Quand
Anatole Planida m'a contactée pour me proposer de lire
Andrarius, le Robot-homme, sa pièce de théâtre, éditée au Lys Bleu et présentée comme « une pièce pas comme les autres, une pièce-roman, une pièce-film », j'ai naturellement accepté avec enthousiasme.
Presque 300 pages, en effet, c'est un peu long pour une pièce ; nous voilà plus dans du théâtre écrit pour être lu plutôt que joué… Une impression qui va perdurer quand je découvre la tonalité des premières didascalies ou passages qui y ressemblent, drôles et poétiques, qui laissent place à l'interprétation et à l'imagination de chacun et commentent l'action plus subjectivement que factuellement. J'ai rapidement pensé qu'elles devraient être lues à voix hautes et faire partie intégrante du spectacle.
Une liste de personnages impressionnante, non exhaustive, avec des groupes constitués autour des principaux protagonistes… Beaucoup de monde sur scène en même temps, des figurants…
La pièce commence par un prologue : le personnage principal, le professeur Marius Donovan, ingénieur-chercheur français, est incarcéré et s'applique à apprendre les usages et le langage argotique de la prison avant de passer devant le juge.
Les trois actes suivants font un bond dans le passé récent : le professeur Donovan a construit un super robot, un androïde à son image ; mais, très vite, le robot-homme devient l'objet de convoitises de la part de l'État, des services spéciaux et même de la mafia russe…
À partir du quatrième acte, le procès reprend.
L'action s'inscrit dans une suite de retournements de situations comiques ; les dialogues jouent beaucoup sur le comique de répétition. L'auteur s'amuse également avec les accents et les tics de langage, allant jusqu'à inventer un succédané de russe ; j'avoue ma surprise devant l'étendue du registre lexical argotique visiblement maîtrisé.
Face à l'éternel débat sur les possibilités des Intelligences Artificielles, je pensais qu'
Anatole Planida allait, tout simplement, revisiter le mythe de Frankenstein, se demandant où était la vraie humanité puisque le robot réalise peu à peu qu'il ne veut plus être un simple objet mécanique : il veut vivre, aimer, faire des bêtises, être un homme dans la pleine possession de son être et, comme pour en donner la preuve, il tombe amoureux de la fiancée du professeur et souffre énormément de la non réciprocité de ses sentiments...
L'auteur transpose aussi l'idée du double maléfique, dérangeant, intrusif, à la manière de Dr Jekyll et Mr Hyde, car le robot prend très souvent la place de son créateur, notamment dans des situations intimes ou professionnelles. Ces scènes-là sont très drôles, relèvent du théâtre de boulevard : on se cache dans des placards, on enchaîne les quiproquos… Mais cela va plus loin car si, extérieurement, Andrarius est identique à Donovan, il se révèle plus fort et plus intelligent que lui, capable de prendre en mains son apprentissage et son évolution. Il décortique et analyse tous les raisonnements avec une logique imparable.
Anatole Planida nous propose aussi une satire de la justice à travers un simulacre de procès. Même si l'action se passe en France, à Paris et à la prison de la Santé, l'ambiance générale est dictatoriale, à consonnance russe…
Anatole Planida est d'origine ukrainienne et nous pouvons lire entre les lignes une forme de caricature de la posture « poutininienne ». L'idée que les gouvernants pourraient être remplacés par des androïdes m'a paru intéressante à creuser…
Ce livre est assez déconcertant… J'avoue avoir eu un peu de mal à en terminer la lecture…
Personnellement, sur le plan purement scénique, je me suis demandé par quel artifice de mise en scène, le même acteur pourrait jouer les deux rôles de Marius Donovan et d'Andrarius quand ils apparaissent ensemble en scène : peut-être avec un jeu de miroirs et d'éclairages.
Je ne suis pas convaincue par le mélange théâtre-roman, un prologue et un épilogue entourant cinq actes aux dialogues déjantés, des didascalies très narratives… C'est un peu trop long et répétitif à mon goût, avec un humour un peu lourd, et l'ensemble manque donc de rigueur et de rythme.
J'ai vécu cette lecture comme une expérience, pas inintéressante, mais pas vraiment concluante.
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