sa propre morale les actes ou le refus d'agir de Wilfried. Dualité encore ou duplicité ? Lode Metdepenningen, le meilleur ami (?) et beau-frère de Wilfried est du côté de la Résistance. Mais Felix Verschaffel, son « mentor » en français et en littérature, et en bien d'autres choses…, surnommé Barbiche Teigneuse, affiche pour sa part ses sympathies nazies et se réjouit quand il peut apporter son soutien actif à la cause. Et Wilfried ? il suit l'un ou l'autre, selon les circonstances, se contentant pendant longtemps de laisser passer l'orage. On le sait pourtant capable de violence. Dès le début du livre (p. 44 à 46), il va tenter de noyer le chat de sa femme parce que l'animal lui a filé une puce…

J'ai trouvé ce livre prenant, mais particulièrement dérangeant. le personnage principal apparaît ambigu et antipathique, même si on sent çà et là la volonté, non pas d'être aimé, me semble-t-il, mais d'être compris. Est-ce un parfait salaud ? Il tente de s'en sortir au quotidien, et pour ce faire, il adopte un attentisme assurément prudent, jusqu'à ce que… La distance, parfois le détachement avec lequel Wilfried présente ses souvenirs, la plupart du temps comme le ferait un témoin plutôt qu'un acteur, impose au lecteur une grande réserve, je crois. J'ai l'impression que c'est en partie ce point de vue distant qui m'a ramenée sans cesse à la question : « Et là, dans cette situation précise, qu'aurais-je fait à sa place ? » Impossible de répondre… J'ai regretté cependant que la deuxième partie du roman ne soit pas plus resserrée : les mêmes interrogations reviennent et j'ai eu le sentiment qu'on tournait un peu en rond.
Commenter  J’apprécie          220
Au soir de sa vie, Wilfried Wils se souvient et recompose de mémoire son existence, et notamment la période sombre de l'occupation. Il avait vingt-deux ans, vivait avec ses parents à Anvers, et était policier, ce qui signifiait participer parfois à des actions qu'il réprouvait, sans pouvoir toutefois s'y soustraire.
Pris entre son amitié pour son collègue Lode, plus carré et plus idéaliste que lui, son amour pour Yvette, et ses relations avec son professeur, un collaborateur qu'il surnomme Barbiche Teigneuse, le jeune Wilfried ne sait pas quel parti prendre, balançant entre résistance molle et participation peu active à des exactions à l'encontre des Juifs.

Le roman dévoile l'influence de ces années de guerre sur toute la vie de Wilfried en alternant les époques, et en étudiant ses relations avec les membres de son entourage.
Entrer dans les pensées du vieillard qui veut laisser une trace, des explications, à son arrière-petit-fils lycéen, n'est pas une sinécure. Malgré son grand âge, il reste cynique et grinçant, ne regrette presque rien, cherche constamment à justifier tout ce qu'il a pu faire. Il fait intervenir à cette fin son double, inventé dans son enfance, Angelo, qui aurait été son côté maléfique. L'ambiguïté est le maître-mot de ce roman.

Il ne faut pas venir chercher dans Trouble des personnages tout d'un bloc, sans faille, ou d'un courage hors du commun. Scruter des personnalités souvent lâches et pitoyables, en premier lieu celle du « héros », ne rend pas la lecture facile, mais passionnante, oui, et posant des questions universelles.
Bien qu'il ne soit pas dépourvu de quelques longueurs, le texte dense et fort, peu dialogué, restitue brutalement l'atmosphère menaçante d'une ville aux prises avec les heures les plus sombres de son histoire, ainsi que les motivations de chacun des protagonistes, souvent peu reluisantes.
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
Commenter  J’apprécie          190
Très belle découverte. Anvers 1940 occupée par les bottes allemandes, ville hautement stratégique par sa position géographique, ville terriblement attirante par l'éclat de ses diamants.
Au crépuscule de sa vie, Wilfried se souvient du jeune homme qu'il était alors. A son arrière petits-fils, il écrit une confession sans concession. Entre ses aspirations de futur grand poète et son statut de policier dans une ville sous domination nazie, où se trouve la ligne de partage entre le bien et le mal, entre la séduction d'un maître à penser collaborateur, le courage d'un frère d'arme et la découverte de l'amour avec Yvette ? Une époque confuse ne peut-elle engendrer que des comportements troubles, des actions troublantes, une certaine confusion latente….
Travaillant habillement les allers et retours entre le passé et le présent, Jeroen Olyslaegers compose une oeuvre tout en subtilité, saupoudrée d'une bonne dose d'acuité et d'une grosse pincée d'acidité. Point de jugement moral, de nostalgie, ni d'héroïsme sublimé par le passage du temps. L'auteur, au contraire, ouvre grand les yeux laissant tout sa place à la lucidité et à l'auto-critique. le résultat est éblouissant sur le fond, brillant sur la forme grâce à un style au cordeau. Tip top comme disent nos amis suisses.
Commenter  J’apprécie          143




Lecteurs (229) Voir plus



Quiz Voir plus

Français ou Belge ?

Georges Simenon

Francais
Belge

10 questions
430 lecteurs ont répondu
Thèmes : roman , littérature française , littérature belgeCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..