Je m'excuse à l'avance auprès de mes babelamis qui sont fans de
Western, car je souffre quand on dénigre les livres que j'ai adorés, ceci étant je respecte les goûts et les couleurs de chacun et je salue la différence. Je me sens très seule quand je vois que
Western a décroché le prix de Flore – parmi les prix de Flore, j'ai beaucoup aimé deux ouvrages originaux qui m'ont touchée, Rhapsodie des oubliés de
Sofia Aouine (2019) et le voyant d'Etampes d'
Abel Quentin (2021) -, ou quand j'écoute
Augustin Trapenard faire l'éloge d'une « phrase singulière, incisive et drôle ».
« le coeur a ses raisons que la raison ignore », la lecture c'est comme la musique, chacun l'aime ou pas selon sa sensibilité. C'est le pendant du métal à la musique classique ou folklorique. Pour moi, un bon roman doit m'offrir un voyage et de belles rencontres.
Plus qu'un roman, pour moi
Western est une sorte d'autofiction sociologique. Pourquoi prendre
Western qui est un concept cinématographique américain comme titre d'une fiction scripturale qui se passe à Paris et près de Cahors ? Les cowboys bien trempés sont remplacés par Aurore et Alexis Zagner, deux créatures de papier aliénées. Aux chevaux qui galopent et soulèvent la poussière succèdent des idées mots qui se bousculent et se heurtent. On nous décrit un ouest terne qui signe la décadence de l'occident. Une plaine minérale tient lieu de Far West.
Alexis Zagner est un Don Juan à la scène comme à la ville. Lassé de répéter les mêmes répliques et les mêmes scènes, il va abandonner traitreusement son rôle phare dans Don Juan, sa femme officielle, la femme du ministère qui le harcèle pour qu'il la baise à tout-va, la fragile jeune Chloé qui s'est amourachée de lui. Il va larguer les amarres pour se réfugier dans une maison près de Cahors qu'une vieille dame, Sabine, lui a léguée, sauf que quand il arrive, son alter ego féminin, Aurore, la fille de Sabine, qui se croit chez elle lui ouvre la porte. Ils ne savent pas quoi se dire, alors allez hop ! ils baisent.
Ils sont tous deux parisiens. Aurore élève seule son fils Cosma de sept ans. Elle est en plein burnout. Comme Alexis, elle cherche à combler sa perte d'identité, son manque de repères en baisant.
Notre Don Juan national est devenu un vil acteur sans personnalité. Aurore fantasme devant le Christ ! Appelons un chat un chat, Don Juan c'est Don Juan pas Alexis Zagner, le christ c'est un symbole de piété pas une idole sexy !
La déchéance des icônes va de pair avec un appauvrissement du langage. Ce que
Maria Pourchet nomme pompeusement le discours amoureux ce sont des SMS. On a droit, sur deux pages (231-2) à une analyse sémantique et stylistique des SMS d'Alexis, avec nombre d'occurrences de tel et tel mot, les classiques métaphores, euphémismes, périphrases… etc., et aussi du jargon, antonomase, anacoluthe, prétérition, oxymore que je connais, pas comme astéisme, que je ne l'ai pas trouvé dans mon Petit Robert, il a fallu que je consulte mon
Gradus, Les procédés littéraires de
Bernard Dupriez. C'est assez mignon d'ailleurs.
Astéisme : badinage délicat et ingénieux par le quel on loue ou l'on flatte avec l'apparence même du blâme et du reproche.
Exemple, vers de
Verlaine :
Il paraît que tu ne comprends
Pas les vers que je soupire…
Tu les inspires, c'est bien pire.
Augustin Trapenard s'extasie devant cette digression, pas moi ! que vient faire un TD de linguistique dans un supposé roman ?
Le processus de déconstruction de
Maria Pourchet ne s'arrête pas là. Elle démystifie le travail d'écrivain. La narratrice s'immisce régulièrement dans le récit pour nous signifier qu'elle ne sait pas ce que pensent ou font les personnages.
« Après quoi, j'ignore ce qu'il a pu faire, du café forcément, ou manger quelque chose, dormir. » p.195
On loue les phrases ciselées de
Maria Pourchet, moi je dirais qu'elles manquent de souffle et que les protagonistes et l'autrice s'entrechoquent.
Pourquoi as-tu lu ce livre ?
Par snobisme ! Je l'ai pris sur l'étagère des nouveautés de ma médiathèque pour en parler avec mes babelamis. J'aime vivre avec mon temps.
Quel intérêt de faire une chronique négative ?
Parce que ce livre m'a intéressée, j'ai d'ailleurs pris énormément de plaisir à rédiger cette chronique.
Je ne chronique pas forcément tous les livres que je lis. Il y a des livres que j'aime bien, qui m'aident à m'endormir, où tout est dit, dont je ne vois pas l'intérêt de les commenter.
Pourquoi ne mettre qu'une étoile à un livre qui t'a intéressée ?
Parce que chez moi un livre avec une étoile, c'est un livre que je ne cautionne pas, avec lequel je veux marquer mon désaccord idéologique.
Ouest terne n'est pas ma musique.