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3,81

sur 1089 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
W - VV - Double V
Deux histoires croisées, tressées par endroits, qui ne se rejoignent qu'à la subtile intersection des deux V. L'une autobiographique, l'autre inventée.
La première est la vie quotidienne de Georges Perec au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Elle ne présente comme aventure remarquable "que" le fait d'être élevé par sa tante et celui de ne jamais revoir ses parents. Il se fie tant bien que mal à des photos, à des souvenirs imprécis ou imaginés, à des recoupements d'après guerre. C'est minutieux et volontaire.

La deuxième, fictive, décrit un camp idéal pour athlètes olympiques. Idéal ?? Au fil des chapitres (un sur deux pour chaque narration), on n'y croit plus, le malaise s'installe. Les athlètes ont été acheminés sur l'île W, au large de la Terre de Feu, formés, forcés, écrasés pour devenir les meilleurs aux Jeux. Ils ne quitteront jamais l'île. Ils s'y reproduisent au terme d'une Atlantiade mensuelle (les plus forts ayant le droit de violer la cinquantaine de femmes qui bénéficient de 200 m d'avance sur le peloton). le goût de Perec pour les nombres est ici bien pesé : 4 villages, 22 disciplines, les 2 meilleurs de chaque discipline, soit 176 hommes aux instincts débridés, qui ne respectent qu'une règle, celle de gagner à tout prix.

FORTIUS ALTIUS CIVIUS. Pierre de Coubertin a dû se retourner dans sa tombe.

Mais, bien sûr, c'est une fiction ! Ramenée à l"époque réelle, entre 1942 et 1945, elle prend des allures plus explicites et chaque mot sonne comme un glas.

Bien des années plus tard, Georges Perec découvre le livre de David Rousset "L'univers concentrationnaire", prix Renaudot 1946 et il en cite un paragraphe à la dernière page. Terrible.

Toute la prouesse de l'auteur se révèle au compte-gouttes dans une sorte de détachement né d'une profonde souffrance. Assez exceptionnel dans sa construction.


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C'est une belle découverte que j'ai faite en lisant W ou le souvenir d'enfant. Si j'ai été un peu désarçonné par l'alternance autobiographie/fiction dans un premier temps, j'ai fini par m'y habituer et apprécier.
C'est une sacrée prouesse que de réussir une alternance comme celle-ci sans perdre ses lecteurs, mais on se laisse facilement porter par les souvenirs que l'auteur nous raconte, et l'utopie construite par Perec produit l'effet attendu en versant petit à petit dans l'horreur.
Mon premier ouvrage de Georges Perec et probablement pas le dernier
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Disparitions
Il n'est pas aisé de comprendre cet ouvrage, tant il est singulier et énigmatique. Il demande une lecture très active.
Le livre fait alterner deux textes :
-le premier, en italiques, reconstitue un fantasme de Perec enfant. Cela commence comme un roman d'aventure policier. Le narrateur est un déserteur. Il vit sous le nom d'emprunt de Gaspard Winckler. Un jour un homme étrange l'envoie en mission: retrouver le vrai Winckler. Le voilà parti. Mais à la moitié du récit, trois points de suspension, le narrateur a disparu. W réapparaît ensuite sous la forme d'une île apparemment rassurante, entièrement vouée à l'idéal olympique...
-le second récit, en caractères romans, est autobiographique. L'auteur tente de se souvenir de sa petite enfance brisée par la guerre. Son père, soldat, est mort quand il avait quatre ans et sa mère a été raflée puis déportée à Auschwitz deux ans plus tard. Il va vivre dans diverses pensions de Villard-de -Lans.

On ne peut lire les deux textes sans s'interroger perpétuellement sur leurs liens. Au départ ce n'est guère évident : d'un côté on a une sympathique petite histoire mais très verbeuse avec plein de digressions. De l'autre une histoire terrible, fragmentaire où les mots sont pesés.
Et puis au milieu du livre, on commence à comprendre, à trouver des indices. L'imaginaire du petit Perec renvoie indirectement à l'horreur du monde qui l'environne. Le Perec adulte se sert du récit imaginaire de l'enfant pour retrouver de vrais souvenirs disparus. Par exemple, c'est après avoir raconté la mise en quarantaine du nouveau W sur l'île que Perec se souvient de sa propre mise en quarantaine à la pension de V ( comme Villard). A la fin du livre, les deux récits se rejoignent dans un terrible document final.

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L'entrée de Perec dans la Pléaide suscite de nombreux commentaires et permet à ceux qui ne le connaissaient de découvrir le personnage. Pour ma part, je l'avais découvert l'an dernier à travers certains de ses exercices littéraires tels que les générateurs de cette postales. Parmi ses livres j'avais repéré "Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ?". La libraire, chez qui je rentrai pour l'acheter, grande admiratrice de Perec et heureuse de son entrée dans cette prestigieuse collection me conseilla plutôt de commencer par "W, ou, le souvenir d'enfance" qui, selon elle, est la clé permettant par la suite de comprendre son oeuvre, déroutante en maintes occasions.
Perec y alterne deux histoires qui ne semblent avoir aucun rapport l'une avec l'autre, mais dont on comprend qu'elles finiront par se rejoindre. D'une part des bribes de souvenirs d'enfance, dont il n'est d'ailleurs pas toujours certain de la réalité, et d'autre part une fiction complètement imaginaire, décrivant la vie d'une utopie, W, où tout est organisé autour de la célébration du sport et de l'esprit de compétition. Pour cette dernière l'art de Perec consiste à étirer de manière tout à fait méthodique et froide les logiques qui président à l'organisation d'une telle société. En émergent progressivement les conséquences funestes pour les individus qui la composent. Cependant, au delà de règles, en apparence objectives, et d'une ambition qui pourrait paraitre louable (le dépassement de soi et le goût de la compétition), c'est tout le cynisme et la violence des plus bas instincts de l'Homme et de son asservissement qui se manifestent. Et progressivement le malaise gagne le lecteur lorsqu'il mesure que cette utopie, en apparence imaginaire, a été mise en oeuvre dans l'univers concentrationnaire Nazi. Par certains côté, et bien que de nature tout à fait différente, c'est une évocation au moins aussi forte, voire peut-être plus par moments, que certains écrits de Primo Levi. Et c'est aussi là que le souvenir d'enfance rejoint la fiction, que la réalité et l'imaginaire se confondent et que l'on comprend un peu qui est Perec et son style. Il a, pour ce dernier, l'art de tordre les mots et les phrases, de jouer d'effets de miroirs pour retourner une construction et en révéler un sens caché. Sous l'apparence des choses, c'est une réalité différente qu'il révèle....comme pour W.
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Georges Pérec était un écrivain à nul autre pareil. Quand il avait un dessein littéraire, il le réalisait en allant jusqu'au bout de son ambition, sans demi-mesures, avec une obsession du détail et de la précision. Ce sérieux ne l'empêchait pas de cultiver occasionnellement l'humour et même la mystification. Amateur de procédés littéraires originaux, grand intellectuel, c'était aussi un homme très sensible, profondément marqué par le massacre d'une partie de sa famille par les nazis, pendant la guerre (Pérec était un Juif d'origine polonaise).

Dans ce livre très particulier, l'auteur propose au lecteur une double lecture, qui doit se faire en alternance: d'une part une recherche autobiographique, d'autre part un récit de fiction assez bizarre. J'avoue ne pas avoir compris l'intérêt de la mise en parallèle de ces deux volets. En elle-même, la description minutieuse d'une île imaginaire, W, dédiée au sport, est assez intéressante mais je ne vois pas le rapport avec l'introspection personnelle à laquelle se livre l'écrivain. Je me concentrerai donc sur l'autre aspect du livre.
G. Pérec s'attache à exhumer ses toutes premières réminiscences d'enfant au sein d'une famille pauvre immigrée à Paris, suivies de souvenirs plus nombreux concernant sa vie ultérieure (pendant la guerre) dans le Vercors où il avait été envoyé par précaution.
Ce qui me frappe dans cette étude du passé, c'est l'honnêteté, le perfectionnisme, l'obsession de la justesse qui caractérisent Pérec. La démarche importe beaucoup plus que son résultat, qui est une minuscule vérité ne concernant que l'auteur. Il décortique sans concessions les faux souvenirs et les souvenirs écrans, il rétablit les faits quand c'est possible, il n'omet aucun détail (même non significatif), et pourtant son passé reste largement insaisissable. Pour lui qui était d'une extraordinaire lucidité, cette impossibilité de cerner toute la vérité devait être difficile à admettre, d'autant plus qu'il concernait une époque où ses repères familiaux ont en grande partie disparu sans laisser de traces.

Ce livre nous concerne aussi. Si nous nous intéressons à nous-mêmes, n'avons-nous pas le même problème que G. Pérec avec notre passé - même s'il n'est pas marqué du sceau du tragique ? Que savons-nous vraiment de nos premières années, qui nous ont façonnés ?
Un livre assez difficile, mais profond, émouvant, qui nous interpelle tous indirectement.
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"Je n'ai pas de souvenir d'enfance" écrit Perec dans l'incipit de l'oeuvre. Difficile alors d'écrire son autobiographie quand nos souvenirs d'enfance sont absents et inaccessibles. En effet, Perec, à part quelques photos et journaux entassés dans un coin n'a presque aucun souvenir de ses parents. Qui étaient-ils ? Qu'est ce qui est arrivé a sa mère ? Ce voile sur sa mémoire, Perec va réussir à la soulever, paradoxalement, grâce a la fiction, grâce a l'histoire complètement inventée De W...
Cette autobiographie intègre effectivement deux récit. le premier, le récit réel et autobiographique, raconte l'histoire de Perec principalement pendant la deuxième guerre mondiale et les souvenirs fragmentés et lacunaires qu'il a de son enfance. le second, en italique, conte l'histoire de la cité De W, centrée sur le culte du corps et sur une discipline qui s'avèrera de plus en plus cruelle. Quel lien existe-t-il entre les deux récits ? le lecteur ne le comprend qu'à la fin. W m'a personnellement rappelé les jeunesse hitlériennes, modelant le corps et l'esprit des jeunes, mais également, à la fin, les camps de concentration, lorsque Perec écrit que W est une machine qui vise à "l'anéantissement systématique des hommes", comme Primo Levi évoqua la "destruction de l'homme".

Récit qui s'avère donc très marquant et émouvant à la fin. le début est intriguant et attise la curiosité du lecteur. Il est vrai que j'ai quelques fois ressenti quelques longueurs au milieu de l'oeuvre lors des descriptions autobiographiques. Mais l'alternance des deux récits n'est pas du tout désagréable et prend tout son sens a la fin. Perec a donc trouvé une très belle et originale manière d'écrire les zones d'ombres de sa mémoire par un récit qui ne nous laisse pas indemne.
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C'est un livre qui dit les malheurs d'un enfant victime de la seconde guerre mondiale et sa capacité de résilience .
Alternent des pages consacrées au récit très poignant de l'enfance de l'auteur et des chapitres narrant une vie imaginaire (peut-être pas si imaginaire...) de sportifs sur l'île W.
Georges Pérec naît en 1936 à Paris de parents juifs d'origine polonaise.Son père est mortellement blessé en 1940 par un obus.Sa mère meurt en déportation sans que son fils ne sache jamais où elle est décédée.
Il écrit que la trace indélébile que ses parents ont laissée en lui vit par l'écriture et dans le récit autobiographique il relate les minces souvenirs qui lui restent et reconstitue des fragments de son enfance, de ses parents, à partir de quelques photos des paroles de ses tantes, des visites qu'il fait dans les rues où il a vécu,c'est tout cela qui lui permet d'avoir une histoire.Il a également vécu un changement d'identité.
Les souvenirs de son séjour à Villard-de-Lans de 1941 à 1945 occupent une grande place, c'est là que sa mère le met à l'abri, il s'y fait baptiser en 1943 pour échapper aux traques.
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Un livre polymorphe, peu facile à lire mais néanmoins très émouvant, qui mêle deux récits : le premier, présentant une société dystopique gouvernée par le sport, vient éclairer le récit de vie de l'auteur, qui tente de reconstituer son passé et le souvenir de sa famille, anéantie par le Troisième Reich.
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Dans cet ouvrage, on découvre tout le génie de Pérec. En effet, dans ce récit croisé où s'entremêlent à la fois une oeuvre de fiction (un chapitre sur deux) et un récit autobiographique, l'auteur nous époustoufle. Dans la première partie du roman (la fiction), Pérec nous entraîne sur l'île de W où le sport est Roi et le héros, Gaspard Winckler doit alors affronter son ; passé qu'il croyait avoir oublié et enfoui au plus profond de sa mémoire. Dans la seconde partie, l'autobiographie, c'est l'auteur lui-même qui doit affronter ses propres «fantômes». Ayant perdu ses parents très jeunes à cause de la guerre, Pérec nous montre ici la dure réalité de la vie, réalité que le personnage de fiction tente de fuir dans l'île idéalisée de W mais qui finalement finira elle aussi par se dégrader.
A travers ce récit, Pérec tente-il d'oublier les injustices sociales, raciales et autres de la vie ? Je ne le pense pas. Au contraire, il essaie de s'y résoudre et de les accepter telles qu'elles sont.
Superbe prouesse accomplie par l'auteur dans cet ouvrage qui se doit d'être découvert.
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a travers une histoire d'un délire de compétition, d'une existence bâtie autour de la recherche de la performance et de la domestication des corps, se jouent la mort, l'exercice effrayant d'un pouvoir dont la finalité est la domination totale sur les individus dont la soumission conduit à l'extermination. En même temps, c'est l'histoire de l'enfant Perec, réfugié dans le vercors, qui, au retour à Paris fera l'inconsolable constat de l'absence de parents à jamais disparus.
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