Quand je n'écris pas, j'attends. Pendant que j'écris, j'oublie que j'attends. Évidemment, je me demande ce que j'attends. Pas Godot, non. S'il existe, il nous aura fait très suffisamment mariner, il est bien le plus grand indifférent possible. S'il n'existe pas nous sommes tous des imbéciles. La vérité est sans doute entre les deux. Entre ces deux chaises sur lesquelles ne jamais s'asseoir, la vie, la mort; comment vivre sachant qu'on va mourir, comment oser "entreprendre" quoi que ce soit puisque demain, tout de suite, allez, dans la fosse. Et comment mourir, sachant qu'on n'a pas vécu, ou mal, ou de travers, ou à côté, parce que justement, on a attendu. Mais attendu quoi?
On cherche à se rappeler les derniers mots d'un mort. On attend les prochains d'un vivant. On écoute rarement.
On ne s'aime pas. Mieux vaudrait le dire tout de suite. Se le faire savoir. Les guerres en deviendraient inutiles. Puis pourquoi s'aimerait-on? Il y a la beauté, qui nous attire. Il y a l'esprit, qui nous retient. Mais où est l'amour là-dedans? Ne serait-ce pas ce zéro, cette absence dont parlent les évidents? Faire l'amour n'est pas s'aimer. C'en serait plutôt le contraire, l'urgence d'annuler ce qui vient de nous arriver, et ne nous ressemble d'aucune manière.
Ecrire, c'est accepter d'être un homme, de le faire, de se le faire savoir, aux frontières de l'absurde et du précaire de notre condition. Ce n'est pas croire, c'est être certain d'une chose indicible, qui fait corps avec notre fragilité essentielle.
Dominer les hommes, leur faire faire la guerre, préserver leur paix, qu'est-ce auprès de la sensation d'être l'homme, parmi des fantômes, qui perpétuent la race, comme s'il leur manquait l'essentielle virilité. D'où se marier, avoir des enfants, c'est faire preuve d'impuissance, c'est se retirer du grand jeu, c'est donner à suivre.
Lecture par l'auteur & Julien Adam
« partout je me suis toujours cherché / mais j'ai toujours veillé / à ne jamais me trouver / de peur de me faire mal / de me faire la peau / de me régler enfin / mon compte. » Il y a l'empreinte d'un Georges Perros dans cette façon de se regarder en face. Franche. Désolée. Il y a surtout le premier et très inspiré recueil de poèmes d'Olivier Adam, fragments murmurés d'une « contrevie ». du passé bien passé, bien perdu. Des manquements, des remords, des incompréhensions, des impossibilités à jouer la comédie. Ce rôle-là, il ne le tient pas « de travers ». Tout au contraire : c'est sa peau.
À lire – Olivier Adam, Personne n'a besoin de savoir, éd. Bruno Doucey, 2023.
Lumière : Valérie Allouche
Son : William Lopez
Direction technique : Guillaume Parra
Captation : Claire Jarlan
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