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4,03

sur 247 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Mais quel roman! On est saisi d'emblée par la beauté de l'écriture. La puissance du texte, sa tension dramatique et sa gravité de ton rappellent la tragédie antique, d'ailleurs le spectre de l'Antigone de Sophocle plane tout le long du récit car c'est le livre de prédilection d'un des personnages principaux. Elena Piacentini nous offre une histoire à la fois dure et lumineuse, lyrique et percutante. Dans un petit village imaginaire du Sud, qui pourrait se situer en Corse ou en Italie méridionale, dominé par l'imposant massif de l'Argentu on suit les aventures du narrateur, Libero Solimane, jeune homme de 18 ans en quête identitaire. Dans ce roman d'apprentissage une succession d'épisodes violents qui seront aussi mortifères que libérateurs changera Libero à tout jamais. le récit s'ouvre sur l'enterrement d'un vieux tyran du village et sur la découverte du corps « d'Herminia la folle » alors que la fête bat son plein à la Villa rose chez le suffisant et riche baron Delezio. S'ensuit un enchaînement d'événements qui placera Libero dans la tourmente menant à une poursuite palpitante à flanc de montagne. Son seul refuge sera « la grotte aux fées » futur théâtre d'événements tragiques. le récit de Libero est ponctué par la confession de certains personnages morts ou vivants qui ajoute à l'intensité dramatique, leurs voix brisant les secrets résonnent comme des testaments spirituels. Est-il possible dans « ce pays rêche comme des mains de berger » où « le seul pardon qui vaille sort de la bouche d'un fusil » d'échapper, entre omertà, loi du talion et guerre des clans, à la folie criminelle de ses ancêtres, à l'atavisme de la violence, au poids des secrets et à ses origines? de s'émanciper du déterminisme social pour trouver sa propre voie? En tout cas les personnages centraux mettent toutes leurs forces à s'affranchir d'un implacable destin. Libero s'éveillera à l'amour et à la sexualité de manière inattendue. On est touché par ces personnages tempétueux, torturés par le passé, fiers, irrigués par la colère mais aussi dignes et courageux. Un texte fort, des personnages profonds, une écriture poétique, un roman dense que l'on referme ému bref il faut le lire!
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Devenu médecin, le narrateur Libero Solimane revient à Ogliano, son village natal. La vue, sur les hauteurs, du pallazzo Delezio désormais abandonné aux ronces et à la décrépitude, le replonge dans la tragédie survenue ici, l'année de ses dix-huit ans.


Cerné par le massif de l'Argentu dont les montagnes le dérobent au monde tout en lui fermant l'accès à la Méditerranée toute proche, soumis aux bourrasques du libeccio bien connu des Corses et des Italiens, Ogliano, oublié du temps, semble toujours vivre comme au siècle dernier, selon les lois d'autant plus immuables du patriarcat et de la féodalité, que personne ne se risquerait à troubler l'omerta qui pèse sur cet assemblage de clans et de lignées soigneusement cloisonnés entre pauvres et riches, mais aussi par les haines rancies, la vendetta, et, de plus en plus, par les dérives mafieuses.


La violence est partout et le sang prompt à couler, selon cette loi du plus fort qui prend le dessus dès que la justice et le droit ont le dos tourné. Une violence qui n'en finit pas de ricocher, chaque mort en appelant une autre, dans une inextricable escalade que chacun subit dans la douleur et le silence. Dans ce contexte de tragédie grecque qui leur rappelle l'Antigone de Sophocle dont ils ont fait leur référence, Libero - de père inconnu - et son ami Raffaele – fils héritier du baron Delezio qui règne en maître sur le village – rêvent passionnément de justice. Ils vont apprendre qu'il n'est toutefois pas facile de démêler les culpabilités, qu'après tant d'iniquités, de violences et de torts infligés de toute part, le choix entre le bien et le mal n'est plus manichéen, qu'on peut même faire le mal pour un bien, et que, dans cet imbroglio dont ils vont peu à peu, au fil d'aventures qui mettront leur vie en péril, découvrir les insoupçonnables imbrications secrètes, les motivations des pires tueurs peuvent au final avoir trait à l'amour et à l'honneur.


Menée de main de maître par une auteur habituée des romans policiers, la narration joue avec efficacité de la curiosité du lecteur, entre vieux secrets de famille, poursuites dans le maquis et règlements de compte dont l'ensemble forme un tableau très plausible que l'on croirait tout droit sorti d'une Corse ou d'une Italie qui auraient troqué la féodalité seigneuriale contre celle de la mafia. Mais la plume, d'une grande beauté, d'Elena Piacentini ne se contente pas de nous tenir en haleine et de nous plonger dans des paysages méditerranéens avec une puissance d'évocation qu'expliquent sans doute ses origines corses. Alors que, dans ce drame, meurtriers ou victimes, tous ploient sous l'héritage d'une même et vieille douleur, cristallisée en haine et en désir de vengeance, elle nous interroge, au-delà de la peur et du sentiment d'impuissance, sur les moyens - et le courage – de briser ce fatal engrenage. Une gageure qui a déjà coûté la vie de bien des juges, et qui ne rend que plus admirable le sacerdoce de ceux qui, contraints de vivre sous protection, poursuivent leur mission coûte que coûte. Ce sont eux qui permettent l'espoir. Coup de coeur.

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On est en Italie, une Italie du Sud, ou peut-être est-ce la Corse, villages isolés, où souvent il n'y a pas de médecin. « Libero Solimane, fils d'Argentina Solimane et d'elle seule, petit-fils d'Argentu Solimane dernier des chevriers » est revenu s'installer dans son village de naissance, pour combler ce manque. Il en était parti une quinzaine d'années plus tôt, après un été qui l'a marqué à vie, le dernier de son adolescence.

Un roman à l'histoire tragique, aux personnages forts, âpres comme la vie dans ces terres pauvres, où il ne fait pas bon refuser la protection des mafieux, où des hommes meurent d'avoir voulu s'en libérer, où des adolescents se voient contraints de porter les armes, où une femme trop belle et trop jeune pour son mari va embraser le corps des jeunes du village et en rendre fou certain. Quelques jours, cet été-là vont révéler à Libero qui il est, il n'en reviendra pas indemne et ne voudra ensuite que fuir ces lieux, où pourtant il reviendra, fermant la boucle.

J'ai été emportée par ce roman, à l'écriture belle et sans fioriture, à l'égal des paysages qu'elle décrit. J'ai aimé ces personnages que l'on imagine sans peine, ces femmes gardiennes de la vie, rompues à la douleur, droites et fières :
« À force de coups du sort, les femmes d'ici devenaient plus dures que le granit, des Atlas condamnées à porter les vivants et les morts, trop de morts. Elles enfilaient les habits de deuil pour ne plus les quitter, finissaient par flotter dedans à mesure que l'âge les rabougrissait. Puis on leur ôtait leur croix en or, une alliance incrustée dans les plis de la peau et on les enterrait dans leurs robes noires. »

Et puis Libero et Raphaele, fils du baron qui règne sur le village, rêvent. Ils rêvent de partir, ils rêvent de renverser le cours des choses, ils rêvent d'un monde plus juste. Les évènements qu'ils vont vivre, réunis dans une folle épopée, qui les mènera dans la grotte des fées, vont les révéler à eux-mêmes.

Une narration efficace, ponctuée de quelques chapitres relatant les pensées de personnages vivants ou morts, qui ont tous un lien avec ces adolescents, qui laissent entrevoir secrets et réponses à certaines questions, une écriture poétique, une atmosphère oppressante et pourtant envoutante, où le drame se profile dès les premières lignes, tout cela ajoute au charme puissant de ce roman d'apprentissage où en toile de fond plane l'ombre d'Antigone, des extraits de la pièce de Sophocle venant ponctuer le récit.
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Vraiment , un trés beau texte pour raconter l'osmose ou les différences qui lient ou séparent hommes et femmes dans ce village du Sud .Des descriptions incroyables où les éléments naturels jouent le rôle capital de complices , de refuges , de confesseurs , de témoins ...muets .
C'est dans ce lieu fascinant que se construisent les habitants , portés par l'amour , la haine , la fierté , le sens de l'honneur ou le mépris .Les classes sociales se heurtent , se cotoient mais ne se mélangent pas sauf ....
Il y a dans ce récit des réflèxions d'un profond humanisme , une volonté de paix et de sérénité bousculée par le poids ancestral de ce qui ne peut être que vanité , vanité placée sous le signe de l'omerta , voire de la vendetta .
La narratrice consacre certains paragraphes à une présentation profonde et personnelle des personnages .D'eux , nous ne saurons , et en aparté , que ce qu'ils veulent bien nous dire , nous révéler .Au vu de la société , chacun restera un élément qui , avare de paroles , se fondra dans une masse discrète mais ...attentive.
Un roman qui " prend " aux tripes .
A bientôt , les amis et amies ....
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Genre: Antigone chez les corses

Pourquoi corses, ce n'est pas très clair, Ogliano ça pourrait être un village perdu dans une vallée sarde, sicilienne ou monténégrine? Il n'y a pas de géolocalisation.
Mais parce que l'autrice l'est notoirement, corse !!! Et que tout concorde:
Les noms, les sonorités (on entend « Oglione »),la flore, la faune (chevaux sauvages par exemple), les lois propres au massif (on l'appelle l'Argentu), ses cimes, ses crêtes, ses pelouses d'altitude, la rivière (la Fiumara), les canyons, les grottes, l'aspect des villages, sa mafia, ses tyrans, ses saints, ses héros etc.
Et parce que la Corse est le lieu des tragédies les plus fortes, les plus belles et les plus récentes (sinon il y a la Grèce antique).

Elena Piacentini m'a complètement bluffé, j'avais boudé bêtement son livre à sa parution et j'ai eu bien tort. Ce livre est fantastique. Dans toutes les acceptions du terme.
“Ne regarde pas en haut avec envie ou en bas avec dédain, Libero. Fais ta route, c'est bien assez.”

Libero, c'est le narrateur. Devenu médecin, Il revient sur les lieux du drame vingt ans plus tard.
Il y a Argentina, sa mère, célibataire et institutrice du village. Elle est fille du pépé (mort depuis quelques années) que l'on surnomme « Argentu » (ce qui tombe bien), chevrier au coeur pur qui a élevé Libero et lui a donné son nom (Solimane)
Il y a un méchant baron, remarié à la sublime Tessa (aussi rouquine que retors), qui a un fils, Raffaelle (qui a perdu son jumeau dans des circonstances opaques) de sa première union.
L'ami d'enfance de Libero, c'est Gianni, un voyou.
Et puis il y a tout un tas d'autres personnages, secondaires mais essentiels ( dont le chien du narrateur, Lazare …), chacun étant le maillon indispensable d'une orfèvrerie narrative de toute beauté.
Le récit s'ouvre sur l'enterrement d'un vieux bandit du village et de son étrange cortège puis sur la découverte du corps « d'Herminia la folle » à la Villa rose chez Delezio, l'affreux baron, où l'on fête le bac et l'avenir de l'héritier ! Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises.
De circonstances en circonstances, tout ce petit monde ira au bout de son destin.
Il n'y a pas de choeur antique mais son équivalent, une succession de petits chapitres, perlés dans la tragédie, où l'on rentre dans la tête des principaux protagonistes .
Il faut revenir à l'
Antigone de Sophocle pour trouver la morale de l'histoire.
“les lois de la Cité priment-elles sur les lois de la famille ? “

J'ai beaucoup aimé ce récit plein d'ampleur, dense et souvent poétique où, de mon humble point de vue, il est surtout question d'amour et d'amitié, de courage et d'honneur, mais aussi de ce qu'on peut découvrir de soi si on écoute l'oracle ( ici plusieurs personnages l'incarne mais c'est César qui a ma préférence)
Elena Piacentini nous parle de l'infinie complexité des hommes.
Omerta, silences, secrets, tout volera en éclats flamboyants pour dénoncer manichéisme et prêt à penser.
On sera bien surpris de voir qui aime qui…
Et puis l'autrice rend un hommage appuyé à Roberto Scarpitano, le magistrat italien spécialisé dans la lutte anti-mafia. Il faut dire que c'est un combat d'actualité!

Un très beau livre, une immense tragédie !

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C'est le dernier été de Libero, son dernier de jeune adulte et il nous raconte. Cet été là, sur les hauteurs de l'Argentu entourant son village d'Ogliano, Libero ne verra plus les grottes, les hauts plateaux de la même manière, n'entendra plus le chant des oiseaux comme lorsqu'il était petit, ne sentira plus cette chaleur d'été aussi intensément, il fut un temps où Libero aimait Ogliano. Mais, c'est la fin d'un monde, la fin d'une vie. Plus rien ne sera jamais pareil.
Libero vit seul avec sa mère, il ne connait pas son père, il croit que celui-ci est mort. Demande parfois à sa mère de lui révéler qui était son père mais toujours le silence. le silence sur ses origines comme sur bien d'autres choses dans ce village. C'est encore et toujours le règne de l'omerta.
Cet été là, le riche du village célèbre la fin des études de son fils Raffaele et tout le village est convié à une fête sans commune mesure. Libero ira, Tessa la belle et jeune épouse du riche du village éblouira comme d'habitude, César carabinier à la retraite et qui est une espèce de père pour Libero seront de la fêtes bien sûr d'autres aussi. C'est une belle fête jusqu'à ce que...
Et là, dès le matin, Libero, accompagné de son fidèle chien rescapé, suivra dans la montagne une drôle de caravane: deux mules, deux hommes et un corps entravé sur une des mules. Les événements, tragiques, se succèderont et certains n'en reviendront pas.
Petit récit intrigant (déjà, la couverture du livre m'a séduite) que l'on pourrait croire situé au coeur d'une société féodale, il nous raconte la douleur des hommes dans le silence. La douleur et les injustices. Ces injustices qui gardent le pauvre dans la pauvreté, soumis aux codes des riches. Que faire "quand on ne peut se fier ni aux lois ni aux hommes censés les servir" (P. 129) ? Alors dans le village et dans la vie de chacun c'est "chacun pour soi et les miens contre les tiens" (P.129). Il semble que ce soit comme ça depuis le début des temps. Les choses restent en l'état, rien ne bouge et on continue de servir les intérêts de quelques-uns. C'est aussi une société muette, pleine de secrets de famille . Être né dans un clan plutôt que dans un autre et traîner ce passif toute une vie sans jamais rien dénoncer, sans que rien ne change.
Elena Piacentini, avec élégance, poésie et finesse, a su recréer une atmosphère de tragédie grecque. En lisant ce titre, j'ai pensé au roman de Laurent Gaudé, "Le soleil des Scorta" pour lequel j'avais succombé. Pareil ici. Certains diront qu'Elena Piacentini n'a fait qu'un exercice de style, je passe outre et je vous avoue que j'ai passé un très très agréable moment de lecture. Lecture qui m'a transportée dans un monde qui pourrait être aujourd'hui ou il y a deux mille ans, dans un lieu d'une beauté indescriptible, dans un tout petit village isolé. Lecture qui m'a parlé de la jeunesse qui sera toujours la même partout et de conflits qui n'en finissent plus et de ces pères que l'on ne peut détester.
Les amateurs de littérature italienne du Sud seront, je crois, ravis. Quelques jours d'été racontés comme une tragédie grecque.
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« L'été, quand vient la nuit sur le village d'Ogliano, les voix des absents sont comme des accrocs au bruissement du vivant. » J'ai trouvé que ça commençait bien avec ce magnifique incipit, de ces phrases qui donnent envie de les relire aussitôt et de préférence à haute voix… J'ai beaucoup aimé ce roman d'Elena Piacentini qui se déroule « au coeur d'un Sud imaginaire » comme le dit la quatrième de couverture. J'avoue y avoir vu et senti la Corse, ou la Sicile, ou la Sardaigne, mais forcément une île. Les Silences d'Ogliano, le pluriel est à noter, est un roman d'apprentissage, celui du narrateur, « Libero Solimane, fils d'Argentina Solimane et d'elle seule, petit-fils d'Argentu Solimane ». le village et ses habitants sont sous la coupe du baron Delezio, riche propriétaire et principal employeur auquel personne n'ose tenir tête, pas même son fils. le baron a épousé Tessa, une jeune et très jolie femme qui subjugue Libero. Elle est ainsi devenue la belle-mère de Raffaele, ami d'enfance du narrateur malgré l'écart de classe sociale. Un événement marque le début du roman : l'enterrement de Bartolomeo Lanzani, porte-flingue occasionnel pour la maffia, odieux personnage détesté par tout le village. Les langues vont-elles se délier maintenant ? Pas tout de suite : il faudra attendre un meurtre pour que, petit à petit, on ose briser les silences d'Ogliano.
***
J'ai beaucoup aimé la sensualité de l'écriture d'Elena Piacentini, sa manière de brosser un paysage ou de faire surgir un sentiment, l'importance et l'attention qu'elle accorde aux nombreux personnages secondaires, nous les livrant dans toute leur complexité. Pour donner au lecteur d'autres points de vue que celui de Libero, l'autrice a choisi de faire intervenir d'autres narrateurs. Les passages en italique nous livrent le délire d'Herminia, la folle, qui parle d'elle à la troisième personne, le baron Delezio qui se confesse avec morgue au curé de la paroisse, une lettre de Gianni, l'autre ami d'enfance de Libero, qui se confie à sa mère, Argentu, le grand-père qui s'adresse à son dieu personnel. Ils sont suivis par Dario, puis César, deux hommes dont je ne vous dirai rien. Pour lever tous les secrets, il faudra attendre et entendre la voix d'Argentina, la mère de Libero. Comme en contrepoint, on trouve la tragédie de Sophocle, Antigone, la pièce qui cristallise tous les combats que peuvent avoir à mener les humains, livre de chevet de Raffaele qui l'offrira à Libero et celui-ci ne manquera pas d'en découvrir toute la richesse. Un beau roman que je recommande avec chaleur.
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Sortant à peine de la noirceur d'Abondance, il me fallait l'opposé d'un roman noir pour faire baisser ma tension nerveuse. J'allais ressortir un Stefansson comme séance de sophrologie lorsqu'est arrivé Les Silences d'Ogliano par la bibliothèque orange. Qualifié de littérature blanche, il me semblait tout à fait approprié vu les circonstances. En fait, c'est un tourbillon multicolore qui a déferlé dès la première page. le noir des non-dits entre rivalités de familles qui aboutiront à d'inévitables meurtres, le vert de l'innocence d'adolescents refusant le déshonneur de leur classe, le jaune de la lumière d'été de cette Corse magique et ensorcelée, le rouge du sang qui s'échauffe trop vite à l'ombre d'Antigone annonçant une tragédie, mais aussi le bleu de cette écriture riche et envoutante, légère et onctueuse à souhait. Un véritable arc-en-ciel qui ne s'estompe qu'à la dernière phrase. Les 200 pages suffisent pour que le charme opère. Pas de longueurs inutiles, mais un tempo bien maîtrisé qui met tour à tour en valeur un panel de personnages hauts en couleurs. A la fois roman d'aventures et d'initiation, thriller psychologique et saga corsica, Elena Piacentini nous emmène avec elle dans un monde à la Giono, avec des descriptions de la nature précises et ciselées et des envolées lyriques sublimes.
Un bien beau début d'année que cette lecture, à la fois moderne et traditionnelle, actuelle par les mots choisis et vintage par le style. Les fils d'argent brillent à l'infini.
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Je ne pouvais qu'être attirée par cette couverture lumineuse où le bleu de la mer se confond avec le bleu du ciel, moi qui ai passé ma jeunesse en Provence. Cette première attirance visuelle a été confortée par la découverte de ce beau roman âpre.
A Ogliano, qui pourrait être un village perdu de Corse, de Sicile ou du sud de l'Italie, va se jouer un drame qui changera à jamais la vie de tous les protagonistes. Libero, 18 ans, qui ne connaît pas son père, assiste à la fête gigantesque que donne le baron Delezio, l'homme le plus riche de la région, pour la fin d'études de son fils Raffaele avant que celui-ci n'entre à l'université. Mais Raffaele est enlevé et Libero, en essayant de le sauver, découvrira les secrets qui vont conduire au drame qui changera tous les protagonistes à jamais.
Ce roman est construit comme une tragédie antique dont il imite les caractéristiques tout en les modernisant : unité de lieu (Ogliano et l'Argentu, la montagne sauvage qui le surplombe), unité de temps (quelques heures), des secrets qui vont précipiter le Fatum (le Destin) des personnages, sans oublier le choeur antique dont le rôle était, en voix off, de commenter l'action, de décrire l'évolution des personnages même si ici il s'agit de monologues qui interrompent régulièrement le récit. Tout le roman s'appuie sur, fait référence à, cite "Antigone" de Sophocle, livre de chevet de Raffaele, qui l'aide à comprendre la vie, à envisager son avenir.
Même si le roman décrit une société patriarcale, où règne un fossé infranchissable entre les classes sociales, où la mafia fait sa loi, où la violence règne, où la mort rode, les femmes sont des personnages très émouvants avec le courage et la liberté de la mère de Libero qui a élevé son fils seule en taisant le nom du père, la dignité de la mère dont on vient de tuer le fils de 18 ans, la révolte de celle qui fut jadis violée et dont le fiancé fut assassiné.
C'est un roman âpre, violent, dont on sent la tension aller crescendo mais lumineux par l'amour qui sous-tend les actes des uns et des autres et qui ne peut se vivre que dans le secret. La beauté sauvage des paysages est magnifiée par l'auteure qui lui confère une âme grâce à son style poétique et imagée.
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Il y a d'abord la couverture, un ciel bleu nuit, des oiseaux noirs et une maison stylisée légèrement éclairée, la silhouette d'un if. Nous sommes assurément dans le sud. Et puis il y a le titre, mystérieux, "Les silences d'Ogliano" qui sonne à mes oreilles…Elena Piacentini nous livre là un magnifique premier roman en littérature blanche.

"L'été, quand vient la nuit sur le village d'Ogliano, les voix des absents sont comme des accrocs au bruissement des vivants." J'ai été tout de suite emportée par la belle écriture, poétique, imagée, musicale. Ce n'est pas un roman mais un chant, un chant polyphonique auquel j'ai tendu l'oreille. Un chant qui résonne dans les montagnes de ce village, théâtre de tant de tragédies. Certes il n'existe pas, mais ce pourrait être n'importe lequel de ces petits hameaux accrochés au flanc de massifs boisés. Tout cela sonne le mystère et des mystères, oui, il y en a. le titre porte bien son nom qui parle de silences. Il y a des choses que l'on ne doit pas dire…

C'est ainsi que Libero, le héros, n'a jamais su qui était son père, c'est ainsi que jamais l'on ne connut la vérité sur la mort de Gabriele, le frère jumeau de Raffaele, tous deux fils du riche Baron Delezio. Aujourd'hui, justement, on célèbre la réussite au baccalauréat de Raffaele à la Villa rose. Tout le village est là…On boit, on mange…C'est la fête, quoi ! Et pourtant, très vite elle est interrompue par un drame. Et Libero doit fuir. Ses pas le conduisent sur les hauteurs de l'Argentu qu'il connaît si bien.

Avec l'Antigone de Sophocle en guise de fil d'Ariane, les intermèdes dédiés à la parole des personnages principaux portent cet ouvrage qui nous raconte l'histoire, souvent noire, parfois rose, des habitants d'Ogliano. Beaucoup sont attachants, d'autres repoussants et leur vie digne de la tragédie grecque que Raffaele serre contre lui et connaît par coeur. Au fil des pages se déroulent ces vies emmêlées, les mystères se découvrent. Véritable roman d'aventures il raconte bons et méchants, amour et mort, heurs et malheurs. "Selon que vous serez puissant ou misérable…"…On y rencontre là une belle illustration de l'injustice liée à la différence de classes dont on est issu.

Un vrai bonheur de lecture.

Lien : https://memo-emoi.fr
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