AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782709658584
376 pages
J.-C. Lattès (04/01/2017)
2.88/5   29 notes
Résumé :
Nicolas et Victoire tombent amoureux. Après l’insouciance des études, vient le premier appartement, le premier salaire, le premier lave-linge. Mais cette vie si satisfaisante, peu à peu, ne remplit pas ses promesses. Rien n’arrive et rien ne leur arrive. Ils n’ont pas envie de changer le monde, ils n’ont pas les idéaux et les paradis artificiels de leurs parents. Leur rendez-vous avec l’histoire, ils le vivront à travers la télévision avec l’arrivée de Loft Story.>Voir plus
Que lire après Presque ensembleVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
2,88

sur 29 notes
5
2 avis
4
6 avis
3
6 avis
2
9 avis
1
1 avis
Si vous êtes amateur de belles histoires d'amour romantiques, passez votre chemin. Si vous préférez les sombres histoires de vengeance après une séparation douloureuse, passez également votre chemin : Marjorie Philibert a choisi d'ancrer son roman dans le réel, sans y ajouter d'effets spéciaux ou de spectaculaires retournements de situation. Bref, une histoire ordinaire. Celle d'un couple qui naît et se défait. Une histoire tellement ordinaire qu'il valait vraiment la peine d'aller voir ce qui fait qu'aujourd'hui le sexe remplace l'amour et la liaison éphémère prend la place de l'union durable.
Le couple en question est constitué de deux provinciaux venus à Paris pour leurs études. Nicolas est originaire du pays Nantais et s'intéresse à la sociologie, mais sans grand enthousiasme. Il n'a du reste pas de signe particulier, ni même un physique très avantageux. Il végète. Victoire n'est guère mieux lotie, mais dispose tout de même d'un physique agréable. Après une enfance en Corrèze et une adolescence prendra fin avec des vacances à Belle-Île et une première relation sexuelle très décevante derrière un bar, on la retrouve dans un établissement parisien qui diffuse la finale de la Coupe du monde de football sur grand écran.
Vous l'avez compris, nous sommes en 1998 et ce 12 juillet sera à marquer d'une pierre blanche pour des milliers, voire des millions de personnes.
Victoire, cela ne s'invente pas ( !), tombe dans les bras de Nicolas, emportée par la foule plus que par son désir. Mais qu'importe, le jeune homme pourra être éternellement reconnaissant à l'équipe de France qui a changé le cours de sa vie.
Car les deux jeunes amants peuvent profiter de l'été. Ils n'ont guère de moyens, mais peuvent passer des journées entières au lit, faire l'amour et se promener. Un peu comme ces autres jeunes qu'ils suivent fascinés sur petit écran. Avec le Loft où ne vivaient que des êtres qui dormaient, mangeaient et baisaient, Nicolas et Victoire découvrent la télé-réalité et s'imaginent qu'un tel mode de vie a de l'avenir. Avant de se rendre compte qu'il faut tout de même songer à gagner un peu d'argent pour survivre dans cette société de consommation.
Après leurs dernières grandes vacances d'étudiants qu'ils passent dans le Lot, près de Cajarc avec leurs amis Stéphane et Claire, ils vont trouver des petits boulots, elle comme rédactrice dans un magazine de voyage, lui comme assistant dans un site consacré à la sociologie et plus exactement à la publication d'études basées sur la corrélation de statistiques.
Presque sans s'en rendre compte, ils poursuivent leur petit bonhomme de chemin ensemble. le 21 avril 2002, en voyant Jean-Marie le Pen apparaître sur leur écran en tant que candidat au second tour de la présidentielle, « ils crurent que leur vie prenait un tournant. » Mais il n'en fut rien. Pas plus d'ailleurs que durant l'été de la canicule, où « ils se jurèrent de faire des enfants, pour avoir quelqu'un puisse faire le numéro des pompiers avant qu'il ne soit trop tard. » Projet avorté, si je puis dire.
C'est que chacun semble poursuivre sa propre route : « On s'épuisait à se parler sans s'écouter, à expliquer sans se comprendre, à souffrir comme si on avait tout le temps devant soi pour finir par passer sa vie côte à côte comme deux vaches dans un pré. »
Tandis que Nicolas démontre que les hommes célibataires qui achètent des surgelés sont beaucoup plus susceptibles que les autres d'adopter des comportements violents, Victoire teste le matelas d'un hôtel de luxe à Majorque.
Si leur sexualité s'étiole, la tendresse reste. L'achat d'un chat vient apporter un peu de fantaisie et un peu de douceur dans une vie trop ordinaire.
Pour l'épicer un peu, chacun va s'essayer à la relation extra-conjugale. Nicolas avec Soo-Yun, une étudiante coréenne en sciences de l'information à Séoul, qui a étö engagée comme stagiaire par son patron. « Hélas, son aventure était sporadique et intense, exactement à l'opposé de sa vie de couple : un adultère tout ce qu'il y a de plus classique. Soo-Yun, il le savait, ne pourrait jamais constituer qu'une aimable excursion éphémère. »
Du fait de ses voyages jusqu'au bout du monde, Victoire opte pour des rencontres de passage, avec Simon le Belge très vite oublié, avec Sten, le Suédois d'Uppsala qui aime lui raconter sa vie de famille et son enfance ou encore avec Rodolfo l'Argentin qui va devenir très intrusif et entend tout savoir de ses ébats avec Nicolas et va finir par l'exaspérer.
« À l'automne, leurs amants disparus, ils revinrent l'un vers l'autre, comme d'autres font leur rentrée. Leur couple était là ; il les attendait. »
Marjorie Philibert, après Aurélien Gougaud et son Lithium, brosse le portrait d'une génération qui se cherche sans jamais se trouver, qui s'imagine pouvoir s'inscrire dans un schéma classique sans pour autant disposer des armes qui leur permettrait de résister aux difficultés, aux conflits inhérents à leur manque de moyens ou encore à leur démotivation face à cette crise qui n'en finit pas.
C'est joyeux puis triste, c'est encourageant puis désespéré. L'idéalisme fait soudain place à un réalisme froid. Les quelques notes d'humour qui parsèment le récit ne parvenant pas à nous faire éviter le spleen qui nous gagne au fil des pages.

Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          110
Presque Ensemble de Marjorie Philibert.

Passée la joie de recevoir un premier ouvrage dans le cadre des « 68 premières fois », le bandeau et les mots de l'éditeur ne m'attiraient pas outre mesure. Sans doute mon regard ne se serait pas attardé plus de quelques secondes en arpentant les rayons de ma librairie favorite devant la photo d'appel, trop mièvre et publicitaire à mon goût. Nous faire croire ainsi au récit amoureux d'un jeune couple qu'un chat ne suffirait pas à sauver…n'est guère rendre service à ce premier roman pourtant, me semble-t-il, prometteur.
Il s'agit pourtant bien de l'histoire d'un couple mais est-ce seulement une histoire d'amour ?
Nicolas et Victoire se frottent fortuitement dans l'euphorie électrique d'un soir de fête exceptionnel et s'harponnent l'un à l'autre comme à une chance inopinée. Dès le début le désir est absent, le désir amoureux. Bien sûr les corps s'émeuvent mais finalement très vite de l'exploit d'accéder si facilement à un autre et à la jouissance à deux, et non du miracle ou de l'extase d'une passion qui exulte les sensations et sentiments. Nicolas dans les premières heures et jours qui suivent leur rencontre n'aura de cesse de venir vérifier la réalité simple, si simple, de cette jeune femme à ses côtés, dans son lit.
Ainsi nous suivons au fil de la lecture nos deux jeunes ordinaires fonder leur quotidien et bâtir l'un avec l'autre un chemin autour de leur couple qui devient refuge, noyau autour duquel se greffent ce qu'il faut d'ingrédients pour s'inscrire dans le groupe social : les études, les amis, le travail… Ce qu'il faut d'ingrédients pour participer au monde ou tout du moins en posséder les codes et la représentation. Ce qu'il faut d'habitudes aussi pour se « clouer » au sol et prendre corps et poids sur terre.
Les habitudes deviennent remparts indispensables (une « boulimie d'ancrage ») mais de fait enferment et asphyxient.
« La mort, pensa-t-il, remettrait tout en place. Il se dit qu'il arriverait face à elle vierge, enfin débarrassé des débris de sa vie passée, qui n'avait été qu'une accumulation de choses dépourvues de grâce, sottement ordinaires et rassurantes ».
Victoire et Nicolas s'ancrent l'un à l'autre à défaut de s'ancrer dans la vie, dans une vie qui serait leur. Dans l'absence de désirs et de sens, ils déambulent et attendent le signal, le changement qui leur donnera un objectif, une mission et donc un élan pour remplir l'existence et signer leur singularité. Les rares amis sont des gens qu'ils croisent, les emplois sont des opportunités sans investissement. Ils le font bien mais rien n'est animé ni vraiment vivant. Victoire rédige des accroches patinées et vendeuses pour des hôtels luxueux en courant de nombreux pays dont elle ne voit rien d'autres que les aéroports et les suites mirifiques ; Nicolas malaxe des sondages et statistiques pour accoucher d'affirmations journalistiques scientifiquement détournées et accrocher des lecteurs-chercheurs en mal de réponse sur l'humain. Ils participent ainsi à la mascarade des faux-semblants, sans être dupes vraiment, en espérant plus toujours mais sans révolte non plus. Et sans étincelle jamais.
Ce premier livre ne laisse aucune place aux illusions. Marjorie Philibert déploie dans une écriture vive, rapide et incisive une histoire sans rebondissement, sans intrigue, avec des personnages apparemment sans relief mais auxquels on se surprend pourtant à penser, comme une mélodie en sourdine, discrète et morose. Avec une lucidité flamboyante, une conscience aigüe de la réalité d'une génération livrée à un monde de plus en plus creux et gratuit, l'auteure nous interdit le rêve et le leurre et décrit sans fard, sans détour et sans arrangement le réel d'un ennui et d'un vide, souffrance silencieuse et latente de deux êtres évanescents, lesquels pour tenter de faire consistance s'amarrent l'un à l'autre et au moins pensent affronter ensemble le reste du monde.
Si former un ensemble, comme un ensemble géométrique pour se greffer à d'autres grands ensembles, peut aider ou rassurer, il n'en reste pas moins qu'on reste bien seul dans cet espace défini : deux entités insuffisantes à se combler l'une l'autre. Deux brindilles en quête d'elles-mêmes qui trouveraient consistance en s'accrochant l'une à l'autre pour ne pas être dispersées, dissoutes par les vents multiples de l'existence. Presque ensemble
« Ce qui fait penser à Nicolas que l'humanité, dût-elle disparaître, le couple serait encore là, acharné, n'en démordant pas, unissant dans une guerre continue pour être deux qui était plus forte que toutes les peurs qui avaient existé (…) tournoyant sans but dans un brouillard épais et blanc, avançant par deux sans se lâcher dans la grande débandade du ciel ».
Le constat est amer, cynique et triste. Ce roman ne nous embarque pas vers un ailleurs qui envole et fait du bien ; au contraire il nous offre un monde désenchanté, voire pessimiste. Mais parce qu'il est bien écrit et selon moi courageux, sa peinture crue et percutante d'un quotidien sans rêve nous pousse dans nos retranchements. Il m'a mise mal à l'aise par moments, la mélancolie parfois était grise, mais jamais brutale non plus.
Ce livre, premier de surcroît, a déjà ce talent remarquable de ne pas laisser indifférent : avec Presque ensembleMarjorie Philibert donne à voir très précisément des réalités déplaisantes et chagrines dans une langue fine, riche et de grande justesse.
A la fin cette lecture reste, son empreinte flotte maladroitement, on ne sait quoi penser…Sinon que la vie est là, simplement là. « Il y avait eu tout ce temps à tourner en rond, toutes ces journées où ils auraient pu se dispenser de vivre. Il y avait eu l'appartement, les voisins, les sorties, les vacances. Il y avait eu les gens et les villes. Il y avait eu tout ce qu'il y avait partout. A présent, elle s'en rendait compte, leur histoire avait été leur principale aventure de leur vie ».





Commenter  J’apprécie          10
Pas facile d'être un couple de la génération dite désenchantée, en manque d'idéaux et en quête de sens. Victoire et Nicolas semblent être spectateurs de leur propre vie, se laissant glisser au gré des chemins qui s'offrent à eux, sans envies réelles, sans ambition particulière, tentant simplement de coller à une image rassurante qu'ils se font du couple et de la famille, une image qui pourrait être piochée dans des magazines ou dans des films.
Si la quatrième de couverture semble annoncer un livre léger, il n'en est rien. Certes, l'auteur sait rendre sa plume légère pour tenter de dédramatiser l'histoire et inviter le lecteur à en sourire. Mais c'est bien le portrait d'une génération qui s'esquisse sous le faux détachement, une génération à l'avenir étrangement bouché, aux perspectives de travail peu enthousiasmantes, en panne de rêves.
Je ne m'attendais pas à apprécier autant ce premier roman à la construction bien maitrisée et au propos parfaitement ancré dans le 21ème siècle. C'est donc une très bonne surprise et un livre qui devrait plaire aux enfants de la génération Y, qui s'y reconnaitront.
Commenter  J’apprécie          120
« Presque ensemble » est le premier roman de Marjorie Philibert, presque un roman, avec presque une intrigue et presque une approche psychologique des personnages.
A savoir deux jeunes étudiants (psycho et socio : on ne va pas aller loin dans le monde du vrai travail...) qui vivent presque ensemble, puisque la fille, Victoire (oui, elle a été conçue le 10 mai 1981...) travaille pour un guide touristique qui l'envoie tester des chambres d'hôtel de luxe et des restaurants, elle qui habite un studio minuscule et ne connaît pas grand-chose à la gastronomie ; lui, c'est Nicolas, qui a trouvé une place dans une agence qui vit de statistiques passionnantes (96% des femmes détestent l'idée que l'amour soit exclusivement du sexe, parmi elles les plus convaincues sont les jeunes de moins de 25 ans et les obèses : confondant, non?).
Bref, ces deux-là s'ennuient, trompent parfois la morosité par un week-end décoiffant en Normandie (à cause du vent seulement, le reste est sans intérêt), prennent un chat, s'ennuient encore.
Moi aussi : j'abandonne ce couple insipide avant la fin de leur non-aventure !

Désolée mais dans ce challenge de découverte de 68 premiers romans, celui-ci ne va sans doute me laisser aucune trace. L'auteure est journaliste (spécialiste en gastronomie et hôtellerie ? Je ne sais pas!) mais son sujet est maigre, l'intrigue inexistante, ses personnages avachis et inintéressants, son écriture plutôt paresseuse. J'espère que mes collègues vont trouver quelque chose de positif à en dire !
Commenter  J’apprécie          80
Presque ensemble... il y a dans cet adverbe modalisateur tous les regrets de ce que l'on touche du doigt sans jamais se l'approprier entièrement et l'échec n'en est que plus frustrant et plus douloureusement ressenti. Ensemble, au même moment, dans le même temps et/ou le même espace, à l'unisson en quelque sorte, cet unisson harmonieux qui pourrait être celui d'un amour idéal. Est-ce un leurre ? le roman de Marjorie Philibert finit par nous en persuader à force de ce vide existentiel que rien - ni l'amour mal appris, ni les choses dont la possession ne compense pas le néant, ni les faux-semblants - ne peut combler.
Comme des moules parfois agrippées à leur rocher, parfois malmenées par les vagues, victoire et Nicolas paraissent se laisser porter par les seuls aléas d'un quotidien insipide. Leur existence ne semble se construire que par défaut, sans passion, sans véritable choix, sans conviction. Ils sont là - presque ensemble - mais pourraient aussi bien être ailleurs, avec quelqu'un d'autre. Leurs mésaventures sans flamboyance nous placent à un endroit assez inconfortable finalement : entre un rire (condescendant (moi je ne suis pas comme ça)) et le triste effroi d'un miroir tendu (et si moi aussi j'étais comme ça ?). L'écriture distanciée, peu empathique, reflète à merveille cet état larvaire où le possible n'est envisagé que dans la mesure où les personnages le placent hors de leur portée.
Inconfortable, oui, et pesant quelquefois par l'envie qui nous vient de pousser les personnages à agir, à réagir, à ressentir, à vivre, enfin. le malaise ne m'a pas quittée tout au long de ma lecture. La matière du roman semble si épaisse, si opaque, qu'elle réfère parfois au cauchemar d'un couple sans idéal, sans vision, sans joie, où les personnages s'engluent avec une conscience intermittente. Il s'agit moins, pour moi, du reflet d'un état de notre société - pour cela le Pérec des "Choses" a été bien plus loin et de manière plus percutante et sensible - que de l'histoire d'un couple d'aujourd'hui, avec un homme et une femme qui endossent des rôles comme des habits mal taillés et qu'ils ne peuvent jamais véritablement habiter. Comme s'ils vivaient de vies décharnées et sans saveur.
Oui, je garde l'impression d'un malaise mais c'est probablement l'enjeu de ce roman original et étonnant qui égratigne les certitudes et les belles images que l'on se fabrique. Une lucidité mordante qui va à rebrousse-poil. Sans doute pas un de mes coups de coeur, sans doute pas un roman que je relirai avec plaisir, mais les questions qu'il pose vont probablement continuer d'agacer mes évidences.
Commenter  J’apprécie          10


critiques presse (1)
LeFigaro
14 septembre 2017
Dans son premier roman, cette journaliste propose une chronique mordante de la vie d'un couple de trentenaires.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Certains jours, il se sentait tellement seul qu’il avait envie de serrer n’importe qui contre lui. Il se disait que d’autres en avaient sûrement envie aussi, mais que tout le monde s’interdisait de craquer. Ou alors, il faudrait payer. Il regardait souvent les prostituées qu’il croisait sur les grands boulevards ; mais probablement, elles ne voudraient pas. Ça ne se faisait tout simplement pas.
Au stade, c’était tout le contraire. On n’était jamais seul, parce qu’on était dans un camp. Si la France marquait, on avait le droit de se jeter dans les bras du voisin, comme on ne pouvait plus le faire avec sa famille depuis bien longtemps ; ou on pouvait serrer fort des mains inconnues, parce qu’on avait le ventre noué pendant les prolongations. Tout était permis : le monde extérieur était aboli.
Commenter  J’apprécie          60
Selon lui, elle était méchante, injuste à son égard, toujours insatisfaite, comme sa mère; et cela même alors qu'elle était molle et velléitaire; qu'elle se traînait dans la vie, sans ambitions ni moyens de les réaliser. Elle avait été un frein à bien des choses qu'il aurait voulu faire; elle ne pouvait s’empêcher de donner des leçons alors qu'elle ne savait faire qu'une chose, se laisser aller; d'ailleurs elle avait grossi.
Elle suffoqua. Il était seul responsable de l'existence qu'ils menaient, terne et triste; il ne la faisait plus rire depuis longtemps; elle ne faisait plus l'amour avec lui que pour lui faire plaisir; d'ailleurs ils ne le faisaient plus, et ça ne lui manquait pas. Au fond, il ne l'avait jamais fait rêver : elle avait cru qu'il était un type qui avait de l'envergure, de ceux qui vous propulsent dans la vie mais aujourd'hui, elle devait bien le reconnaître, elle s'était trompée.
Commenter  J’apprécie          10
La conversation prit ainsi une place grandissante dans leurs vies. Pour Victoire, c’était l’arène où se déployait leur histoire. Elle pouvait sauter un repas, se coucher quatre heures plus tard, quitte à être fatiguée le lendemain, pour lui parler. Pour Nicolas, c’était la condition de leur activité sexuelle, à laquelle il se pliait de bonne grâce, comme les annexes en tout petits caractères en bas des contrats, qu’on ne découvre que progressivement.
Commenter  J’apprécie          20
Parmi leurs amis aussi, le débat faisait rage. Nicolas et Victoire n’avaient pas d’opinion, et n’avaient pas le snobisme de s’en forger une. Ils avaient l’honnêteté de reconnaître que ce qui les attirait, comme tout le monde, c’était que tout était vrai. Ce n’était pas les petites fictions qu’on leur débitait au kilomètre, pour les faire tenir tranquilles. Dans le Loft, l’écran suintait de réalité, une réalité blafarde, mais qui était la leur : celles de jeunes gens qui, comme eux, attendaient vaguement que quelque chose leur arrive. D’une certaine manière, ils avaient le sentiment que l’émission, et son succès phénoménal, leur rendait justice, à eux et à tous les anonymes sans destin. Et ils en avaient besoin : derrière son apparente facilité, leur quotidien était âpre. Il était âpre parce que tout dans leur vie se heurtait au vide. Certes, ils faisaient bloc ; mais ils manquaient de modèles dans le fond ; ils manquaient aussi d’imagination.
Commenter  J’apprécie          00
Ainsi auraient-ils aimé faire durer cette mobilisation nouvelle en eux. Mais dès que Chirac fut élu la semaine suivante, et que Jospin se saborda, la politique repris la place qu’elle avait toujours occupée dans leurs vies : un ensemble d’informations abstraites qu’ils ne parvenaient pas à interpréter, et qui leur paraissait se rapporter à leur quotidien à peu près autant qu’un électrocardiogramme rend compte des émotions d’un cœur humain.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Marjorie Philibert (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marjorie Philibert
La jeune journaliste Marjorie Philibert a publié cet hiver, son premier roman qui fera, n'en doutez pas, une excellente lecture pour cet été ! Dans "Presque ensemble", elle dresse un panorama de notre époque et un portrait de la drôle de génération "Y" à travers l'histoire d'un jeune couple accroché l'un à l'autre contre vents et marées. La coupe du monde 1998, le phénomène des "bébés couples", le chat comme doudou des trentenaires urbains... Marjorie Philibert nous dit tout des réflexions "houellebecquiennes" qui traversent ce livre doux-amer.
En savoir plus sur "Presque ensemble" : http://www.myboox.fr/livre/presque-ensemble-9782709658584
+ Lire la suite
autres livres classés : monotonieVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus

Lecteurs (50) Voir plus



Quiz Voir plus

Au Moulin Rouge

Le Moulin-Rouge, fondé en 1889, est situé sur le boulevard de Clichy dans le 18e arrondissement, quartier:

Montparnasse
Pigalle
Les Halles

10 questions
20 lecteurs ont répondu
Thèmes : Paris (France) , cabaret , moulin rouge , nuits blanches , danse , culture générale , littérature , peinture , cinema , adapté au cinémaCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..