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Mon appréciation personnelle sur le jardin de Claude Monet :
Au moins 300 mètres de queue… Une bonne heure d'attente… Giverny c'est l'enfer !
Je me retrouve dans une file indéfinie, coincé entre un groupe de scolaires allemands qui me hurlent dans les oreilles et des japonais bardés de caméscopes et appareils photos miniatures. Les gens du « Soleil levant » arborent un sourire zen qui m'irrite.
Des accents américains arrivent jusqu'à moi. Il y a toujours une flopée de touristes américains à Giverny. Ils font coup double : ils visitent le Musée d'Art Américain en premier et se rendent ensuite à la maison de Monet située à peine 200 mètres plus loin.
— Messieurs-dames, nous sommes désolés de vous faire savoir que le jardin d'eau est fermé pour travaux. le ticket de l'entrée n'est valable que pour le jardin de fleurs.
Lamentable ! J'ai attendu plus d'une heure essentiellement pour revoir les nymphéas que Monet a immortalisés dans le monde entier… le sourire des touristes japonais semble se figer… de plus, ils vont louper le fameux pont japonais…
Je m'efforce de me calmer et entre.
Ce curieux jardin me surprend à chaque visite.
Des fleurs de toutes sortes et de tous formats se sont données rendez-vous ici. Les annuelles se mêlent aux vivaces, les fleurs les plus simples fréquentent les variétés les plus recherchées. Dahlias, campanules, rosiers, sauges, soucis, pavots, soleils, marguerites, forment une palette multicolore où toutes les teintes se côtoient de façon un peu désordonnée.
La maison rose, ancienne demeure du peintre, rougit sous les lueurs de feux du massif de géraniums à ses pieds. Je descends l'allée qui mène habituellement à l'étang. J'enrage encore d'être privé des nénuphars que le peintre copiait inlassablement.
Un homme au fort accent alsacien, qui était à mes côtés dans la file, m'apostrophe:
— Monet a vraiment souhaité cet étrange jardin ?
Je connaissais bien l'historique du jardin. Je réponds sans hésiter :
— Monet était un peintre jardinier. Il a tout pensé ! C'est l'oeuvre d'une vie. Lorsqu'il s'installa ici il y avait un verger de pommiers que l'on appelait le Clos Normand. Il arracha les arbres et créa son jardin en s'inspirant des traditions de jardins françaises, italiennes et anglaises. Cela donne le résultat original qui est sous vos yeux. Des arbustes et rosiers grimpants ajoutent du volume dans les plates-bandes. Les nombreuses variétés de fleurs posées de-ci de-là apportent la touche de folie de l'artiste…
Le regard de l'alsacien explorait le foisonnement floral du décor. Je continue :
— Vous savez, monsieur, les taches de couleurs ne sont pas posées au hasard ! Monet les orchestrait et reproduisait ensuite sur ses toiles toute cette beauté qui l'entourait. L'artiste aimait peindre plusieurs toiles en même temps aux diverses heures du jour. Vous devez connaître les « séries » qu'il réalisa sur le thème des « meules », des « peupliers », et, surtout, ses fameuses « cathédrales de Rouen ». Il s'est usé les yeux à guetter les moindres changements lumineux sur les vieilles pierres du monument ! ».
L'alsacien me remercia et s'éloigna rapidement.
Installés devant l'allée centrale, des espagnols mitraillent la plus belle allée du jardin. D'énormes roses grimpantes courent sur des arceaux en formant une voûte qui s'allonge jusqu'à la maison rose au fond. Des capucines orangées enflamment le sol.
Devant moi, des enfants cueillent des fleurs dans le jardin du « père de l'impressionnisme ».
Je me dirige vers la haute verrière qui servait d'atelier à l'artiste. Dans un poulailler, des volatiles se poursuivent en caquetant.
Le décor a gardé ce côté désuet d'autrefois. J'imagine le vieux peintre assis sur ce banc devant l'atelier fumant sa pipe en attendant qu'Alice l'appelle pour le repas… Je sors.
Je retrouve les japonais en grande discussion devant la maison rose. L'un d'entre eux, la figure mangée par de grosses lunettes s'avance vers moi. Son français est incroyable.
— Savez-vous où est enterré le peintre Monet ?
— Oui ! L'artiste repose dans le cimetière du petit village de Giverny. Suivez le chemin jusqu'à l'église à environ 800 mètres. La tombe est face à elle. Un grand monument sur la droite. Il y a toujours du monde et des fleurs… Vous aimez notre grand peintre national ?
— Au Japon, Monet est considéré comme le peintre de la lumière. C'est un immense artiste. Nous sommes venus en France exprès pour lui et ses amis impressionnistes. Hier, nous étions au
Musée d'Orsay à Paris où sont beaucoup de leurs toiles. Quelle émotion ! Notre seul regret est de ne pas avoir vu le jardin d'eau. Les « Nymphéas »... Nous irons les voir demain à votre musée de l'Orangerie où la plupart sont exposées.
Le petit homme voulut absolument me prendre en photo pour le souvenir. Il partit avec ses amis dans la direction que je lui avais indiquée. Soudainement, il se retourna et courut vers moi.
— Donnez-moi votre adresse, je vous enverrai la photo !
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