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EAN : 9782363390004
56 pages
Finitude (17/11/2011)
4.14/5   11 notes
Résumé :
Georges Perros était poète et, comme la plupart des poètes, il se souciait fort peu de recenser ses oeuvres. Il les donnait à des revues, les envoyait à ses amis ou les offrait pour la fête des mouettes de Douarnenez... Nous avons rassemblé tous ces poèmes, oubliés ici ou là. Plusieurs sont reproduits en fac-similé.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Publié en 2006 aux Éditions Finitude, J'habite près de mon silence, est un court recueil regroupant des poèmes qui ont été publiés dans diverses revues (la plupart dans le Cahier des chemins, publication de Gallimard aujourd'hui disparue) ou autres (programme de…la Fête des mouettes de Douarnenez), ou extraits de correspondance (avec Michel Butor notamment).

Dans ce recueil, je retrouve avec plaisir l'écriture de Georges Perros, un style qui m'avait beaucoup plu dans les Poèmes bleus, dans La vie ordinaire ou encore dans Papiers collés, ses oeuvres les plus connues.

L'attachement à la Bretagne, aux marins, au visage de la femme, cette belle inconnue,… Il y a toujours cette impression très personnelle chez Perros d'être au bord de quelque part et au bord de nulle part, d'approcher quelque chose de particulier qui finalement se dérobe, disparaît, comme un désir qui s'en va dès qu'on avance la main pour le toucher.
Seul moyen pour retenir ce désir, ce rêve prêt de s'évanouir : l'écriture.



« Pour remplacer tous les amours
Que je n'aurai jamais
Et ceux que je pourrais avoir
J'écris
Pour endiguer le flux reflux
D'un temps que sillonne l'absence
Et que mon corps ne peut tromper
J'écris
Pour graver en mémoire courte
Ce que fait mes jours et nuits »
Rêve réel, rêve rêvé
J'écris… »



Fragmentaires, ses écrits conservent une démarche, une cohérence dans le style, dans la manière aussi de s'emparer de la vie ordinaire pour en restituer la part secrète et prégnante. Georges Perros n'a rien d'un moraliste maîtrisant l'aphorisme et le discours édifiant, il est un libre poète (pour ne pas dire penseur) sensible, fraternel, ironique, quelque peu désenchanté par l'époque mais toujours occupé par le temps qu'il reste à vivre… et à écrire.


« Je ne suis pas Robert Desnos
ni vous Stéphane Mallarmé
mais en moi l'hiver boit l'été
mais je sens l'os jouer avec l'os.
Il m'arrive d'avoir envie
de chanter de dire à l'oiseau
que je suis comme lui, trop tôt
trop tard né dans l'humble euphorie.
Alors j'écris sur ce papier
ces choses que j'envoie aux hommes
je me dis: flamme sans pitié
va prends mon corps pour une gomme
où t'effacer où te détruire
je finirai sans plus rien dire. »


.
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Georges Perros est de ces auteurs rares - trop rares, peut-être - dont on peut jamais dire qu'il n'a jamais réellement construit une "oeuvre", tandis que, pour autant, cette oeuvre existe, vit, s'exprime réellement, et même bien après sa mort - des suites d'un cancer de la gorge - en janvier 1978. Une oeuvre d'une force pénétrante.

Bien sur, le lecteur attentif ne peut méconnaître les Papiers collés, publiés au fil du temps en trois volumes chez Gallimard. Pourtant, rien de moins fabriqués, d'anticipés que ces textes plus ou moins brefs, d'aucuns ressemblant bien plus à des aphorismes plutôt qu'à des réflexions construites, faites à dessein et pour "prouver" quelque chose.

Bien sur, il y a ce profond recueil, Une vie ordinaire, manière d'autobiographie poétique sans fioriture ni facilités stylistiques superflue ou gratuitement esthétiques, malgré l'utilisation stricte d'une versification en octosyllabes et dans un même temps, d'une immense liberté de construction interne.

On se souviendra aussi des beaux Poèmes bleus. Mais Perros fut si négligent de son oeuvre - et plus encore de cette chose si futile nommée postérité - qu'une immense part de ses textes ne furent, ne sont encore, découvert qu'après sa disparition bien trop rapide.

Ainsi en est-il de ces quelques vingt-huit poèmes proposés par l'excellente petite maison d'édition bordelaise, Finitude, dans ce volume reprenant l'entame d'un des textes retrouvés et proposés pour l'occasion "J'habite près de mon silence".

Le silence, celui de sa voix légèrement haute et très posée, très chaude en même temps, ce silence imposé par la maladie, Georges Perros en fut le compagnon sans doute malheureux, malgré L'ardoise magique. Mais ce silence, c'est aussi celui qu'il alla trouver au bout du bout du monde, en Douarnenez - Douar an enez, du breton, la terre de l'île. Presque un programme - loin, si loin des rumeurs parisiennes où il fit ses premières armes, où il prit conscience de la fin probable de l'occident, et voulu s'en éloigner.

C'est le silence de la Mer et de ses marins laborieux, des taiseux mais des hommes. C'est encore le silence envahi des mouettes et des goélands en un jeu calligraphique presque enfantin et tendrement émerveillé à la fois. C'est encore le silence complice des vieux amants, face à la vie passée, face à la mort inexorable mais sans crainte. C'est le silence impossible des mots qui disent - ou s'essayent à dire par leur trop d'excès :

On ne dit que ce qu'il faut dire
mais le mot qui reste est le pire
tout seul il fait mille petits
les psychiatres, quel appétits !

C'est le silence absolu, définitif, et qui blesse, par l'oubli, par le vide d'amour.

Une poésie tellement vitale que celle de Georges Poulot dit Georges Perros. Vitale, essentielle, d'un humanisme vrai, sans circonlocution, sans faux semblant. Abrupte même, mais le vrai chemin du coeur, le chemin vers soi ou vers l'autre ne peut se satisfaire de mensonge, ni du silence des mots.

Écoutons encore un peu cette voix si profonde, cruciale, sombre aussi. Une voix irréparable :

J'habite près de mon silence
à deux pas du puits et les mots
morts d'amour doutant que je pense
y viennent boire en gros sabots
comme fantômes de l'automne
mais toute la mèche est à vendre
il est tari le puits, tari.
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Un poète pour la route.
J'aime bien Georges Perros, l'homme (ses poèmes aussi bien sur)
Qui a su quitté la grande ville, la « comédie française, pour s'installer à Douarnenez où il visitait les bistrots du port sur sa vieille moto.
Comme Rick Bass, qui de géologue dans une compagnie pétrolière (c f : oil Notes : un de ses meilleurs livres) a viré vers les vallées du Montana.

« J'habite près de mon silence
A deux pas du puit et les mots
Morts d'amour doutant que je pense
Y viennent boire en gros sabots
Comme fantômes de l'automne
Mais toute la mèche est à vendre
Il est tari le puit, tari. »
Georges Perros

Ci-dessous le lien vers un autre poète : Christophe Tarkos
https://www.youtube.com/watch?v=KGW5dxXZFTY
vidéo drôle et subtile

Petit chef d'oeuvre inspirant la (et de) sympathie
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Qui te connaît Georges Perros
Nul au monde ni moi ni vous
Toi peut-être fille aux seins roux
Prêtresse de ce vieil Eros
Je ne sus que te caresser
Alors qu'intense amour à faire
Qu'es-tu devenue ô beauté
Dont je perçus mal le mystère
Qu'est-il devenu ton cher corps
Terreux, dansant avec les morts
L'horrible, l'éternel quadrille
Où es-tu folle jeune fille
Folle d'aimer qui ne sait pas
Être aimé autrement qu'en rêve
Non plus aimer sinon trop brève
La férocité d'un désir
Moins à vivre hélas qu'à mourir.

Si je te rencontrais demain
Tu me verrais main dans leurs mains
A ces enfants que je fis naître
Tu me dirais bonjour peut-être

- Je l'ai vu quelque part mais où
Cet homme près de la vieillesse
Avec ce regard un peu flou
Mais quand mon Dieu mais où était-ce ?

.
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PETIT COURS DE CORRESPONDANCE


Quand je termine une lettre
par « cordialement », je
rougis de honte.
Cela ne semble pas sincère.
Mais quand une lettre
m’arrive
avec cette même formule,
mon cœur se réchauffe.
Je souris. Je me dis
que cette personne est cordiale,
même si
quelques instants auparavant
je n’avais jamais entendu
parler d’elle. En fait, c’est
un gros abruti dans son
bureau à demi-éclairé, si
entreprenant qu’il en est
décoiffé, avec de grosses
souris en caoutchouc
dans le couloir.

Sincèrement,
Ron Padgett
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Demain tu reviendras vache de nostalgie
et sur le pré voisin broutera ma misère
Donnez-moi de cette eau qui fait que l'on oublie
Il est à moitié plein moitié vide mon verre.
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AINSI SOIT ELLE


Extrait 2

Le plaisir veut qu’on y pense
Un rien de plus qu’il ne vaut
Que la bête en nous dépense
Son crescendo.

À l’amour rendons les armes,
Il nous dérange si peu !
Sois tel un soldat. Les larmes
Ne sont rien qu’un coup de feu

Qu’à personne l’on destine
Sans savoir pourquoi, comment,
Dresse ton corps et calcine
Ton sempiternel tourment.

Laisse-toi souffrir, ma belle,
Moi je laisse aller mon cœur.
Ainsi le navire appelle
L’ancre. Ainsi l’âme sœur, ma sœur.
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J'habite près de mon silence
à deux pas du puits et les mots
morts d'amour doutant que je pense
y viennent boire en gros sabots
comme fantômes de l'automne
mais toute la mèche est à vendre
il est tari le puits, tari.
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Videos de Georges Perros (17) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Georges Perros
Lecture par l'auteur & Julien Adam
« partout je me suis toujours cherché / mais j'ai toujours veillé / à ne jamais me trouver / de peur de me faire mal / de me faire la peau / de me régler enfin / mon compte. » Il y a l'empreinte d'un Georges Perros dans cette façon de se regarder en face. Franche. Désolée. Il y a surtout le premier et très inspiré recueil de poèmes d'Olivier Adam, fragments murmurés d'une « contrevie ». du passé bien passé, bien perdu. Des manquements, des remords, des incompréhensions, des impossibilités à jouer la comédie. Ce rôle-là, il ne le tient pas « de travers ». Tout au contraire : c'est sa peau.
À lire – Olivier Adam, Personne n'a besoin de savoir, éd. Bruno Doucey, 2023.
Lumière : Valérie Allouche Son : William Lopez Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
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