Après une époque où tous les livres étaient reliés ou en attente de l’être, le Premier consul, qui exige l’identification des livres sur leur première page, précipite l’apparition de la couverture moderne. Une évolution qui a paradoxalement permis l’éclosion de la reliure de création ou reliure d’art, la reliure cessant d’être une obligation mais gardant son intérêt de protection et de conservation. Si l’Art nouveau et l’Art déco se disputent le point de départ de son éclosion, la reliure de création s’inspire souvent de l’art du moment dont elle en est un des reflets et hausse le relieur, qui doit servir le livre, du rang d’artisan à celui d’artiste.
A la bibliothèque Sainte-Geneviève, la reliure de création, très représentée jusqu’en 1870, a cessé radicalement de l’être à la fin du XIXe et au XXe siècles. Profitant de la crise économique de 2008, qui a fait baisser le prix des grandes reliures historiques de l’époque moderne, Yves Peyré, conservateur général des bibliothèques et directeur de celle de Sainte-Geneviève de 2006 à 2015, a acquis plus de quatre cents reliures en moins de six ans. Une magnifique collection, savamment commentée par le conservateur dans cet ouvrage.
Merci à Babelio et aux Editions Faton pour cette très belle lecture.
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Extérieurement, c'est un livre d'art très classique : long, large, épais, habillé d'une couverture cartonnée très élégante aussi sombre que sobre à l'apparence glacée et lisse comme le bristol que l'on trouve à l'intérieur. le glacé du papier permet d'obtenir un piqué extraordinaire au niveau des images et donc de profiter pleinement des effets de matière et de couleurs qui font tout l'intérêt du contenu de l'ouvrage. On en vient même à ressentir quelques regrets tant chaque objet/livre présenté est une tentation tactile que l'on aimerait satisfaire en le prenant dans nos mains pour explorer plus complètement la richesses de son épiderme, la variété des textures qu'il offre malheureusement dans une mise à distance définitivement irréductible, celle de la photographie. Frustration ! Pour le reste, le texte, c'est un catalogue très structuré, très organisé qui débute avec une part faite à la subjectivité, ce qui n'est pas inintéressant : il est bon que l'on sache comment une trajectoire personnelle peut amener quelqu'un à trouver un moyen d'assouvir une passion. Ce qui n'empêche pas la méthode et la précision géographique, historique, plastique même puisqu'il y a une description très soignée des moyens utilisés pour chaque pièce présentée. Tout au long de ce livre, au milieu des percalines, des papiers marbrés, des vélins, des parchemins et des maroquins divers, on trouve de quoi réjouir l'oeil et l'esprit mais aussi d'étonnantes surprises quand à utilisation de matériaux moins orthodoxes comme le coquillage et l'ardoise. La grande variété des formes et des compositions, mise en valeur par les scénographies très recherchées des photos, illustre parfaitement l'idée principale de l'auteur : la reliure de création contemporaine a rejoint par son invention et son originalité continuelles le domaine de l'Art.
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J'ai eu la chance de recevoir ce livre lors d'une masse critique babelio. Un ouvrage merveilleux, rempli de photographies d'ouvrages reliés. Des reliures originales. J'avais sélectionné cet ouvrage car je travaille en bibliotheque, j'aime l'art et les livres, j'avais eu l'occasion pendant mes études d'histoires d'aller à la bibliothèque Sainte Geneviève, très belle et ancienne bibliothèque (15 siecles). Elle possède un fonds précieux parfois on y trouve des documents introuvables ailleurs. On trouve dans ce livres les réflexions d'un conservateur (l'auteur) pour acquérir des ouvrages et mettre en valeur ses collections. Il nous permet de découvrir les noms des relieurs ou d'artistes célèbres ayant décoré des ouvrages. C'est un livre riche au niveau du contenu et des descriptions (historique et artistique). L'histoire de la reliure est abondamment illustrée, on y voit les mouvements artistiques, du plus récent au plus ancien. J'ai eu l'impression de suivre un cours d'histoire de l'art. Je le recommande aux passionnés des livres, des arts, de la Bibliothèque Sainte Geneviève, de la reliure et aux professionnels du livre. La Bibliothèque Sainte Geneviève pourrait réaliser une magnifique exposition avec tous ces ouvrages. un vrai régal pour les yeux.
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Longtemps la reliure a été la simple façon de finir un livre, de le porter à son achèvement. Ce fut ainsi des manuscrits à peintures jusqu’au tout début du XIXe siècle. On ne se posait pas la question de la reliure mais de quel type de reliure, on pouvait opter pour une individualisation partielle par les armes qui renvoyait à l’appartenance, à l’identité du possesseur ; on avait la latitude au contraire de commander une véritable œuvre d’art comme s’y engagea merveilleusement un collectionneur tel que Grolier ; on ne manquait pas aussi, plus simplement encore, de s’en remettre à une reliure fonctionnelle, assez modeste, souvent en parchemin. Avec l’apparition de la couverture imprimée, l’ordre des choses changea considérablement. D’absolument nécessaire, la reliure devint aléatoire. Sa présence tenait désormais à la volonté du lecteur qui pouvait privilégier le livre broché ou souhaiter le recouvrir d’un signe distinctif. La reliure du Consulat et de l’Empire connut cette alternative. À côté des livres brochés et parfois cartonnés, la présence de la reliure se maintint et fut un signe souvent de beauté à l’époque romantique. Si l’apparition de l’ère des modernités (à compter de 1870) exigea une nouvelle forme de reliure en franche rupture le plus souvent, le dilemme demeura : reliure ou pas reliure. Soit on gardait le livre dans la forme que lui avait donnée l’éditeur, soit on le parait d’une originalité protectrice et monstratrice que ni l’éditeur ni l’auteur n’avaient choisie. La reliure relevait du libre arbitre du collectionneur, de la reprise d’une tradition ancienne, de la soumission à une règle tacite.
La reliure est une manière assez fascinante de rencontrer l’histoire des formes et des mentalités. L’art dont elle est incontestablement le plus proche est l’architecture. Sans doute parce qu’elle fait partie elle-même d’une construction, le livre matériellement érigé. Elle a plus de connivence avec cet art qu’avec la sculpture par exemple malgré sa part d’objet, infiniment plus qu’avec la peinture en dépit du décor.
La reliure est en somme l’un des reflets de l’art du moment. La période moderne qui commence dès 1870 en témoigne au plus haut point. Ainsi, le japonisme, l’Art nouveau sous toutes ses formes et sous toutes les latitudes, l’Art déco, le fonctionnalisme, les tendances du constructivisme et du surréalisme l’imprègnent, la poussant vers la quête incessante de chefs-d’œuvre.
Claude Simon et la peinture .Patrick Longuet,Brigitte Ferrato-Combe,Yves PeyréCC-BY-NC-ND 2.0Table ronde animée par Patrick Longuet, maître de conférences à l?université de Savoie, auteur de "Lire Claude Simon", conseiller scientifique de l?exposition. Avec : Brigitte Ferrato-Combe, maître de conférences à l?université Stendhal-Grenoble 3, auteur de "Écrire en peintre. Claude Simon et la peinture" ; Yves Peyré, écrivain, spécialiste des relations arts-ittérature