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EAN : 9782251451558
340 pages
Les Belles Lettres (14/01/2021)
4/5   4 notes
Résumé :
Les catastrophes naturelles ne sont pas, dans l’Antiquité, très différentes de ce qu’elles sont de nos jours. Ce qui change, ce sont les façons, différentes, d’habiter la nature et de l’exploiter, si bien que les mêmes catastrophes peuvent être aujourd’hui beaucoup plus dangereuses et beaucoup plus meurtrières.
En s’invitant dans ces pages, admirables mais peu connues, dans lesquelles géographes, historiens, littérateurs, poètes, philosophes et prédicateurs e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ô malheureux mortels ! ô terre déplorable !

J'ai trouvé cette anthologie très riche et mêlant très bien textes connus (par exemple, la peste d'Athènes, le témoignage de Pline sur l'éruption du Vésuve) et d'autres moins fréquentés mais non moins intéressants (il y a même quelques traductions inédites, notamment un témoignage assez touchant de Libanios après un tremblement de terre). Elle montre bien comment les catastrophes naturelles et les épidémies interrogent le rapport des Anciens au monde, car elles rendent celui-ci momentanément ou durablement invivable, car l'un des quatre éléments rompt le fragile équilibre qui permet l'existence : la terre tremble, se déplace, et n'offre plus aucune assise, l'eau et le feu ont une puissance dévastatrice bien connue mais qui peut culminer jusqu'au déluge ou la conflagration qui doit entraîner la fin du monde, et les épidémies font que l'air, pourtant indispensable à la vie, amène la mort, car chargé des miasmes mortels. Ces textes montrent aussi comment ces catastrophes ébranlent les sociétés et les liens qui lient les humains entre eux : les survivants doivent-ils fuir ou porter assistance aux victimes ? Que faire des morts ? Comment survivre dans une région dévastée où presque toutes les ressources ont été dévastées ? Faut-il reconstruire sur le même site ou s'installer sur un site plus propice ? Il n'y a souvent pas de grande différence entre les témoignages de l'Antiquité des rescapés d'un séisme et les reportages que nous voyons sur les écrans après de tels désastres. Cette anthologie montre également comment les scientifiques antiques cherchaient à expliquer ces catastrophes : ainsi, on apprend que la théorie la plus répandue, et qui se fonde sur Aristote, explique le volcanisme et les séismes par la compression de l'air dans des cavités souterraines !

C'est donc une anthologie très intéressante, où j'ai beaucoup appris, et qui comporte des textes très touchants. Cependant, elle n'est pas sans défauts, en raison de certains partis pris de son auteur Jean-Louis Poirier, ancien inspecteur général de philosophie. Il y a certains points sur lesquels je suis très sévère.
Tout d'abord, son approche est essentiellement philosophique, puisqu'elle montre comment ces catastrophes interrogent le rapport des Anciens au monde. J'ai dit plus haut tout l'intérêt de cette démarche. Néanmoins, elle exclut ici d'autres approches, notamment historiques. Ainsi, dans plusieurs textes, les événements relatés ne sont pas datés ! Par exemple, p. 223, l'extrait de Tite-Live commence simplement de cette façon : « Cette année-là, toutes les guerres… », et rien ne nous indique de quelle année il est question. de même, parfois, aucune note n'indique quelle région est décrite, par exemple p. 214, où le texte commence seulement ainsi : « Près de ce peuple s'étend une terre… » ! J'ai dû faire une recherche moi-même pour avoir les informations nécessaires (il s'agit, comme vous vous le demandiez sans doute vous-mêmes, des Acridophages – les mangeurs de sauterelles, voisins des Ethiopiens – ce qui ne nous avance pas beaucoup). de façon plus accessoire, j'aurais apprécié un index chronologique recensant en fin d'ouvrage les différents événements mentionnés.

Il y a également un problème de méthode sur certains textes. Ainsi, p. 31, Poirier commente une interprétation allégorique du Déluge par Philon d'Alexandrie et affirme : « La leçon de la lecture allégorique des textes sacrés, qui est libératrice, nous enseigne qu'il ne faut point chercher à tout prix à donner à ces textes une vérité historique, en s'en tenant au sens littéral. » C'est un contresens grossier sur l'interprétation allégorique, en tous cas celle pratiquée par les auteurs antiques et médiévaux sur la Bible : il n'est pas question de questionner la véracité de ce que raconte la Bible, mais le sens allégorique vient se superposer au sens littéral et ne l'exclut pas. Comment peut-on imaginer de tels auteurs suggérer que ce qui est dans la Bible n'a pas de vérité historique ?
Au contraire, à d'autres moments, l'auteur s'obstine avec une certaine naïveté à suggérer que l'existence de plusieurs textes assez similaires dans la description d'immenses catastrophes permet de retrouver le souvenir, transmis de génération en génération certaines catastrophes majeures très anciennes. Pourtant, l'entretien qui ouvre le recueil avec une historienne de la sismicité montre les limites d'une telle approche, et ces similitudes entre les textes s'expliquent assez facilement par la pratique de la compilation, par la circulation de nombreux mythes entre le Moyen-Orient et le bassin méditerranéen, sans qu'elles soient nécessairement fondés sur des faits réels. Déshistoriser la Bible mais historiser les mythes païens ?
Pourtant, Poirier montre une vision assez caricaturale des religions païennes antiques. Ainsi, p. 111, il affirme que les dieux « ne sont, au fond, que le nom ou la personnification des forces de la nature. » C'est peut-être assez vrai dans les textes philosophiques dont l'auteur est familier, mais ce n'est pas, je pense, ainsi que les percevait l'énorme majorité de la population. de même, à la page suivante, la religion païenne est assimilée à la superstition, ainsi qu'à la page 203 : c'est une vision très réductrice d'une religiosité fondée sur le respect du rituel et la pax deorum. Inversement, mais tout aussi cavalièrement, il affirme p. 116 : « Si la religion chrétienne, à coup sûr, libère de la superstition », etc. J'ose espérer qu'il y a là un peu d'ironie !
Enfin, toujours sur le plan de la méthode, Poirier s'étonne plusieurs fois que les Anciens n'aient pas réfléchi à la façon de prévoir les séismes : faut-il lui rappeler que malgré nos progrès scientifiques nous en sommes toujours incapables ?

De façon plus anecdotique, l'édition présente quelques défauts, dont un manque de consistance dans la présentation des textes, copiés avec une certaine négligence : dans certains textes, les phrases sont numérotées, comme dans la collection Budé, dans d'autres, non ; p. 165, Poirier choisit pour une lettre de Cicéron une traduction de 1864 qui comprend plusieurs scories, alors qu'une traduction plus récente était sans doute disponible.

Enfin, j'ai parfois été agacé par certains tics d'inspecteur général, notamment l'emploi de formules qui imposent une lecture prescriptive, comme si le lecteur était incapable d'analyser seul le texte qui lui est proposé : « on se gardera toutefois de s'enfermer dans ce genre d'approche », « on ne manquera pas non plus de relever… », etc. C'est peut-être une réaction très subjective, mais cet emploi du futur me rappelle affreusement le style des programmes de l'Éducation nationale ou les corrigés officiels du Bac (« on ne manquera pas de valoriser les copies qui… »). Curieusement, dans ce recueil peuplés de morts, de villes décimées, de victimes estropiées, ensevelies sous les décombres, c'est ce style qui m'a provoqué le plus de stress post-traumatique !
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critiques presse (1)
LeFigaro
21 janvier 2021
Le monde gréco-latin a vécu dix siècles de catastrophes naturelles sans perdre espoir.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Les grandes catastrophes font perdre la raison. Ce constat doit être pris à la lettre : dans une situation où il y va, pour l’homme, de la totalité de son être, il n’y a plus de place, en lui, pour la raison. Cet aveu donne à réfléchir, en désignant la limite d’une morale fondée sur la puissance de la raison et peut-être de toute morale. La situation de catastrophe est exactement définie par là : le rapport vital de l’homme et de son milieu se trouve renversé, toute possibilité d’adaptation est anéantie, ce n’est plus une situation.
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Si la seule partie de l'univers qui soit immobile et fixe, celle vers laquelle toutes choses tendent et où elles ont leur point d'appui, se met à ondoyer, si la terre perd cette stabilité qui la caractérise, où nos frayeurs se calmeront-elles ? Quel abri y aura-t-il pour les créatures ? Où se réfugieront-elles dans leur émoi, si la crainte naît de ce qui est sous leurs pieds et vient des profondeurs de la terre ? [Sénèque]
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Le jour avait à peine avancé jusqu'à midi : les divinités tutélaires de la cité quittèrent les temples, et notre cité fut abandonnée comme un bateau déserté par son équipage. Le seigneur au trident secoua la terre et agita l'océan ; les fondations de la ville se disjoignirent ; les murs furent projetés sur les murs, les colonnes sur les colonnes, et les plafonds tombèrent tout au long. Ce qui était caché fut révélé, et ce qui se montrait fut recouvert. Les statues d'une parfaite beauté, et intactes en toutes leurs parties, furent mises en morceaux sous le choc et tombèrent en une masse informe. [Libanios]
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Le destin de l’humanité – et observons qu’il y a plusieurs humanités – est-il solidaire du destin du monde matériel ? c’est la question que maintenant, parvenus en quelque sorte au bout de ce dur parcours au cœur des catastrophes, il faut bien poser, malgré tout.
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Est-il pensable que les dieux détruisent de leurs propres mains des ouvrages comme ceux-là, auxquels ils ont coopéré avec les mortels, et se comportent comme les enfants qui ont l'habitude de renverser ce qu'ils ont érigé ? [Libanios]
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