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EAN : 9782268104201
160 pages
Les Editions du Rocher (02/09/2020)
3.05/5   33 notes
Résumé :
Troisième roman d'Anthony Palou, La Faucille d'or entraîne lectrices et lecteurs en Bretagne, à la fin de la terre, sur les pas du narrateur, journaliste quelque peu désabusé qui s'intéresse à la disparition en mer d'un marin-pêcheur. Loin d'une enquête, le roman offre une quête, celle du narrateur, qui recherche ce qu'il a aimé, dans la vie, dans son métier, lui qui ne se sent plus à sa place dans une époque anxiogène.

Un narrateur qui, entouré d'une... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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David Bourricot, journaliste autrefois primé, est aujourd'hui déprimé, voire dépressif et presque alcoolique, à deux doigts d'être largué par sa femme. Après un réveillon de Noël en tête-à-tête avec son verre de vin, il tente de se reprendre : son rédacteur en chef l'envoie enquêter en Bretagne sur la disparition en mer d'un marin-pêcheur, sur fond éventuel de trafic de drogue. Bourricot, la Bretagne, il connaît, il y a passé toutes les vacances de son enfance. Installé dans un petit hôtel dans un petit village, il prend ses quartiers à La Toupie, le bar des piliers de comptoir du coin. de rencontres improbables avec des personnages hauts en couleurs (un nain artiste-peintre et son épouse, Clarisse la jolie veuve du pêcheur, les collègues de ce dernier,...) en réflexions existentielles et divagations mélancoliques, le reportage de David n'avance guère. Plutôt que de chercher la vérité sur la mort du marin, il cherche sa propre vérité, il se cherche lui-même, s'interroge sur son avenir personnel et professionnel. Nostalgique du passé, notre anti-héros envisage vaguement d'écrire des lettres à sa femme (qu'il n'envoie jamais) et un article pour son journal (qu'il n'écrit pas davantage), qui établirait un parallèle entre les métiers de marin-pêcheur et de journaliste, qu'il voit comme deux métiers "artisanaux" en voie de disparition à l'heure de la pêche industrielle et de la presse en ligne, et de la rentabilité à tout prix.

A la fois loufoque et mélancolique, une lecture rapide et agréable mais qui ne me laissera pas un souvenir impérissable.

En partenariat avec les Editions du Rocher via Netgalley.
#LaFaucilledOr #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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David Bourricot est un journaliste à la dérive, sa femme et son fils ont pris le train pour La Rochelle, il y a l'eau dans le gaz. Il s'apprête à passer la veille de Noël avec l'alcool comme seul compagnon. Pour essayer de le sortir de cette impasse son rédacteur en chef l'envoi au fin fond de la Bretagne pour enquêter su la mort suspecte de Pierre Kermadec, un marin-pêcheur passé par-dessus bord d'un chalutier sur fond de trafic de cocaïne.

Est-ce un accident ou un meurtre Bourricot va mener l'enquête.

David va prendre ses quartiers à La Toupie le bar du village où toutes les épaves viennent s'amarrer.
Il y a Marie la serveuse avec son joli derrière de lapin.
Henri-jean un nain dit Toulouse Lautrec, peintre du dimanche et Gwenaëlle sa femme onctueuse.
Jean-Marc dit le borgne, avec son tatouage de faucille d'or qui représente la lune, le patron du chalutier sur lequel travaillait Kermadec.
Clarisse la belle veuve du marin disparu, toujours prête à se faire consoler.

Ce roman sans prétention est plaisant à lire, porté par une galerie de personnages hauts en couleur. Les souvenirs nostalgiques de David et ses interrogations sur sa vie, alternent avec sa pseudo enquête l'occasion pour l'auteur d'évoquer le milieu de la pêche, un métier artisanal qui se perd, la crise due au manque de poissons et à la concurrence espagnole, la difficulté du métier, la détresse des marins-pêcheurs et la tentation de la drogue pour oublier.

Anthony Palou comme une ultime pirouette nous dévoile la vérité qui se trouve dans l'estomac d'une lotte de huit kilos.

Un grand merci aux éditions du Rocher de m'avoir offert l'opportunité de lire ce roman.
#LaFaucilledOr #NetGalleyFrance


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Retour en Bretagne

Le troisième roman d'Anthony Palou, La faucille d'or met en scène un journaliste revenant dans son Finistère natal pour enquêter sur un marin-pêcheur disparu. Un voyage qui est aussi l'occasion d'un bilan.

Pour le journaliste David Bourricot, les ficelles du métier sont déjà bien usées. le vieux baroudeur de l'information est bien désabusé et n'accepte que du bout des lèvres la proposition de son rédacteur en chef de partir en Bretagne pour enquêter sur la disparition, somme toute banale, d'un marin en pleine mer.
Arrivé dans sa région natale, ses premières impressions n'ont pas vraiment de quoi l'enthousiasmer: «Hôtel du Port. de la chambre de tribord. Temps gris et frais. Très frais. Vue sur la mer peu agitée. Petites vagues. Moutons nombreux. L'ennui des dimanches, toutes mes vacances d'enfant au Cap Coz. Pourquoi faut-il que je revienne là où mon entrepreneur de père ma vacciné contre les méfaits de la mer? Là où ne sachant trop quoi faire, je me prenais pour Marco Polo, pour Magellan, Tabarly.» Il faut dire qu'il trimballe avec lui un lourd passé. En décembre 1994 sa femme avait perdu leur fille Cécile en accouchant et jusqu'à la naissance de leur fils César, elle ne s'était jamais vraiment remise de ce drame. «Elle resterait toujours froide, froide et frigide. Une pierre tombale.»
Mais est-ce l'air du large qui lui vivifie les neurones? Toujours est-il qu'il retrouve peu à peu l'envie d'en savoir davantage sur ce fait divers, aussi titillé par l'immense défi qu'il lui faut relever: tenter de faire parler des taiseux qui n'aiment pas trop voir débarquer les «fouille-merde», fussent-ils enfants du pays.
Mais il va finir par trouver son fil d'Ariane en la personne de Clarisse, la veuve du défunt, qui va lui lâcher quelques confidences sur l'oreiller. Il va alors pourra remonter à la source et mettre à jour la seconde activité – lucrative – de certains marins-pêcheurs. Il apprend que leurs bateaux sont mis à disposition des trafiquants de drogue pour acheminer discrètement la marchandise.
Un peintre nain, Henri-Jean de la Varende, va aussi le prendre sous son aile sans pour autant qu'il puisse définir s'il le guide ou le perd dans sa quête. La patronne du bistrot, qui recueille toutes les histoires et ragots, lui sera plus précieuse.
Anthony Palou, en mêlant les souvenirs d'enfance à l'enquête journalistique, va réussir à donner à son roman une couleur très particulière, plus poétique au fil des pages, à l'image du reflet d'un croissant de lune sur la mer qui a inspiré Victor Hugo pour son poème Booz endormi et qui donne son titre au livre:
Immobile, ouvrant l'oeil à moitié sous ses voiles,
Quel dieu, quel moissonneur de l'éternel été,
Avait, en s'en allant, négligemment jeté
Cette faucille d'or dans le champ des étoiles.
Sous des faux airs de polar finistérien, ce roman cache un drame qui va chercher au plus profond les ressorts d'une existence sans pour autant oublier l'humour. Autrement dit, une belle réussite!

Lien : https://collectiondelivres.w..
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David Bourricot est journaliste, son travail laisse à désirer depuis quelques mois, pour ne pas dire années et son rédacteur en chef l'envoie en Bretagne enquêter sur le disparition d'un marin-pêcheur. Cela tombe à pic, il va passer le réveillon de Noël tout seul , sa femme et son fils de six ou sept ans, il ne le sait même pas, sont partis en vacances de leur côté, d'ailleurs il est sûr que la séparation est imminente. Son patron le force à se remuer et lui fixe un ultimatum amical. David va donc s'installer pour quelques jours dans un hôtel sur un port breton et découvre un bar où tous les marins ou autres marginaux du coin viennent s'échouer. Il fait ainsi connaissance avec la serveuse Marie, Henry-Jean, un peintre nain et alcoolique, double De Toulouse-Lautrec, sa femme Gwenaëlle, Yann le patron de Pierre le marin disparu et Clarisse sa veuve. Il ne tarde d'ailleurs pas à succomber à son charme ravageur. Au lieu de mener son enquête, David fait le bilan de sa vie. Il se demande si Pierre a été victime d'un accident, d'un règlement de compte entre trafiquants de drogue, mais finalement, il aura le fin mot de l'histoire grâce à un rebondissement incroyable ( et totalement ridicule !).

Ce roman est une grosse déception pour moi, il était présenté comme relevant de l'univers de Modiano, ce qui ne pouvait que m'attirer comme un aimant, mais ce texte n'a rien à voir, même de très loin avec le prix Nobel. Il y a certes de l'humour qui sauve un peu la mise. David est un personnage peu intéressant qui se regarde sans cesse le nombril, perdu entre ses souvenirs d'enfance dans la région et ses problèmes conjugaux, Pierre est finalement son double, qui a lui aussi sombré dans des problèmes similaires. le personnage le plus intéressant est le peintre, qui a le rôle du vieux sage malgré son alcoolisme, il indique à David le chemin à suivre pour son enquête et il en sait plus que les autres, il a un côté fragile et touchant. La problématique de la pêche m'a par contre beaucoup intéressée, les petits pêcheurs n'arrivent plus à faire face à la concurrence des bateaux-usines étrangers, sans compter que ces derniers ont des équipements très puissants et raclent le fond des mers, mettant en péril les poissons.

Ce que j'ai trouvé de rédhibitoire dans ce roman, c'est son style tout sauf fluide. Les phrases sont ampoulées et très lourdes, les images attendues. de plus il y des incohérences internes, comme si l'auteur ne s'était pas relu. Pierre a disparu une fois depuis six moi et une fois depuis un an. Et encore mieux, le père de David lui téléphone au début du roman pour lui souhaiter un joyeux Noël, et ensuite à deux reprises, il est mort en pêchant des coquillages alors que David était encore enfant…. Il faudrait savoir. Autre chose qui m'a beaucoup chiffonnée, c'est l'article devant les prénom féminin (uniquement), ainsi nous avons La Josée, La Clarisse et La Gwenaëlle. Je sais que cet usage existe dans le langage parlé dans le Jura, mais ça sonne extrêmement vulgaire et inélégant dans un texte écrit. Bref, la rencontre magique ne s'est pas faite avec moi, mais j'ai vu que ce roman a d'autres critiques plus enthousiastes. Pour mon compte il sera vite oublié. Je m'attendais à autre chose avec ce beau titre, peut-être une balade dans la Bretagne mythique.
Lien : https://patpolar48361071.wor..
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La faucille d'or Anthony Palou Elidia éditions du Rocher.
David Bourricot se retrouve seul à Paris, Marie-Hélène son épouse et César leur fils sont partis passer quelques jours à La Rochelle dans sa famille . Désoeuvré, mélancolique, voir neurasthénique David se traine.. Romain son patron l'appelle et lui confie une enquête. Direction la Bretagne, Penma'ch un port de pêche non loin de Quimper. La Bretagne, le bord de mer entre Noël et Jour de l'an , pas bien net le Romain! Et tout cela parce que Pierre un marin est passé par dessus bord quelques mois auparavant, alcool, drogue, vengeance? ... Alors bon an mal an , voici David installé pour quelques jours à Penma'ch. Sur qui enquête t'il au fait, sur Pierre ou sur lui-même? Un récit surprenant, mêlant introspection, nostalgie, et réalité contemporaine. Des personnages haut en couleurs qui évoquent l'univers de Fellini. Des phrases surprenantes que Frédéric Dard aurait pu pondre un soir de grand vent et la mer, la pêche, ce monde fascinant qui sans doute ne survivra pas.
En un mot si vous recherchez une lecture confortable, passez votre chemin, si au contraire vous avez envie d'air frais, de vent, de pluie et de rencontres humaines aussi farfelues que touchantes, dans ce cas et uniquement dans ce cas ouvrez La Faucille d'or et laissez vous porter...
Un grand merci aux éditions du Rocher pour ce voyage abscons en Pays Bigouden.
#LaFaucilledOr #NetGalleyFrance
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critiques presse (1)
LeFigaro
24 septembre 2020
Au gré d’une dérive cocasse et mélancolique, un journaliste enquête dans un village breton.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
INCIPIT
Un drôle de Noël
Ce soir-là, David Bourricot quitta son deux-pièces de la rue Bougainville, traversa l’avenue de la Motte-Piquet et battit la semelle rue Clerc tout illuminée. Elle grouillait de retardataires ainsi qu’il sied la veille de Noël. Tous ces gens lui semblaient vieux et rabougris, spectres ployant sous le poids de leurs achats, huîtres creuses ou plates, chapons, dindes et foie gras, boudins blancs, noirs, violets et bûches. Il devait être dix-neuf heures trente lorsqu’il s’arrêta à la boucherie. Il hésita entre une bonne tranche de gigot et ce bout de cuissot de sanglier. Va pour le cuissot. Puis il fit un crochet chez l’admirable pharmacienne. David avait toujours préféré aux actrices et aux chanteuses la boulangère, la poissonnière ou la fleuriste, n’importe quelle présence anonyme, n’importe quel fond d’œil, à la seule condition qu’il puisse apprécier une présence dans l’iris. À la pharmacienne rêvée, il demanda une boîte de Maalox goût citron sans sucre, du Vogalib et du citrate de bétaïne. Le réveillon s’annonçait sous les meilleurs auspices.
Trois semaines que David traînait ces aigreurs d’estomac. Son organe digestif était sans doute dans un sale état. Il avait pourtant arrêté l’ail, les oignons et les jus d’orange sanguine. Il n’avait pas arrêté le vin blanc. Un de ses amis médecin mettait ces remontées acides sur le dos du stress, il lui avait dit aussi qu’il devait arrêter de fumer, qu’il devait se sentir coupable de quelque chose. Ces relents le rendaient parfois irascible et ce n’étaient pas ces fêtes de fin d’année qui allaient arranger ses affaires. Bourricot flirtait avec les quarante-cinq ans et il avait le funeste pressentiment qu’il allait débarrasser le plancher d’ici peu. Son temps lui semblait sérieusement compté.
Nous étions donc le 24 décembre et il allait dîner. Seul. Il n’était pas spécialement déprimé, il était tout simplement là. Là, là, là. Comme déposé sur terre à ne plus rien faire. Puis, traînant ses godasses, il rentra chez lui, s’offrit un gin tonic devant BFMTV et, peu avant minuit, réchauffa au four son cuissot. Une vraie carne. Tellement pas mastiquable qu’il eût bien aimé qu’un chien surgisse de dessous de la table, histoire de faire un heureux. C’était la première fois qu’il se retrouvait face à lui-même lors d’un réveillon de Noël. Sa femme avait pris, ce matin, le train pour La Rochelle avec leur fils si chahuteur, César. Comme on dit dans les émissions de téléréalité, il y avait de « l’eau dans le gaz » entre David et Marie-Hélène. Les ports sont assez commodes pour ceux ou celles qui veulent prendre le large. Mais ils partent rarement. Contrairement aux bagnards qui n’avaient pas, à l’époque, trop le choix. « Après tout, pensait David, Marie-Hélène ne me quittera jamais. » Toujours, elle resterait à quai. Pour lui ? À cette heure-ci, ils auraient dû, tous les trois, papa, maman et ce si cher fiston, en être à la bûche, peut-être à la distribution des cadeaux. Sur le sofa, David posa à côté de lui le présent que César lui avait si gentiment offert, une petite boîte dans laquelle il y avait deux coquillages peints et ce mot, tout tremblotant, ce mot gribouillé : Je t’aime, papa. Alors, David se souvint de ce poème en prose de Coventry Patmore, Les Joujoux, et il se le récita d’une manière un peu bancale : Mon petit garçon dont les yeux ont un regard pensif et qui dans ses mouvements et ses paroles aux manières tranquilles d’une grande personne, ayant désobéi pour la septième fois à ma loi, je le battis et le renvoyai durement sans l’embrasser, sa mère qui était patiente étant morte. Puis, craignant que son chagrin ne l’empêchât de dormir, j’allai le voir dans son lit, où je le trouvai profondément assoupi avec les paupières battues et les cils encore humides de son dernier sanglot. Et je l’embrassai, à la place de ses larmes laissant les miennes. Car sur une table tirée près de sa tête il avait rangé à portée de sa main une boîte de jetons et un galet à veines rouges, un morceau de verre arrondi trouvé sur la plage, une bouteille avec des campanules et deux sous français, disposés bien soigneusement, pour consoler son triste cœur ! Et cette nuit-là quand je fis à Dieu ma prière je pleurai et je lui dis : « Ah, quand à la fin nous serons là couchés et le souffle suspendu, ne vous causant plus de fâcherie dans la mort, et que vous vous souviendrez de quels joujoux nous avons fait nos joies, et combien faiblement nous avons pris votre grand commandement de bonté. »
Et il versa quelques larmes, lui qui n’en avait franchement pas versé beaucoup. David n’avait pas le cœur sec, contrairement à son gosier. À l’enterrement de sa mère – quatre ans déjà ? –, il n’avait eu bizarrement aucune émotion et toute la famille l’avait regardé d’un œil torve. Pas un signe d’émotion. Aucune vague, aucune ride sur son visage. Devant le cercueil de cette femme si aimée, l’esprit de David s’était envolé, il pensait à autre chose, pas à ces roses tristement blanches déposées ici et là, pas à la crémation, à venir, non, il pensait aux oiseaux, il pensait à ce merle moqueur qui chaque matin le réveillait comme sa mère le réveillait, le caressait d’un si doux baiser alors qu’il devait prendre le chemin de l’école.
Notre ami David s’était, adolescent, pincé d’ornithologie, mais il n’avait pas vraiment de violon d’Ingres. Il s’était vu pigeon voyageur à Venise, il s’était plané mouette à Ouessant, il s’était niché cigogne sur une flèche de cathédrale alsacienne, enfin il s’était rêvé bouvreuil pivoine du côté de la forêt de Fontainebleau à l’heure où le soleil se tait, à l’heure où la demi-lune, toujours royale et fière, montre sa nouvelle coiffure, sa raie de côté. Il avait appris dans un manuel que le bouvreuil pivoine, si on lui siffle une mélodie alors qu’il est encore dans son nid, la retiendra, oubliant les leçons, le concerto de ses parents.
Le couple Bourricot ne se caressait plus beaucoup depuis deux ans. David s’y était habitué. Se consolait de peu de chose. Sa mère aussi avait cessé de l’embrasser lorsqu’il avait commencé ses poussées de psoriasis qui le taquinèrent dès l’âge de cinq ans, atroces démangeaisons qui lui dévoraient les mains et l’arrière-train. Lorsqu’à douze ans, il fit des crises d’épilepsie, c’était le bouquet. Bave, œil révulsé, corps contracté, muscles à la limite de la rupture, hôpital à répétition. Maman était là, ordonnant aux infirmières des linges humides sur son front, des serviettes entre les dents afin qu’il ne se morde plus la langue.
Il reçut un appel de son père, atteint d’Alzheimer, qui lui souhaita de bonnes Pâques. Un visionnaire. Il lui dit, très gai, qu’il avait vu maman ce matin, mais maman était décédée de la maladie de Waldenström depuis presque quatre ans. Morte à l’aube d’un 22 novembre, lorsque le jour espérait encore un rayon inconnu, après une nuit où la lune ressemblait à un sourire de clown que l’on nomme joliment croissant. Dès lors, David avait pris conscience que les vivants, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas encore partis, ne faisaient que traverser le monde des morts. Son pauvre papa.
Puis il reconnut le 06 de son frère Paul, avocat pénaliste, qui lui déclara, ce sacré farceur : « Eh, David ! Pas encore derrière les barreaux ? » Et ce coup de fil de son rédacteur en chef, Romain Beaurevoir, qui savait que son vieux et cher Bourricot, ce journaliste admirable, était le genre de type à qui il faut sévèrement botter le train, que l’on a plaisir à taquiner :
— Eh, mon vieux David, ça te dirait de passer quelques jours au fin fond de la Bretagne ? J’ai un petit reportage pour toi…
— Un reportage sur les galettes au blé noir complètes, sur les algues vertes, les artichauts ou les choux-fleurs ?
— Mieux, mon vieux Milou, un trafic de cocaïne sur des chalutiers. Tu te débrouilles pour enquêter sur l’affaire Pierre Kermadec. Ça cache quelque chose. C’était il y a six mois. Le type a dû être jeté à l’eau : un règlement de comptes, sans doute. Les flics n’ont rien trouvé mais, dans le milieu, il y a pas mal de consommation de coke ou d’héroïne. Écoute-moi, la Bourrique, je viens de lire un article, l’article d’un addicto- logue dans un magazine plutôt sérieux, un truc réservé aux toubibs dans lequel on apprend que la dépendance à la dope a toujours existé chez les marins-pêcheurs. Au siècle dernier, ils étaient accros à l’alcool et au tabac, souvent les deux. Aujourd’hui, ils sont passés du pastis aux opiacés.
— Et alors ?
— Et alors, mon vieux Milou, c’est un super sujet, un sujet qui peut te remettre d’aplomb. Tu sais, lorsque je te parle, j’ai l’impression que tu as consommé des substances psychoactives.
— Si j’avais consommé ce genre de produits, j’aurais grimpé aux rideaux de ton appartement et j’aurais violé ta femme.
— Eh bien, nous y sommes, mon vieux Milou. Tu commences à comprendre. Les marins-pêcheurs seraient tellement chargés qu’ils abuseraient de…
— C’est une plaisanterie, cette enquête.
— Tu sais, David, n’aie pas peur, la terre est plate. Même lorsque tu as trop bu, le trottoir va plutôt plus droit que toi…
—Très drôle. Sauf que ce matin, j’ai vu une vieille glisser sévèrement sur une plaque de verglas…
— Mon cadeau de Noël est le suivant. Tu pars demain pour Quimper. Ensuite tu loues une bagnole et tu glisses direction Penmarc’h et Le Guilvinec.
— J’veux bien, mais j’ai rendez-vous avec mon psychiatre le 4 janvier.
— Réfléchis un peu, Bourricot, qui paye ton psychiatre ? C’est toi ou c’est moi ? Je te signale que sans moi, plus de tickets-restaurants, plus de psychiatre, plus rien… Moi, ce que je veux, c’est que tu retrouves une certaine dignité. Tu sais, tout le monde t’aime bien au journal et se désole de ta déconfiture, de ta paresse. T’as eu ton heure de gloire lorsque tu as publié ton enquête sur les magouilles de ce producteur de cinéma, tu te souviens ? On te voyait partout sur les plateaux télé.
— Ah, je ne m’en souviens pas. J’ai dû passer dans des émissions merdiques, mais
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Hôtel du Port. De la chambre de tribord. Temps gris et frais. Très frais. Vue sur la mer peu agitée. Petites vagues. Moutons nombreux. L'ennui des dimanches, toutes mes vacances d'enfant au Cap Coz. Pourquoi faut-il que je revienne là où mon entrepreneur de père ma vacciné contre les méfaits de la mer? Là où ne sachant trop quoi faire, je me prenais pour Marco Polo, pour Magellan, Tabarly.
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« Cultivé, ce loueur de bagnoles », pensa David qui se sentit en terre conquise. Il nota, inspiré, sur son cahier, avant d’enclencher la première :
L’hiver dure ici plus longtemps. Quimper s’éteint dès six heures du soir. Les rues, les places, les avenues se vident. La ville se noie dans le silence. Quimper est une impasse, un cul-de-sac. L’Odet couleur de thé quand il rencontre le Steïr à l’angle de la rue René-Madec et de la rue du Parc. C’est à Quimper, ville confluente, que la Bretagne se concentre. Entre mer et campagne, le soleil se transforme en pluie en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Les rues, tout à l’heure pleines de lumière, luisent maintenant sous l’averse. Les pavés de la place Saint-Corentin brillent comme les yeux bleu de mer de cette jeune Bigoudène au teint pâle qui traverse la place, regarde la statue en bronze – blanchie par le guano des mouettes et des cormorans – de René Théophile Laënnec, illustre Quimpérois inventeur du stéthoscope. Ici, les printemps et les étés passent et se ressemblent. D’une année à l’autre, ces deux saisons changent de tons, de couleurs, d’odeurs. Quant à l’automne, Quimper aurait pu s’appeler ainsi. On ne croise plus, rue Kéréon, du Chapeau rouge ou Saint-François, des femmes portant la coiffe en broderie Venise. Il faut attendre le Festival de Cornouailles pour que la ville prenne le sang de sa tradition ; autant dire que tout ici semble bien fini.
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— … C’est une faucille. La faucille d’or !
— La faucille d’or ?
— Celle des marins quand on n’y voit plus rien, que des vagues vous tombent dessus. Elle représente la lune… Cette lune bizarre dont on ne sait jamais ce qu’elle pense…
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Pierre est mort bêtement car dans ce métier, on meurt toujours bêtement. La mer a toujours raison. Pierre est mort, pardon, Pierre a disparu. Il est parti faire la conversation avec ces putains de crabes qu'il aimait tant. Il a été dégusté, lui qui aimait déguster leurs pinces avec de la mayo. La revanche des tourteaux.
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