Oeuvre dadaiste de
Clément Pansaers parue en 1921, "avec un portrait de crotte de bique et de couillandouille par eux même" suite lyrique où l'écriture automatique atteint un délire verbal bien supérieure à l'automatisme, curieusement asexué, des Surréalistes.
Au Bar Nicanor, les alcools se servent avec un langage ivre, on se saoule de mots qui passent avec des couleurs rutilantes aux teintes d'urine. La série des alcools, méthodiquement traités -- brandy, kummel, vodka, absinthe, grappa -- abordent le consommateur dans le chaos de leurs imageries publicitaires puis se transmutent, par l'effet d'une alchimie critique, en éléments vivants, en dynamisme sexuel qui balaie tout sur son passage.
Dés le début, Pansaers prend soin de préciser la raison qui guide sa démarche "Les insexués du toujours plus haut ne se doutent guère que la beauté est descendue jusqu'au pare-boue de la motocyclette". Une fois décrété "Nous sommes les 20 culs", il est permis de "sucer la Californie à la paille", autant dire de californiquer.
Erotisme et scatologie donnent leurs lettres de noblesse à des mots qui ne sont plus que les imbéciles productions de l'esprit répétitif, de l'esprit publicitaire, en quelque sorte. A la "Grappa alcool mâle à anatomie femelle sauce poivrade le bide grassouillet flaque d'huile genre baie de Naples" sccèdent les autres boissons enivrantes "Dacapo jusqu'à la gueule de bois/ des crottes en corinthe/ débidoche la bique/ à l'Aube/ on ferme/ fol amant/ vestiaire". "Couillandoulle soufflant scato..scato..crénom jusqu'au W.C de son appartement" rend, avec le crénom de
Baudelaire devenu gâteux, les mots à leur destination première.
Il faut noter que le personnage de Couillandouille poursuivit sa carrière dans un texte inédit, qu'
Aragon, qui était orfèvre à l'époque, trouva obscène.
Peu d'écrits dadaïste témoignent comme Bar Nicanor, d'un tel soucis de décortiquer, de mâcher le langage jusqu'à en tirer le vivant.et en jeter le reste qui est littérature
Lettres françaises de Belgique.