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Kenneth M Bilby (Autre)Natacha Giafferi-Dombre (Traducteur)
EAN : 9782364131835
311 pages
Vents d'ailleurs (08/11/2016)
4/5   1 notes
Résumé :
Dans le cadre d'une cérémonie funéraire, afin d'accompagner dans la joie celui qui se met "en route pour le pays des ancêtres", les Saamakas organisent des veillées de contes (kontu)... Les anthropologues étasuniens Richard & Sally Price donnent la transcription de deux de ces veillées.

La soirée commence par un échauffement de contes-devinettes (kisikontu), chacune introduite par l'échange traditionnel : "- Hiliti ! - Daiti !". Les réponses déjà con... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
(détail des contes, et quelques partitions des pépites sur mon blog)

Les Saamakas sont un groupe de "bushinengués" (noirs de la forêt en créole anglais) ou marrons du Suriname, échappés parmi les premiers de l'esclavage (profitant du désordre incessant des premières colonies, comptoirs et flibusteries entre Anglais, Français et Hollandais qui se soldèrent par le Traité de Breda en 1667, donnant le Suriname aux Hollandais et La Nouvelle Amsterdam - future New York - aux Anglais). En amalgamant les restes de croyances, pratiques et cultures de leurs origines africaines diverses, dans un bain de culture coloniale et au contact des Amérindiens, ils se recréent un mode de vie de village, le long des fleuves, l'Afrique noire en forêt amazonienne. Dans l'ensemble, les contes racontés ici semblent appartenir à un fond commun aux différentes populations marronnes et créoles (qu'on retrouve par exemple dans les Grands Contes de Guyane ou dans Les Contes des sages créoles, de Patrick Chamoiseau). Présence très fréquente du diable (qu'on met en scène pour mieux le repousser), animaux représentant des caractères : le caïman, le singe-hurleur, la tortue, le serpent, le jaguar... importance des abattis-brûlis, de la chasse, traversée de la rivière, de la pêche, du manioc, du mariage, des funérailles, de la musique... Hors contes étiologiques (proposant des explications comiques ou poétiques du monde), les tours ingénieux pour lutter contre plus fort ou contre les mauvais sorts, le tel est pris qui croyait prendre, et par dessus tout l'art de faire accepter un deal qui se révèle par la suite une belle arnaque, sont les principaux ressorts dramatiques des contes. Et Ana(n)si, sorte de Renart marron, en est le personnage le plus emblématique ; l'araignée qui s'immisce partout, vous prend dans des filets inattendus en ayant l'air de se moquer tout bas... quitte à se faire écraser dans la foulée. L'univers décrit mélange ainsi le contexte local amazonien à la culture européenne et à des restes de culture africaine suspendus, comme provenant d'un monde perdu (à l'image du personnage de l'éléphant...).

Racontés à une heure avancée de la nuit, par un villageois pas forcément expert en poésie, ne se souvenant pas toujours, mélangeant différentes histoires, gêné par les bruits, interrompu, peut-être alcoolisé... les contes ne trouvent pas ici une textualité stable et esthétiquement élaborée, au contraire des contes célèbres dont nous avons l'habitude, saisis par quelque professionnel de l'empaillage par les mots. le grand intérêt de la transcription ethnographique est de nous montrer une séance traditionnelle de récitation de contes en train de se faire, avec la présence agitée des conteurs et auditeurs, avec tous ses détails, scories, hésitations, réactions à chaud... Les contes et fables sont ici vivants, accédant à une forme à mesure de leur récitation (qui n'est en aucun cas la répétition d'un texte existant ; relevant davantage de ce que Umberto Eco appelle une Oeuvre ouverte). Tout le groupe participe à la récitation, réagissant, questionnant, passant d'auditeur à auteur, chantant en choeur, dansant… Les récitants improvisent des éléments d'ambiance, des effets de réel, se trompent, tentent des allusions, qui feront peut-être partie intégrante du conte pour les auditeurs qui le re-raconteront peut-être des années plus tard. le jeu surprenant des pépites (il s'agit d'interrompre la personne qui parle ! de faire une pause blague ou musique, de créer des échos avec d'autres contes) est clairement ce qui provoque le plus de joie dans le groupe - c'est le coeur vivant de la veillée, moment de relâche et de communion, d'intégration du récit au folklore…

Tradition orale, collective, mouvante, populaire, festive, qu'on peut supposer héritée de pratiques ancestrales importées à fond de cale et renforcée sans doute par l'urgence des esclaves et marrons cherchant à se dire, à échanger, à maintenir et réédifier, à revivifier, des lambeaux de cultures particulières dans une langue commune empruntée au colon, déformée à l'envi pour l'appropriation. On est à l'origine même de la littérature, performance verbale et imagée, devant ses pairs, sa famille et ses amis, pour raviver et transmettre aux jeunes la culture, les croyances, transformées par un décalage comique et métaphorique.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Le roi blanc qui piégeait ses employés, les prenait en défaut et les tuait en leur coupant les fesses, p. 103
KASOLU : [Le gosse qui s'est fait employer par le roi pour garder ses cochons,] il les a tous coupés en morceaux. Il a coupé les queues, qu’il a gardées. – ANTONISI : Iya.
[…] Vous savez comment sont faites les queues des cochons. Il a emporté le reste des corps dans la forêt. Et les queues, il les a enterrées de manière à ce qu’elles ne ressortent qu’un tout petit peu. – Iya.
[…] Là-dessus, il court trouver le roi. Il va droit vers lui. (feignant la préoccupation et l'urgence) « Mon roi, mon roi ! » il lui dit. Le roi répond. Il dit : « je suis allé sortir les cochons... » L'autre répond. « Et ils se sont mis à creuser le sol ! – Iya.
Alors je suis vite venu vous le dire ! » – Iya.
(Rires)
Le roi a dit (très agité) : « Où ça ? » Il a dit : « Par là-bas ! » Le roi a dit : « Allons-y ! » – Iya.
(Kasolu adopte à cet instant un style précipité, saccadé.) Il court, et lorsqu’il arrive, il regarde partout autour de lui. En fait, de la manière dont elles étaient enterrées, les queues des cochons allaient loin dans la terre, et il n’en sortait qu’un tout petit bout qui se dressait, un si petit bout qu’on ne pouvait pas l’attraper et tirer dessus. – AKOBO : Pas du tout !
Ils ont essayé de les empoigner pour tirer dessus. Rien ! Le roi a dit : « Ça ne marchera pas comme ça. Tu sais ce qu’on va faire ? » « Quoi donc ? » A dit le petit garçon. « Cours trouver ma femme dans la maison là-bas.
(Rires)
Demande-lui de te donner une pelle. – Iya.
(Nouveaux rires)
Fais vite ! Rapporte-la moi ! » – Iya.
Le garçon… le gosse a couru vers la maison. – Iya.
Il a couru bien vite, et il a dit : « Vite ! Dépêchez-vous, faites au plus vite ! C’est mon roi qui l’ordonne ! » « Très bien », elle répond. Alors là il lui dit : « Mon roi m’a dit de vous dire… bon, ce qu’il dit, c’est qu’il faudrait que je « vive » avec vous. »
(Exclamations et rires)
« Qu’est-ce que tu dis ? », elle demande. « Mais oui », qu’il dit, – Iya.
« Vite ! Vite ! Vite ! C’est ce qu’il a dit ! » Elle répond : « Hors de question ! » Le roi s’est tourné vers la maison et lui a crié : « Vite ! Donne-le lui, vite ! Donne-le lui bien vite ! – Iya.
Donne-le lui tout de suite ! » – Iya.
Alors, elle dit : « OK, j’ai entendu. Le roi crie (en sranan) : « Donne-le lui ! Donne-le lui ! Donne-le lui ! Vite ! Vite ! » – Iya.
(Rires hystériques)
C’est ce qu’il a dit (dans un sranan ultra rapide) : « Donne lui ! Donne lui ! Donne lui ! Donne lui ! Donne lui ! » – Iya.
(Ralentissant jusqu’à une cadence usuelle) Déjà, le garçon avait saisi la femme et l’avait jetée sur le lit. Et il s’était mis au travail. Bon, cette pelle que le roi l’avait envoyé chercher, en toute urgence, pour qu’ils puissent déterrer les cochons, cette pelle, le garçon ne se pressait pas beaucoup de lui porter. Ça faisait un bout de temps qu’il était parti, alors le roi a fini par se dire : « Il se passe quelque chose. » Il court, gaagaa, vers la maison, et là qu’est-ce qu’il voit à l’intérieur ? Le garçon qui s’affaire sur sa femme.
(Exclamations)
Il a dit… Il est tombé sur le cul et il est resté comme ça. Le garçon a dit : « Mon roi, ça vous a fait mal ? » Il a dit : « Oui, ça m’a fait mal. » Le garçon a dit : « Ramène-tes fesses par ici ! »
(Rires déchaînés)
Le roi s’est tourné, il a présenté ses fesses et a reculé vers le garçon. Il lui a présenté son derrière. Le garçon en a coupé un kilo. Le roi est mort. Et c’est pourquoi les choses sont ce qu’elles sont par ici. Autrement, ce qui se serait passé, c’est qu’à chaque fois qu’on serait allé chercher du travail chez un blanc, un roi, on se serait fait tuer. (pause) Ce garçon a arrangé tout ça pour nous. – AKOBO : Y a quand même un truc qui n’a pas changé, c’est qu’ils vous coupent toujours les fesses à Kourou.
Mon histoire s’arrête ici. Parce que ça faisait mal. Il prétendait que rien ne pouvait lui faire mal. Mais ça, ça lui a vraiment fait mal. C’est là que mon histoire se termine.
(Suivent alors, pendant quelques minutes, un mélange de voix, de rires et de reprises de l’histoire)
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