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3,7

sur 320 notes
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle de Jean d'Ormesson m'a laissé une impression de lecteur mitigée. Ces mémoires construites comme un dialogue entre son Moi et son Surmoi sont à la fois passionnantes et indigestes. Passionnantes par la somme des personnages qu'il convoque et dont les rencontres ont jalonné son chemin, façonné sa pensée et orienté ses choix. Quelle vie ! On se sent tout petit à côté, un peu envieux d'avoir pu côtoyer et échanger avec les plus brillants de son temps. Indigestes, parce qu'à force, toutes les références et les saynètes qui les accompagnent alourdissent la narration, font parfois perdre le fil du débat entre son ego et le juge freudien. Ce n'est pas le livre de lui que je préfère, mais j'ai beaucoup appris sur son parcours, hors du commun, qui ne fait que renforcer l'admiration qu'ont pu provoquer certaines de ses oeuvres
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Beaucoup aiment Jean d'Ormesson et il doit en énerver certains !
J'avoue faire partie de la première catégorie.
Dans cet ouvrage, il nous livre sous forme apparente d'un procès à la fin de sa vie, une sorte de testament philosophique.
C'est bien sûr, comme cela arrive à chaque homme, une réflexion sur la mort, la vie, notre bref passage sur terre, sur l'éternité…
Chacun trouvera ici des résonances selon ses propres références (Les auteurs, les acteurs, les politiques rencontrés). En tout cas, quelle vie !
Ce livre ne se résume pas tant il aborde des sujets variés et tant le nombre d'expériences vécues est important.
Certains ont essayé mais cela fait beaucoup de pages.
En tout cas, je me suis régalé ! Non pas de la vie de Jean d'Ormesson mais parce que j'ai lu un texte superbement écrit.
Comme c'est agréable de lire du vrai français.
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Jean d'Ormesson s'intente à lui-même un procès. C'est le prétexte qu'il a inventé pour rédiger sa biographie, et bousculer le genre : une enfance dans l'entre-deux guerres, une adolescence pendant la guerre de 39-45, une vie d'intellectuel, amateur de beau (pays, livres, architecture, ...), fréquentant l'élite française des trente glorieuse et se présentant comme un peu dilettante.

À son histoire, parsemée d'anecdotes plus ou moins savoureuses (sur lui-même et ses nombreuses relations), l'auteur ajoute quelques réflexions plus personnelles, qui viennent éclairer le personnage sous un autre jour. La principale, qui traverse tout le livre et structure la dernière partie, tourne autour de la question du sens de la vie.

On peut d'ailleurs s'interroger : ce procès que Jean d'Ormesson s'intente à lui-même n'est-il pas en réalité une préparation de celui qu'il s'attend à subir en entrant dans l'au-delà ?

Le livre se lit plus ou moins facilement. C'est à la fois une question de forme - l'écriture n'est pas toujours très fluide - et de fond - l'intérêt du contenu peut varier d'une page à l'autre. L'ensemble peut même, parfois, sembler un peu décousu. Mais on ne regrettera pas l'effort de lecture.

Au final, une lecture très intéressante, qui permet de mieux faire connaissance avec ce grand écrivain que fut Jean d'Ormesson.
Lien : http://michelgiraud.fr/2021/..
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Une voix reconnaissable entre toutes, des yeux d'un bleu à vous couper le souffle, un regard qui pétille de malice et d'intelligence Mr D' Ormesson vous faîtes sans aucun doute partie de ceux qui , toute modestie mise de côté, ont joué un rôle non négligeable dans notre microcosme français . Certes vous devez en irriter plus d'un mais c'est toujours avec beaucoup de plaisir que je vous ai écouté . Je dois avouer , toute honte avalée, que si c'est pour valider un challenge que j'ai ouvert votre livre "Je dirai malgré tout que cette vie fut belle " ce n'est que le plaisir de vous lire qui m'y a retenu!
Vous essayez de nous faire croire que vous ne vouliez pas écrire vos mémoires, certes je vous l'accorde disons que ce sont une succession de souvenirs égrainés dans un ordre à peu près chronologique !! Quels souvenirs! que de noms rencontrés, aimés, appréciés, admirés . A maintes reprises je me suis exclamée à oui cela je l'avais oublié, à tiens donc cela s'est passé comme cela .... il faut dire que bien des évènements relatés font partie de ma mémoire d'enfant, d'adolescence , de jeune femme et de femme adulte . J'ai retrouvé avec plaisir votre sourire en coin, votre sens de l'ironie et vous ai suivi dans votre cheminement de pensée .
Que j'aurais aimé vous entendre lire votre livre !
Une lecture foisonnante par une grande plume de la littérature française que du plaisir ! merci Mr d'Ormesson.
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Le kaléidoscope de la vie
OU
Un portrait impressionniste.

Jean d'Ormesson s'est convoqué au tribunal et, prenant le rôle du Grand Inquisiteur des Frères Karamazov, se traduit en justice. de quoi s'accuse t-il ? On l'ignore. Rien de bien précis. Ou alors d'avoir vécu. Avec trop de bonheur, peut-être ?

Une vie, un fleuve, tourbillonnant d'anecdotes, d'images, de rencontres...Un bonheur, qui ne demande qu'à se continuer. L'enfance, insouciante, heureuse, solidement enracinée dans l'amour de ses parents, au point d'être à peine marquée par la guerre qui l'entoure. Un bonheur où l'on souhaiterait demeurer, et qui enfante l'indécision : que veux tu faire de ta vie ? Etre heureux... Enfin, puisqu'il faut une réponse plus concrète : j'aime lire, j'aime étudier...

Le choc de la réalité : la khâgne et la rue d'ulm sont remplis de jeunes gens au moins aussi doués que lui et bien plus bûcheurs. Alors on se met à travailler, quand même. Une ambivalence qui ne le quittera plus : il aime traîner mais travaille énormément en prétendant ne rien faire. Elégance d'aristocrate ? Mais l'activité ne semble t-elle pas légère quand on fait ce que l'on aime ? Une aggrégation en philosophie bien qu'il ne se sente pas à l'aise en philo. l'Unesco, des dépits littéraires, les travaux au Figaro, puis les succès en librairie et la coupole. Enfin un endroit où l'on se sente chez soi, un nid ! D'ailleurs, s'il quitte Le Figaro, c'est pour se consacrer à la littérature, même si la venue d'Hersant et de ses copains a été un déclencheur.

Partitionner la vie de Jean en étapes, comme je viens de le faire, est un non-sens. Il s'agit bien plus d'une croissance, d'un tourbillon de rencontres, amoureuses ou intellectuelles, l'un n'empêchant pas l'autre, au contraire, tourbillon qui est bien plus une fête qu'un processus orienté vers un but prédéfini. Sa vie est une exploration des domaines d'expérience. Une vie riche, dans tous les sens du terme. Une vie de riche, aussi.

La fin du livre est un peu lourde. Jean essaie de dire qu'il est un homme, c.à.d. une instance de la catégorie "homme" : il se définirait comme l'un de ceux qui se disent, se sentent, se vivent humains, bien plus que normalien, académicien ou peut-être même écrivain - ces choses là ne sont que des habits pour l'humain. Un homme donc , avec tout ce que cela implique d'inachevé, d'ambigu, de vulnérable. Mais aussi d'espérance , de beauté fragile, de gloire, même esquissée, dans une vie qui se tend vers l'éternité. Fallait-il, pour cela, convoquer la mécanique quantique, la cosmologie, l'échelle de Planck et même le boson de Higgs ? La littérature, la poésie surtout me semblent plus aptes à rendre justice à l'Homme, tiraillé entre ses limites et ses aspirations.

Malgré ce petit bémol, un grand coup de coeur !
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Même si une biographie n'est pas mon sujet de prédilection, la langue excise de Jean d'Ormesson m'a rendu ce récit captivant et presque hypnotique.

J'ai vu dans cet ouvrage trois parties distinctes :

La première, sous forme d'un procès que l'auteur intente à lui-même par le jeu d'un dédoublement surprenant et subtil.
L'auteur nous conte en détails remplis d'anecdotes croustillantes, les méandres de sa vie et nous fait croiser une foule de personnages historiques ou contemporains.

Est-ce son talent ou beaucoup de chance qui ont conduit cet insouciant à croiser tant de monstres sacrés ? Son humilité le pousse à nous faire croire que seule sa naissance en est la cause. C'est possible mais ce n'est pas suffisant.
Je suis stupéfait par les conséquences de la pratique de l'entre-soi : un tel connaît un autre, un autre encore est père ou fils ou gendre de tel autre encore....et tous sont talentueux. C'est admirable....
Le lexique des noms de famille cités donne le tournis...


Dans la seconde partie, au milieu du livre, Jean d'Ormesson, avoue ses bassesses. C'est très curieux, courageux et humble. Mais son regard pétillant, que l'on imagine, nous aide à les pardonner. On dirait un enfant étonné de découvrir le monde. C'est sans doute cet étonnement qui lui a permis de traverser la vie avec tant d'enthousiasme et de fraîcheur.

Dans la troisième, enfin et bien sûr, Jean d'Ormesson va nous plonger dans sa vision mystique du monde et cela me ravi comme à l'accoutumé.
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Me voilà bien ennuyée. Que dire sur ce bavard Jean d'Ormesson ? Il a déjà tout raconté sur lui-même, sur ses relations avec des gens illustres, sur ses études, sur ses savoirs…

Je voulais un peu de réflexion profonde, j'ai lu un ramassis de souvenirs de toutes sortes, des premiers voyages durant l'enfance sous l'égide d'un père diplomate aux diners mondains, en passant par les démêlés journalistiques, les conversations avec (toujours) des personnes importantes, les amis cinéastes, les directeurs de ci et de ça et j'arrête.

Ah oui, il a eu une vie bien remplie, ce Jean d'Ormesson dont j'aimais quelques-uns de ses ouvrages. Mais ici, il se raconte, trop. Et il raconte, trop, le fait qu'il connait beaucoup de choses, beaucoup d'évènements, depuis les origines du monde jusqu'à aujourd'hui.
La forme ? Un « dialogue » entre le moi et le sur-moi, qui lui intente un procès et qu'il ne cesse d'interpeller sous une forme artificielle et qui à la longue devient lassant : « Sur-Moi des fleurs et des forêts », « vermisseau des marécages », « imposteur flamboyant » etc.

Bref, l'individu m'a horripilée, même si l'humour est présent dans beaucoup d'anecdotes.
Il se rachète quand même en exposant, dans la toute dernière partie de son ouvrage, son idée sur le Temps et l'Eternité, à en donner le tournis.

Alors, oui, je comprends qu'il proclame, à la suite d'Aragon, que « cette vie fut belle », car il a eu une existence privilégiée. Mais c'est dommage de laisser dans l'ombre tous ces êtres ordinaires qui font le monde, malgré tout. Parce qu'à le lire, on dirait que ce sont les autres, les vrais humains : les directeurs, les journalistes, les politiciens, les écrivains, les faiseurs d'Histoire.
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MOI : J'ai toujours reconnu que j'étais né avec une cuillère d'or dans la bouche.
SUR-MOI : Une cuillère ! Toute une batterie de cuisine, oui ! Châteaux. Fortune. Hérédité. Mariages. Études. Carrière.
Cet "échange" entre Jean d'Ormesson - le Moi -, qui met en scène son procès, et son juge-accusateur, qu'il qualifie souvent de "Sur-Moi", donne le ton de ce livre ... de souvenirs et de confessions, qu'il s'est refusé à écrire sous forme de mémoires, mais sous celle pleine de vie, de vitalité et d'esprit d'une pièce de théâtre... genre qu'il affectionne... on se souvient de - La conversation - qui fut une pièce à succès de l'auteur.
La fin de l'ouvrage bouclera la boucle de cette pièce de théâtre existentielle avec quelques lignes sur ce thème, à mes yeux les meilleures... " Ce que je crois, cher et illustre maître, misérable vieillard - et c'est pour cette raison que je ne crois pas à grand-chose -, c'est que l'histoire de l'univers, de la vie et des hommes n'est pas seulement une aventure, un roman, une épopée, un opéra, mais une sorte d'immense théâtre qui était vide avant nous et dont nous sommes les acteurs. Nous montons sur les planches en naissant. Nous sortons de scène en mourant. Entre la naissance et la mort, nous débitons notre texte. Nous avons le droit d'improviser, bien sûr. Nous pouvons le retoucher. Mais dans des limites très étroites."
Cette pièce de théâtre qu'est la vie de "l'écrivain du bonheur" est truffée d'humour, de bons mots, de légèreté, d'élégance... toutes choses que D Ormesson utilise avec un art consommé... parfois un peu trop, car le foisonnement d'anecdotes - qui est une des marques "dormessonienne", donne lieu à des redites de redites... mais comme il le disait lui-même : "je fais du d'Ormesson..."
Cet "héritier anarchiste de droite", comme il se qualifiait, nous charme - une autre de ses marques -, et nous agace à la fois - encore une autre ! "
Nous charme parce que l'univers qui fut le théâtre de sa vie ressemble à un rêve dans lequel on ne croise que "des rôles magnifiques et des grands acteurs."... une vraie pléiade !
Nous agace parce que nous ne sommes que "le public, lui-même composé d'acteurs... mais qui n'ont qu'un rôle "d'utilités".
Drôle, pétillant, léger comme des bulles de champagne, le propos n'en demeure pas moins "sérieux" pour autant.
La "singularité" de ce livre, qui n'est pas le meilleur de "ce commun des Immortels" tient dans ce que j'appellerai les "révélations". Il me semble que D Ormesson a joué la carte de la sincérité et a levé le voile - un voile pudique - sur quelques pans de sa vie. Certes le mondain reste le mondain et continue de s'afficher, mais derrière "le gandin des lettres", derrière "l'icône, la marque" comme il se présentait à la fin de sa vie, le sourire charmeur et le regard bleu malicieux, il y a l'homme et cet homme est définitivement attachant. Il y a l'intellectuel, l'érudit à la mémoire exceptionnelle, et il y a l'écrivain... et ce grand petit homme savait sacrément bien manier la plume.
J'ai aimé (il aurait apprécié ces mots) ce livre !
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Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, vers emprunté à un poème d'Aragon, est devenu le titre de cet ouvrage autobiographique paru en 2015, que Jean d'Ormesson a choisi de travestir en instruction, à charge et à décharge comme il se doit, d'un procès dont on comprend qu'il est une répétition devant ses lecteurs d'un jugement qu'il sait être le dernier.

Un procès, avec dans le rôle de l'avocat général son sur-Moi, supposé accabler son Moi, lequel a choisi d'assumer seul sa défense. Réquisitoire et plaidoirie dans lesquels on remarque toutefois une certaine connivence dans la contradiction, forme de mise en scène d'un examen de conscience lorsque parvenu à une époque de la vie où chaque levé de soleil est un sursis. Gageons que l'accusé ne manquera pas de répartie connaissant sa verve légendaire débordante d'optimisme.

Mais de quoi son sur-Moi accuserait-il Jean d'Ormesson au soir de sa vie ? De paresse, de naïveté, dont il aime à s'affubler ? D'être bien né ? Ou peut-être, sans parler de défaut d'amour pour son prochain, mais plutôt de défaut de manifestations d'amour. Ne s'accable-t-il pas lui-même d'avoir conduit sa vie dans "l'indifférence passionnée" du monde qui l'entoure. Terme générique qui doit contenir et Nature et Ceux qui la peuplent.

Mais c'est bien plus d'un procès en fausse modestie dont Jean d'Ormesson devrait répondre. On le confirme à la seule lecture de l'index du panthéon culturel qui peuple ce livre, car nombreux sont ceux qui auraient aimé que leur paresse les fasse normalien, directeur du Figaro, académicien et au final entrer dans la Pléiade de leur vivant. Aussi, au-delà de l'index de cet ouvrage, et à sa lecture donc, le lecteur qui n'a de l'académie qu'une idée très abstraite ne pourra quant à lui que faire oeuvre d'une modestie bien réelle en mesurant l'univers sidéral de connaissance qui le sépare de l'académicien. Sa fausse modestie est en partie faite du "narcissisme et de la vanité de ceux qui écrivent", dont il est lui-même, Jean d'Ormesson, lorsqu'il rédige cet ouvrage. Dont il était, puisque désormais sorti du temps et versé dans l'éternité.

Le procédé narratif de cette mise en accusation bien maîtrisée permet de relancer régulièrement un récit qui pourrait s'essouffler de tant d'énumérations de sources bibliographiques, de personnages plus ou moins célèbres rencontrés au gré des pérégrinations planétaires de son auteur. Au vulgaire qui ne partagerait pas un tel carnet d'adresses, une telle érudition, pareil flot de références pourrait passer pour poudre aux yeux, provocation, voire pour mépris. Les quelques trivialités, les interpellations quelque peu brutales de son sur-Moi qui jalonnent ce récit ne dévoilent rien de très personnel. Pudeur quand tu nous tiens. Elles sont à dessein une subtile accroche à destination des vrais modestes, dans lesquels je me range. Ceux-là même qui se seront risqués à l'acquisition de la désormais fameuse couverture aux liserés rouges et noir de la très sérieuse maison d'édition, héritière de la NRF.

"Ecrivain miroir de son temps", Jean d'Ormesson n'oublie pas dans ses regrets de déplorer le sort réservé à l'objet de toutes ses attentions, la langue française. Notre belle langue qu'il maîtrise si bien et qui l'a fait vivre. Il la voit malmenée, menacée par une déferlante d'onomatopées, d'anglicismes, d'acronymes et de substantifs tronqués, insidieuse et opiniâtre érosion suscitée par cette même paresse dont il s'est fait le parangon. Ce nouveau langage qui porte l'homo numericus à fouler au pied la grammaire, celle-là même qui jusqu'à ce jour aura fait chanter aux oreilles de son auditeur la belle langue de Molière.

Récit autobiographique sans grande révélation donc, d'une vie dont d'aucun pourra dire qu'elle aura été sans le souci du lendemain, puisque bien née dans l'amour et le confort. D'une vie que son bénéficiaire avoue d'admiration béate de tout, du monde et de la vie elle-même en particulier. Une vie sans souci d'un lendemain matériel. Parce que pour ce qui est du lendemain immatériel, celui-là même qui court avec la funeste opiniâtreté qu'on lui connaît, ce souci-là se fait obsessionnel. On le comprend fort bien. C'est un des thèmes sur lequel on se retrouve, nous aussi ses lecteurs, sans savoir le dire aussi bien que lui, forcément. C'est la raison pour laquelle plus que tout ce que l'académicien a ingurgité de connaissances et fréquenté de sommités, plus que cet acquis d'un passé qui n'est plus, d'un présent impalpable, d'un futur qui ne sera pas, il dirige son amour vers la Lumière et le Temps. Toutes deux notions sans consistance et qui pourtant commandent à nos vies. Pouvoir égalisateur de la mort entre le pauvre et le riche, le beau et le laid, le sot et le lettré. Ne reste alors que l'héritage, ces fameuses tranches de cuir gravées de lettres d'or de la Pléiade, pour faire la différence et prolonger ainsi celui qui a traversé le temps avant que de basculer dans l'éternité de l'oubli.

A moins que … à moins que l'oubli ne soit rien de ce tout et de ce rien qui se confondent dans vos propos monsieur d'Ormesson. A moins que l'oubli ne soit cette immensité d'amour auquel tout le monde aura prétendu avec des fortunes très diverses en ce purgatoire terrestre.

On aura aimé votre engouement communicatif pour cette vie, Monsieur d'Ormesson, et cet espoir d'ouverture que vous nous proposez vers une immensité d'amour, que vous nous suggérez quand le temps ne sera plus compté. Et cette fausse modestie dont vous auréoliez votre personne, elle a fait partie du personnage. Elle a fait nos délices chaque fois qu'un plateau TV vous offrait une tribune. Elle le fera encore lorsqu'on s'ouvrira à tous ces écrits que vous avez laissés à notre attention.
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Une poésie étourdissante traverse cet essai d'un homme qui sait qu'il va mourir et qui laisse les meilleurs sentiments qui emplissent son âme et la submerge guider sa plume. On aurait tant aimé voir se prolonger à l'infini ces douces et âpres réminiscences qu'il nous raconte pour notre plus grand plaisir avec une impression de vie exceptionnelle, mais n'est-ce pas le meilleur de lui-même qu'il nous livre là avec cette tonalité unique qui précède la mort. Il s'arrange avec elle pour n'en point paraître ; j'y vois comme chez Le Clézio dans Sa Chanson bretonne cette idée de se défendre là d'écrire de la nostalgie, ici des mémoires ou des souvenirs d'enfance et de jeunesse, cette suprême élégance qui les trahit comme le dernier baroud d'honneur auquel se livre Stefan Zweig dans le Monde d'hier dont parle d'ailleursJean d'Ormesson. Il fait même plus que d'en parler puisqu'il semble emporter avec lui ce monde d'avant pour lequel il a la modestie de penser qu'une mort inéluctable qui se rapproche renvoie tout simplement aux souvenirs de la vie avec l'illusion que le monde qu'on laisse fut mieux. Il est bien vrai qu'il nous invite à le penser.

Il a dû bien rigoler le jour où il reçut le prix Rousseau pour ce livre, lui que les jurys de prix littéraires avaient boudé toute sa vie durant alors qu'il fut un des grands esprits contemporains à défendre la littérature. On peut y voir même du cynisme quand dans le même temps les plumitifs se répartissaient les honneurs et les rôles indûment. Il est certain qu'avec lui, on y voit le monde d'avant dans ce livre remarquable quand le monde de demain nous prépare a du produit industriel pasteurisé , quand le noble effort de l'homme se transforme en jambonneau reconstitué !..

Je n'ai franchement pas envie de faire le pitch de ce livre, écume d'une vie passionnée, est-il possible de le faire d'ailleurs, c'est typiquement le genre de choses qui ne passe pas au laminoir ? J'ai plutôt envie de le citer, alors voici :
"Il y a des rôles magnifiques et de grands acteurs. Et il y a des utilités. Tous les acteurs sont égaux. Mais il y a des vedettes dont on se souvient longtemps. Des acteurs comme Homère, Platon, Alexandre le Grand, Gengis Khan, Rembrandt, Shakespeare, Goethe, Napoléon Bonaparte, Chateaubriand, tolstoï, Proust, Churchill, Staline ne sont pas oubliés. Nous avons en mémoire leurs gestes et leurs répliques. Leur talent. Leur génie.." (Page 432)

".. Avec des séjours brefs et très doux, malgré la dureté des temps, au lycée Blaise-Pascal et au lycée Masséna. L'hypokhâgne, puis le khâgne du lycée Henri IV, c'était autre chose : une sorte de paradis et, en même temps, d'enfer. A Munich, à Bucarest, à Rio, au cours Hattemer par courriers interposés, à l'école Bossuet, à Clermont-Ferrand, à Nice j'étais presque toujours premier ou deuxième - sauf en cosmologie..- sans me donner trop de mal. A Henry IV, tout à coup, au milieu de petits génies venus d'un peu partout avec de grandes espérances, je me retrouvais, stupeur et désespoir, parmi les derniers. Je souffrais beaucoup. Je serrais les dents. Je commençais à me demander ce que je faisais là. J'ai lu récemment je ne sais plus où qu'une jeune fille brillante, habituée en hypokhâgne à être toujours première et tombée en khâgne au rang de deuxième, avait tenté de se donner la mort. J'aurais pu la comprendre. Attisé par un monde en feu dont nous ne savions pas grand chose, le chagrin se mêlait à l'exaltation.." (Page 133).

Perso, c'est un prof de philo, un homme d'esprit, qui a basculé dans le privé, devenu mon directeur, qui un jour lisait "Jean qui grogne, et Jean qui rit, alors que j'en concevais une vue assez détachée. Il le lisait n'importe où, entre la poire et le fromage, etc, qu'il finit par me donner le goût de lire D Ormesson. Il n'eut besoin de m'en dire juste deux mots et de l'ouvrir à la page qu'il lisait, son influence m'était tellement grande .. Mon cher Jacques, qui a rejoint le paradis blanc, D'Ormesson est notre trait d'union ..
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