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4,03

sur 441 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Voilà un roman à l'ambition assumée : raconter sous forme romanesque les premières années de la décennie sanglante algérienne, en développant une thèse forte qui ferait de ces années 1990 la matrice du terrorisme islamiste contemporain. Entre tabous et secrets défense, le terreau historique brûle les doigts et appelle à la vigilance, questionnant une mémoire encore très douloureuse afin d'expliquer les mécanismes complexes de la logique terroriste. Il s'agir là du premier volet d'une trilogie.

Le roman commence en 1992 avec la rupture du processus électoral en Algérie par l'armée qui organise un putsch afin d'empêcher les islamistes du FIS - qui ont remporté les élections législatives – d'arriver au pouvoir, prétexte à l'installation d'une dictature qui ne dit pas son nom. Les généraux dits «  janviéristes » sont prêts à tout pour conserver le pouvoir dans un contexte de guerre civile lorsqu'apparaît le GIA, groupe terroriste djihadiste.

Frédéric Paulin choisit judicieusement de croiser plusieurs destins, des personnages fictifs croisant et côtoyant des personnes ayant réellement existé ( par exemple Khaled Kelkal, principal responsable de la vague d'attentats ayant frappé la France durant l'été 1995 ), tous liés par la tragédie qui se noue au fil des pages.

Le récit est forcément foisonnant, extrêmement documenté, complexe de fait, mais tellement bien construit que jamais on ne perd le fil des diverses narrations, même si le lecteur a comme moi une piètre connaissance du sujet. Sans doute, le glossaire et la chronologie finale aident, ainsi que les habiles « points sur la situation » que font les personnages sous la forme de bulles de pensée. Mais ce qui raccroche le lecteur, ce sont justement ces personnages, tous d'une grande densité psychologique.

Notamment, le principal, le lieutenant Benlazar, très beau personnage d'agent français de la DGSE chargé de surveiller le DRS ( Département du renseignement et de sécurité – les services secrets algériens ). C'est à travers lui qu'on plonge dans le chaos. Tourmenté, déchiré entre ses origines algérienne et française, toujours au bord du gouffre, il vit la solitude opiniâtre de celui qui sait sans être cru lorsqu'il découvre l'implication des généraux au pouvoir et de leurs services secrets dans de sombres projets, entre collusion avec le GIA, exactions en tout genre et volonté d'exporter en France le terrorisme islamiste afin de conserver son soutien.

Tortures, enlèvements, attentats rythment des chapitres nerveux, sous tension permanente, pas très loin de l'ambiance macabre et paranoïaque des grands romans de James Ellroy sur l'histoire des Etats-Unis, notamment lorsqu'il dévoile l'existence de camps de rétention à la Guantanamo comme celui d'Aïn M'guel dans le Sud du pays. Ce récit qui navigue entre roman noir, d'espionnage et historique est puissant, sans excès démonstratifs et surtout sans manichéisme. Glaçant, souvent sidérant, toujours passionnant.
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Zoom sur Frédéric Paulin en ce vendredi matin toujours confiné. A 48 ans, et après avoir changé de vie et tombé dans l'écriture voilà une quinzaine d'années, ce grand nom du polar récompensé par le prix des lecteurs Quais du polar – 20 Minutes, a changé de braquet il y a trois ans avec une formidable trilogie, qui marche dans les pas de James Ellroy .
Son roman," La Guerre est une ruse", disponible désormais en poche chez Folio ( juste avant que les librairies ne ferment) constitue le premier volet d'une trilogie replonge les lecteurs dans la « sale guerre » que l'Algérie a livrée au terrorisme islamiste au début des années 1990.
Frédéric Paulin nous offre une fresque d'une densité remarquable sur l'Algérie du début des années 90 quand le monde bascula dans le terrorisme et l'intégrisme.
Assurément politique - pour Paulin comme il l'a dit dans une longue interview à Libération, le roman noir doit être engagé et ne pas parler d'histoires de sérial killer, ce premier volet tient pas mal roman d'espionnage, dressant le portrait d'une Algérie meurtrie et rongée de l'intérieur.

Dans un style très documenté, factuel, à l'os, Paulin plonge ses lecteurs dans ce qu'on appelé " la sale guerre", celle que l'Algérie et son gouvernement plus que contestable livrait au terrorisme islamiste il y a désormais trente ans et qui selon Paulin aura amené les tragiques attentats des décennies postérieures, de celle du 11 septembre 2001 à celle du 13 novembre 2015.

"Les flics, les historiens, les journalistes et tous ceux qui écrivent l'histoire officielle retiendront que le 11 juillet 1995 la folie algérienne a traversé ‘‘la mer blanche du milieu''

Paulin, loin des livres d'histoire où les héros sont glorifiés préfèrent parler des politiciens, magistrats ou de policiers plus corrompus encore que les criminels .

L'auteur au physique de baroudeur ( et aux faux airs du chanteur un peu oublié Dominique Dalcan) livre une vision assez sombre des histoires nationales, en restant dans le domaine de la fiction , mais toujours très proche de la réalité des faits, Paulin s'appuyant sur une base documentaire particulièrement solide.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Premier volet d'une trilogie dédiée au terrorisme islamiste, ici l'auteur remonte à la genèse de la ramification algérienne durant la décennie noire et risquant de toucher peu à peu le sol français tant les magouilles entre politiciens des deux côtés de la Méditerranée se confondent.
Tedj Benlazar est un officier de la DGSE envoyé en mission en Algérie afin d'espionner et rendre des comptes sur les agissements de ses équivalents algériens à savoir le DRS. Et comment dire qu'il ira de surprises en surprises, de la découverte de prisons secrètes dans le désert algérien où n'importe quel pinpin peut se faire interner, à celle où il est évident que parfois les terroristes ne sont pas seulement ceux qui sont nommés comme tels. Car oui les renseignements algériens sont ici dépeints comme étant de véritables salauds. Et tout cela a bien sûr depuis été prouvé, d'ailleurs l'auteur bien que narrant une fiction se base sur de nombreux faits historiques dont une chronologie nous aide à y voir plus clair en fin d'ouvrage.
L'écriture est addictive et magistrale, et en pleine lecture de ce premier tome j'ai acquis les deux suivants chez mon libraire ! Ils attendent sagement dans ma PAL. Et il faut bien avouer que j'ai adoré le personnage de Tedj Benlazar car il est loin d'être lisse et cache de nombreuses failles ce qui en font sa force aussi et notre attachement de lecteur à un personnage sympathique, du moins de mon point de vue.
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On recense près de six cent ouvrages publiés qui se bousculent sur les présentoirs des librairies, à l'occasion de la rentrée littéraire où la logique de diversité cède peu à peu le pas à un constat plutôt effrayant où l'on s'aperçoit que le livre est en train de tuer le livre. Difficile, dans un tel contexte, qu'un ouvrage puisse émerger ou que l'on soit capable de le désigner comme étant le grand roman de cette rentrée à moins d'avoir lu l'ensemble des livres parus. Pourtant il convient d'affirmer haut et fort que La Guerre Est Une Ruse de Frédéric Paulin figure justement parmi les romans qui vont compter dans ce paysage littéraire encombré et qu'il faut impérativement découvrir ce récit remarquable qui couvre la période trouble des événements méconnus de la guerre civile d'Algérie des années 90 jusqu'au terrible attentat du RER à la station Saint-Michel. Première partie d'une trilogie annoncée, les éditions Agullo ne se sont pas trompées en accueillant dans leur collection leur premier roman français intégrant, avec une rare intelligence, une intrigue prenante où les faits historiques s'enchevêtrent à la fiction permettant d'appréhender avec une belle clairvoyance les contours d'une situation géopolitique complexe mais ô combien passionnante.

En 1992, l'Algérie entre dans une phase sanglante de répression avec l'armée prenant le contrôle du pays en interrompant le processus législatif qui voit la victoire des partis islamistes. Ce sont désormais quelques généraux, les «janvieristes», qui tiennent les rênes du pouvoir. Dans ce contexte de guerre civile, Tedj Benlazar, agent du DGSE, observe les rapports troubles et les liens étranges qui s'opèrent entre le DRS, puissant Département du Renseignement et de la Sécurité et les combattants du Groupe Islamique Armé. Manipulations, infiltrations, tous les moyens sont bons pour ces militaires s'accrochant au pouvoir afin de faire en sorte d'obtenir le soutien de la France pour poursuivre leur combat acharné contre les groupuscules terroristes, quitte à exporter le conflit du côté de l'ancienne métropole. Localisation d'un camp de concentration, évasion massive d'un pénitencier et autres rafles féroces dans la casbah, Tedj amasse les preuves et les renseignements sans parvenir à convaincre sa hiérarchie. Il y a pourtant urgence, car des hommes déterminés comme Khaled Kelkal sont prêts à déverser leur haine et leur folie destructrice dans les rues de Paris.

Perspicacité et efficacité, à n'en pas douteur le lecteur se retrouve rapidement embarqué dans ce contexte historique intense où l'on découvre cette décennie noire de guerre civile qui ensanglanta l'Algérie au début des années 90. En débutant son récit par la localisation d'un « camp de sûreté » à Aïn M'guel, une région désolée subsaharienne où la France effectua des essais nucléaires sans prendre la moindre précaution vis à vis des habitants victimes, aujourd'hui encore, des effets radioactifs dévastateurs, l'auteur parvient en quelques chapitres à saisir aussi bien les effets pernicieux de la colonisation que les exactions des autorités algériennes tenant à tout prix à éviter que le pays ne devienne un république islamique. Partant de ce principe, tous les moyens sont bons pour y parvenir. Tortures, infiltrations, manipulations et déportations massives, dans un climat de violence institutionnalisée, Frédéric Paulin dresse un panorama sans concession et absolument captivant des officines qui contribuèrent à maintenir au pouvoir une clique de militaires détenant une légitimité imparable en se proclamant « sauveurs de l'Algérie ».

Parce qu'il parvient à concilier un souffle romanesque dans une dimension historique où les personnages fictifs côtoient les acteurs réels qui ont joué des rôles importants durant cette période meurtrière à l'instar de Khaled Kelkal ou du général Toufik ; parce qu'il parvient également à mettre en scène des faits tangibles, mais méconnus, qui ont marqué l'actualité algérienne à l'exemple de ces 1'200 prisonniers qui se sont évadés du pénitencier de Tazoult, Frédéric Paulin entraîne le lecteur dans le tumulte de cette guerre civile en mettant en perspective l'attentisme des autorités françaises soucieuses de préserver leurs intérêts économiques sans trop vouloir s'impliquer dans cette lutte armée qui pourrait ressurgir sur leur territoire. Et c'est bien évidemment tout ce basculement du conflit d'un pays à l'autre que l'auteur décrit avec une précision minutieuse tout au long de cette fresque dantesque qui prend l'allure d'un réquisitoire sévère ne versant pourtant jamais dans la diatribe vaine et inutile.

Avec un texte précis dont l'énergie folle nous rappelle les meilleurs romans d'Ellroy, Frédéric Paulin, en conteur hors pair, parvient à saisir, avec une acuité déconcertante, toute la densité d'une situation géopolitique complexe sans pour autant perdre le lecteur dans la multiplicité des intentions parfois contradictoires des diverses factions rivales. C'est en partie dû au fait que l'on suit, avec constance, les pérégrinations de Tedj Benlazar, cet agent du DGSE qui devient le témoin de ces circonvolutions historiques d'une époque trouble en bénéficiant de l'aide et du regard avisé de son mentor vieillissant, le commandant Bellevue, vieux briscard des renseignements français. Plongé au coeur de l'action, le personnage de Tedj Benlazar ramène constamment le lecteur vers une dimension plus humaine des terribles événements qui ponctuent cette intrigue au souffle à la fois dense et épique. Et pour compléter ce regard plus terre à terre, on appréciera également, dans le registre des personnages fictifs, ces portraits de femmes que l'on croise au cours du récit en apportant toute une palette d'émotions salutaires permettant d'entrevoir tout l'aspect tragique des victimes collatérales à l'instar de Gh'zala fille de la Casbah ou de Fadoul, la maîtresse de Bellevue. Bien plus que des faire-valoir, ces femmes de caractère contrent les velléités des bourreaux tout en faisant face à leur destin en incarnant une certaine forme de résistance qui prendra probablement plus d'importance dans la suite de cette trilogie annoncée.

Vision saisissante d'une guerre civile à la fois méconnue et monstrueuse basculant imperceptiblement sur la thématique anxiogène du terrorisme frappant les nations occidentales La Guerre Est Une Ruse est un roman essentiel nous permettant de poser un regard lucide sur ce personnage du terroriste que l'on aurait tendance à nous présenter comme un monstre sorti de nulle part à l'image de ce que l'on a pu faire avec le phénomène des sérial killers. Exactions, radicalisations et manipulations, ce constat clairvoyant n'en est pas moins effrayant car Frédéric Paulin place l'humain au coeur du récit avec tout ce qu'il y a de plus terrible pour qu'il puisse parvenir à ses fins, quitte à employer la ruse comme moyen ultime. Un roman époustouflant qui laisse présager une suite dont la force d'impact ne manquera pas de heurter le lecteur de plein fouet.



Frédéric Paulin : La Guerre Est Une Ruse. Editions Agullo 2018.

A lire en écoutant : Rock El Casbah de Rachid Taha. Album : Tékitoi. Barclay 2004.
Lien : http://monromannoiretbienser..
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« La guerre est une ruse » (« al Harb Khoudraa », nom que l'on trouve dans l'épigraphe : « al Harb Khoudraa tu sais ce que ça veut dire ?
Ça veut dire, la guerre est une ruse.
Mohamed Merah, à un agent de la DCRI lors du siège de son appartement, le 21 mars 2012. »
Épigraphe (une phrase extraite du Coran).
Un ouvrage de Frédéric Paulin

Un livre très noir avec cette guerre en Algérie.
Une horrible question : « La France est elle capable de sauver l'Algérie du péril qui la menace ? La France est elle capable, devant l'horreur à venir, de ne pas considérer l'Algérie uniquement comme une partie de son carré africain ? « (…) La violence s'est abattue sur l'Algérie il y a bien longtemps. Et lorsque les Français ont été chassés du pays en 1962, la violence a continué avec la prise de pouvoir du colonel Boumédienne, en 1965 .» (p.9).

On trouve des « janviéristes » ( quelques généraux qui ont pris le pouvoir) ; des hommes politiques français et d'autres algériens; des terroristes islamistes .

On voit des officiers du DRS ( Département du Renseignement et de la Sécurité) qui, pour « interroger » des islamistes supposés, le font dans la Villa Coopawi en utilisant la torture.
On trouve aussi des personnages comme Rémy de Bellevue ainsi que Tedj Benlazar – Khaled Kelkal – le général Toufik (entre autres) ...
On se retrouve à Aïn M'guel, « le pays du vent »

On voit que Raouf Bougachiche, qui était un postier à Aïn M'guel, est victime d'une rafle, alors qu'il participait à un mouvement d'occupation des places, déclenché par le FIS qui avait remporté les élections.
On observe comment la DGSE est un peu partout (Alger, Blida, Oran…) - ses agents (et surtout Tedj Benlazar), font le lien entre le service de renseignement de l'armée algérienne et ses supérieurs à l'ambassade de France (où le commandant Bellevue a pour mission principale d'éviter que le conflit dégénère sur le sol français).
On apprend comment Benlazar récupérait des renseignements : il le faisait par l'intermédiaire d'un certain Khaldoun Belloumi, qui ne se juge pas un indicateur comme les autres.

Dans ce récit très dense , « La Guerre nous décrit très bien en long, de nombreux d'événements qu'il faut, parfois, relire car il y a des retours en arrière.
et, dans un ouvrage d'une telle force, il ne faut pas en rater une seule ligne.

Frédéric Paulin s'est tellement investi dans ces événements si graves, qu'il a entrepris une oeuvre ambitieuse et immense avec ce récit « de terreur inauguré par les attentats du 11 septembre. » Il faut d'ailleurs saluer son énorme travail de recherches et ce n'est pas fini…

On peut déjà dire que : « La guerre ne rend pas les hommes meilleurs, elle les transforme en bêtes féroces. » (p.254) Et : « Lorsque trop de temps passe, le pardon est impossible. » (p.369)

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La guerre est une ruse : au départ il y a de toute évidence une documentation sans faille sur L Histoire récente de l'Algérie. La période 1992 - 1995 en Algérie constitue la trame solide de ce roman noir. 1992 en Algérie est un rendez-vous manqué avec la démocratie. le 16 janvier 1992 il n'y aura pas de second tour aux élections législatives. En décembre 1991 le premier tour a vu la victoire des islamistes. L'armée met alors un terme brutal au processus électoral et précipite l'Algérie dans une atroce guerre civile. Frédéric Paulin ne se contente pas de faire le récit de ces évènements tragiques. Il met en scène quelques personnages fictifs pour servir sa démonstration et s'engage ouvertement dans la dénonciation d'une effroyable manipulation.

Tedj Benlazar est lieutenant de la DGSE et vit en Algérie depuis deux ans. Son père était algérien, sa mère française. L'Algérie et la France, un destin étroitement lié, la colonisation, le déchirement lors de l'indépendance et puis des liens qui ne reposent plus que sur des dépendances commerciales. Tedj et son chef, l'expérimenté commandant Rémy de Bellevue de la mission militaire française à Alger, ont du flair et pour eux la guerre civile algérienne ne se résume pas seulement à un affrontement mortel. Il y a manipulation. L'armée n'a pas hésité à commettre des exactions au nom du FIS puis des GIA afin de justifier sa politique de répression toujours plus violente. le chaos ou les militaires mais cela ne gène pas les gouvernements français tant que cela reste en Algérie et que l'approvisionnement de la France en hydrocarbures est garantie.

Les évènements réels ponctuent le récit, attentats et prises d'otages succèdent aux rafles, la terreur est à Alger dans la Casbah refuge des islamistes puis la Mitidja s'enflamme. En coulisse, torture et camps de prisonniers dans le sud du pays, liens étranges entre certains militaires et les islamistes, une fiction rendu plausible par les faits eux-mêmes. Les services secrets algériens ( le DRS ) sont à l'oeuvre pour que le maintien des militaires à la tête de l'Algérie soit une évidence pour les algériens et la France.

Ce roman de Frédéric Paulin n'est pas seulement un récit historique pédagogique et engagé. L'auteur a su y intégrer une dimension humaine de plus en plus présente et poignante au fil des pages. La jeune Gh'zala dont la famille est déchirée et exécutée par la guerre, doit fuir le pays qu'elle aime pour la France où il n'y a pas d'intégration. le lecteur assiste aussi au rejet par la France de Fadoul la compagne tchadienne de Bellevue. Ils n'étaient pas mariés, le décès de Bellevue ( sa vaine lutte contre le cancer s'ajoute à la tragédie ) la précipite dans l'illégalité. Et puis il y a Tedj, habile agent secret mais tellement humain et à la vie personnelle bien tourmentée.

Pendant ce temps, Khaled Kelkal attend son heure. Ce sera le 25 juillet 1995 vers 17 heures à la gare de Saint-Michel-Notre-Dame de la ligne B du RER. le chaos a finalement touché la France et s'apprête à se propager plus largement encore. C'est à priori le thème du deuxième titre de la trilogie, suite avec "Prémices de la chute".
Lien : http://mille-et-une-feuilles..
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Algérie, 1992. Les élections remportées par le Front islamique du salut sont annulées et le pouvoir est investi par quelques généraux. Tedj Benlazar, agent de la DGSE, surveille les agissements du Département du renseignement militaire. Il met à jour une machination destinée à exporter le terrorisme à Paris afin d'obliger la France à s'impliquer dans le plan antiterroriste des généraux.
Ce livre est un constat, certes, mais mené tambours battants à la manière d'un thriller. Aussitôt en main, impossible de le poser.

Le début de Daesh et des hostilités ?
On suit le cheminement d'un agent de la DGSE en poste à Alger de 1992 a 1995. Inutile de préciser que les missions ne sont pas de tout repos et à hauts risques. D'autant que sa famille est restée en France et que l'éloignement ne facilite pas les choses.
Quand on est un agent de l'état français au patronyme arabe, on n'est plus loin de la
recherche d'identité, né algérien et faire partie de la DGSE à Alger n'est pas une mince affaire.
Il flaire les unions contre nature qu'il entrevoit autour de lui mais parviendra- t 'il a en apporter les preuves ?
J'ai quitté à regret Tedj Benlazar, attachant au possible, mais mon petit doigt me dit qu'il en a encore sous le pied.
Le contenant est attirant, certes, mais le contenu le mérite grandement !
Lien : https://collectifpolar.com/
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« Al Harb Khoudaa », « La guerre est une ruse » en français, est une phrase extraite du Coran que Mohamed Merah, l'auteur, en 2012, des tueries de Toulouse et de Montauban, aurait prononcée pendant l'assaut de son appartement.
Les attentats islamistes qui se sont multipliés par la suite depuis trouvent leur origine dans l'Algérie des années 1990. Pour mieux comprendre la situation actuelle, Frédéric Paulin nous entraîne près de trente ans en arrière.
Nous sommes en 1992. En 1989, le pays qui a obtenu son indépendance en 1962 se dote d'une nouvelle constitution qui permet l'émergence de nombreux partis politiques dont le Front islamique du salut (FIS) qui remporte les élections locales l'année d'après et enregistre 47% au premier tour des législatives de décembre 1991. Pour stopper le raz-de-marée attendu, l'armée interrompt le processus « démocratique ». Mais les « barbus » ne vont pas se laisser faire. Ils lancent une lutte armée via le GIA. Les « Janviéristes », une poignée de généraux qui détient le pouvoir réel, vont élaborer une invraisemblable conspiration en semant encore davantage la terreur par l'instrumentalisation des fous d'Allah. Ils n'hésiteront pas, pour conserver l'appui de la France, à entretenir chez l'ex-puissance occupante un climat d'inquiétude et à exporter chez elle un conflit jusqu'alors algéro-algérien. La première concrétisation sur le sol national de cette machination diabolique est l'attentat dans le RER B en 1995. Et nous payons toujours les frais du cynisme des gouvernements de part et d'autre de la Méditerranée. Comme l'explique très bien l'auteur, lorsque le président Bendjedid donne « des gages aux islamistes », Paris s'indigne. « Pas parce que les femmes algériennes étaient désormais des mineures à vie, selon le nouveau code de la famille ; plutôt parce que si une république islamiste voyait le jour (…), les exportations d'hydrocarbures dont dépendaient la France pourraient s'en trouver affectées. ».
Agent solitaire de la DGSE hanté par les fantômes du passé, Tedj Benlazar, surveille de près le redoutable Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS) et découvre la collusion machiavélique entre celui-ci et le GIA. Il est conforté dans sa conviction par le commandant Rémy de Bellevue, un fin connaisseur de l'Afrique en charge du renseignement à l'ambassade de France, qui constate une radicalisation de la société qui banalise les violences. La peur règne, les femmes insuffisamment couvertes sont aspergées au vitriol, les poètes, comme Tahar Djaout sont assasinés... Dans ce texte, on croise aussi, entre autres, un personnage de sinistre mémoire : Khaled Kelkal. Né en Algérie, il rejoint son père à Vaulx-en-Velin. Ses bons résultats scolaires ne l'empêcheront pas de tomber dans la délinquance, d'être emprisonnés et de fréquenter des islamistes. On connaît la suite. Khaled, bras armé du GIA, sera le principal responsable des attentats commis sur le sol français à l'été 1995.
« La guerre est une ruse », roman curieusement peu remarqué par la critique, est un thriller politico-historique passionnant, extrêmement bien documenté et efficace qui mêle fiction et réalité. le duo masculin – Tedj et Rémy – est équilibré par un tandem féminin incarné par deux personnages forts : Gh'zala, la fiancée d'un extrémiste proche du FIS, qui aspire à la liberté et Fadoul, la compagne du vieux baroudeur qu'il a rencontrée au Tchad.
Enfin, l'opus de Frédéric Paulin n'est pas qu'un récit d'action. Il introduit une bonne dose de psychologie et raconte, au milieu du chaos, de belles histoires d'amour et d'amitié.
Ce qui m'a empêchée de lui décerner 5 étoiles : l'avalanche de personnages qui m'a un peu perdue. Surtout au début.

EXTRAITS
- Disons que si des terroristes islamistes tuent des ressortissants français (…), la présence au pouvoir (…) des militaires (...) devient nécessaire et la répression qu'ils exercent, légitime.
- Sauf votre respect, si l'Algérie était démocratique, les barbus seraient au pouvoir.
- de vrais islamistes sortis des camps de détention du sud de l'Algérie (…) ont été intégrés dans les groupes des forces spéciales dont la mission était de réduire les poches d'insurgés.
- Mais le principal instigateur du GIA a sans doute été Abdelkrim Gharzouli, un « Afghan » algérien, appartennant au comité consultatif d'une organisation dirigée par un saoudien basé en Afghanistan, al Qaïda.
- Il n'y a pas d'intégration quand on a un nom comme le sien, une peau comme la sienne. Etudes ou pas, l'intégration, c'est un mensonge de la gauche.
- « Si tu te tais tu meurs, et si tu parles tu meurs, alors dis et meurs... » (Tahar Djaout)
Lien : http://papivore.net/litterat..
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« Ce lien contre nature entre militaires et islamistes engendrera inévitablement le grand bordel. le grand bordel, comprendre l'importation des problèmes algériens en France. »

« Lorsqu'on s'engage sur la voie du djihad, il n'y a pas de retour arrière.Pas ici, pas en France en tout cas. »

Les années 90 en Algérie furent 10 années de guerre civile, 10 années de lutte de l'Etat en prise à la montée des groupes islamistes alors que le pouvoir en place et par là-même la "démocratie" joue sa survie devant les forces obscures en passe de gagner les élections.

Le premier volet de cette trilogie s'étend sur 3 années entre 1992 et 1994, alors que les généraux prennent le pouvoir afin de pas laisser les islamistes prendre le pouvoir alors qu'ils sont vainqueurs des élections.

Un grand nombre de personnages gravite dans cette fresque à la fois politique, sociale où, la France occupe une place importante. L'héritage historique donne à notre pays une relation particulière avec son ancienne colonie.
Ainsi nous notons une présence diplomatique notable ainsi qu'un rôle prépondérant de nos services secrets surveillant de très près leurs homologues algériens…

Impossible d'en dire davantage sur ce roman qui touche un sujet particulièrement sensible, parce que d'une part très récent et peu traité en littérature, mais surtout parce que de ce conflit surgira le terrorisme islamiste en France dès 1995.

Frédéric Paulin, au travers de ses personnages à la psychologie finement analysée nous montre l'étroite collusion entre le pouvoir militaire et les services de renseignement, et les relations malsaines que le pouvoir militaire entretien avec les organisations islamistes qu'elles sont censées combattre.

J'ai finalement assez pu lu autour de l'Algérie, mais ce premier volet m'a scotché de par son réalisme, sa richesse prouvant un gros travail de recherche de son auteur, et ses personnages complexes, travaillés, et attachants pour certains. Je pense à Bellevue, un espion à l'ancienne, qui travaille au flair, et surtout à l'intelligence qu'il a du terrain et des hommes. Un type qui verra clair et devinera avant tout le monde.

« Les hommes qui tiennent l'Algérie ont besoin que le chaos s'étende pour légitimer leur pouvoir. »

Ce roman ambitieux et exigeant représente à mes yeux tout ce que j'aime et recherche dans un vrai roman : une histoire dans l'Histoire.

Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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Voilà un roman comme je les aime. Totalement ancré dans une époque historique dure et violente et dans laquelle il est parfois difficile de déterminer qui sont les bons et les méchants si tant est que l'on puisse être aussi manichéen. Les bons infiltrent les méchants et vice-versa, chacun ensuite doit donner des gages de confiance en faisant preuve de violence.

Je ne cache pas un certain bémol venant du fait d'un nombre incalculable d'intervenants, des noms difficiles à retenir, tant dans les personnages fictifs que réels, qui m'a perturbé au moins au début du livre. Puis, le pli pris, je me suis fait happer par cette histoire. Frédéric Paulin est pointilleux, méticuleux et son roman fourmille de détails, d'événements, d'informations qui peuvent submerger le lecteur tout en permettant de se plonger totalement dans la période. Sans doute un peu long parfois, ce roman se lit néanmoins avec avidité et les personnages fictifs, Tedj Benlazar en tête ajoutent une dimension romanesque, un suspense quasi insoutenable, puisqu'on s'attache à eux et que l'on veut savoir si et comment ils se sortiront de ce nid de serpents.

Pfff, je suis encore tout étourdi de ma lecture passionnante et étourdissante. Frédéric Paulin sait où nous mener et même si l'on connaît l'histoire des relations franco-algériennes à cette époque, ce que provoqueront les islamistes dans ces deux pays, il parvient à jouer avec nos nerfs. Sûrement bien documenté, il met en scène des personnages réels qui ont pu jouer des rôles obscurs, qui ont eu des relations douteuses. Tout cela passe par les yeux de ses créations et dans l'appellation de "roman" qui permet de s'évader un peu de la vérité, mais on sent qu'il maîtrise son sujet et que rien n'est dit ni mis dans la bouche d'un personnage par hasard.

Magistral, ambitieux, un polar ou roman noir d'espionnage à ne pas rater qui commence pourtant paisiblement, mais ça ne durera pas :

"Depuis la mosquée Émir-Abdelkader encore en chantier, le muezzin appelle au dhuhr, la prière de midi. Constantine s'apaise sous le soleil, les rues se vident, c'est comme si la ville reprenait son souffle. Là-bas, le Français est assis à la terrasse du petit café face à l'université Mentouri. Comme d'habitude. Il sirote un lekhchef, comme d'habitude." (p.9)
Lien : http://www.lyvres.fr/
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