Le sinologue
Jacques Pimpaneau, on le sait, aime recourir à des formes diverses pour communiquer sa science et son amour de la Chine : la "lettre à une jeune fille" est sa manière de nous initier à la poésie classique, et ici, l'autobiographie fictive d'un certain M. Wu, qui aurait vécu au XVI°s, sert à dresser un tableau de la société chinoise des années 1590. L'auteur laisse planer le doute sur l'origine de l'ouvrage, prétendant (par un artifice narratif connu) l'avoir trouvé et traduit. La forme utilisée, celle des "notes au fil du pinceau", est vraiment chinoise. Mais les pensées, je crois, et des manières de s'exprimer, ne peuvent venir que d'un esprit européen du XXI°s.
Le récit a beaucoup de charme : il va de l'hiver de l'enfance à l'automne mélancolique mais fructueux de l'âge mûr, et
Jacques Pimpaneau donne à son personnage assez de culture pour s'exprimer et porter des jugements nuancés sur la littérature, l'art et la politique. Monsieur Wu, par un autre artifice narratif, se trouve assez fortuné pour n'être pas l'esclave d'un métier obligatoire : il lui faut assez de loisir pour contempler et décrire son monde, objectif du roman.
Ces procédés ont leur points faibles : chaque rencontre que fait Monsieur Wu (un commerçant ancien voleur, un érudit, un bonze, un moine taoïste, etc) est l'occasion pour l'auteur de faire des exposés -- certes utiles, informatifs et brefs -- qui expliquent au lecteur l'aspect de la Chine que représente le personnage. A ces endroits, l'artifice littéraire se voit un peu trop, car on sent bien que le texte s'adresse à des étrangers non-chinois. Un vrai Monsieur Wu écrivant pour des Chinois du temps n'aurait pas pris la peine de tout expliciter.
C'est toutefois une bonne et agréable lecture.