Le hasard m'a fait tomber directement de Charybde,
du côté de chez Swann, en Scylla, cette Prisonnière, nommée si mal à propos.
Pour ceux que
Proust rebute mais qui, en tant que lecteurs, ne sont pas dénués de toute conscience professionnelle, ce triple salto s'avèrera pas si mal venu et, toute honte bue et devoir rendu à la littérature française, procurera un échantillonnage représentatif et , ce qui ne gâche rien autoporteur, de la Recherche.
Ainsi donc, juste deux mots, qui ne feront pas une critique, pour n'éclairer que ce titre inspiré et trompeur.
La confusion éclabousse de bout en bout La Prisonnière.
De façon évidente à l'endroit des genres et des sentiments.
Plus étrangement, ponctuellement bien qu'ayant une implication essentielle, et incroyablement à tel point qu'on s'interroge sur l'intention de l'auteur, par le renversement de l'ordre fixé par lui dans le titre, s'agissant de qui serait libre et ne le serait pas.
Car c'est bien Albertine qui se révèle page après page -elles sont nombreuses; phrase après phrase -elles sont longues et alambiquées sans autre nécessité que préciosité et obsession du détail; gentillesse et bouderie après bouderie et gentillesse- ne sont-elles pas mignonnes, parfaitement libre de ses actes et de son destin, ne se privant pas de le démontrer en point d'orgue.
Quand à lui, étriqué dans les préjugés de sa caste et son éducation, ficelé dans la toile de son introspection permanente et stérile, noyé dans ses calculs pathétiques visant à lui conserver la propriété d'icelle comme de lingots d'or ou toiles de maître, oncle Picsou de la relation prétendument amoureuse, tétanisé par sa peur primaire et enfantine et, couronnant l'ensemble, enchaîné dans son incapacité absolue à se libérer de tout cela.
Sans doute un régal, toutefois bien futile, pour les adeptes du Dr
Freud, s'il en reste.
Quant au lecteur, dans le meilleur des cas, il digèrera, s'il a pris suffisamment d'élan...