L’atelier de la chair

Au cinéma, mon attention était de plus en plus souvent attirée par les acteurs des générations précédentes et, délaissant les jeunes premiers à la virilité triomphante, mes yeux s’attachaient aux seconds rôles, aux vieux comédiens façonnés par le temps dont la grâce encore perceptible, vestige d’une splendeur passée, flottait comme une très ancienne promesse sur les traits abîmés. Plus l’éclat fanfaron des cadets m’agaçait, plus le physique dégradé des aînés me troublait. Je me repaissais de la contemplation des interprètes les plus adipeux, les plus bouffis, les plus déglingués, les plus ravagés, de ceux dont on commentait la décrépitude dans un hochement de tête navré, déplorant « ce qu’ils étaient devenus », et que la caméra, soudain complice de mon obsession, osait parfois filmer au plus près.

Je savais que cet homme, si j’avais le bonheur de lui plaire, ne fuirait pas devant les aspirations secrètes des sens.
Peu douée, mais vive et souriante, toujours assise au premier rang, je suivais le cours avec assiduité et je faisais, comme une collégienne, les yeux doux au professeur. Il me plaisait, et je m’agitai tant et si bien qu’il ne pouvait l’ignorer. Naturellement, mon sculpteur connaissait la musique, et il ne fallut pas longtemps pour qu’il m’invite à venir découvrir ses œuvres dans son atelier.

Oui, j’avais envie de ces vieillards !
J’avais envie de les contempler dans leur nudité intime et humaine, dans leur pudeur, leur impudeur, leur fierté ou leur gêne, de les voir se déshabiller et, tombant le masque du vêtement, dévoiler sans complaisance la dense vérité de leur chair.
J’avais envie de savourer leur abandon, leur tassement, leur dérive, ou au contraire la force nerveuse qui les redressait, puissants et noueux comme des arbres tordus par le vent.

Fervente adoratrice du sexe fort, mais généralement cantonnée à une tranche d’âge plus ou moins compatible avec la mienne, dotée d’un mari qui se trouvait, comme moi, au seuil de la quarantaine, j’avais jusque-là considéré d’un œil soupçonneux ces couples, « elle au printemps, lui en hiver » comme dit la chanson, que seules de malsaines raisons pouvaient certainement pousser à bousculer ainsi le cours naturel des saisons.

Sans un mot, il releva ma jupe et écarta mes jambes : le mont de vénus bombait sous le minuscule triangle de mon string. Toujours en silence, le vieil homme repoussa de l’index le mince sous-vêtement, exposant mon bas-ventre qui apparut alors en pleine lumière : avec son poil noir rasé et les circonvolutions de ses replis roses, ma vulve ressemblait à celle d’une petite chienne tondue.