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Critiques filtrées sur 5 étoiles  

On connaît bien certaines vicissitudes traversées par ce monument littéraire unique dans son genre – son achèvement irrésolu, sa réécriture incessante, jusqu'au dernier soupir de son auteur, la quantité de notes éparses, plus ou moins (in)exploitables que ce dernier laissait derrière lui, certaines intégrées au fur et à mesure de ses rééditions, d'autres pas, ou diversement selon ses éditeurs, les révisions et corrections qu'il ne put mener à terme, les contresens restés en l'état, parfois sous forme de phrases hermétiques, sans objet ou sans lien apparent à un motif précédent, ou d'incohérences dans l'intrigue d'un épisode à l'autre, dans la chronologie de certains faits historiques évoqués, voire dans l'entrée ou sortie définitive de scène de quelques-uns de ses personnages – impairs, cependant, qui finiraient non seulement par contribuer à la mythologie
créée autour de l'oeuvre et retentir sur sa plurivocité, mais aussi par en répercuter et illustrer son thème central, le labile et incertain travail de reconstitution de la mémoire. Une oeuvre, donc, dont la genèse même et la logique présidant à sa construction sont en miroir avec son motif principal, à savoir, l'émergence mouvante, involontaire, parfois aléatoire de nos réminiscences, l'interminable «relecture» de notre passé qui en découle, conduite par une mémoire défectible et indissociable de nos affects variables, de nos sensations fugitives, de notre imagination fluctuante. Une oeuvre à l'architecture incomparable, fascinante, dont la radicalité ne peut que subjuguer ou rebuter, et que certains de ses plus fidèles admirateurs (parmi lesquels je me situerais volontiers), quitte à passer pour des «snobs» de premier ordre aux yeux d'autres lecteurs, ses non moins honorables détracteurs, n'hésiteront pas à considérer comme l'un des plus grands chefs-d'oeuvre, sinon le plus grand de tous ceux ayant vu le jour au cours du XXe siècle.

Ce cinquième volume de «La Recherche», quintessence absolue du roman psychologique moderne, analyse magistrale du flux subjectif produit par le pathos amoureux, en est emblématique. Il fut légué par un Proust à bout de forces, dictant, pratiquement jusqu'à la veille de sa mort, additions et corrections au texte de celui des trois derniers tomes de «La Recherche» publiés à titre posthume auquel, confiait-il à son éditeur peu de temps avant de mourir, il s'était «acharné au détriment des deux autres».

La Prisonnière soumet à l'appréciation du lecteur une exploration anatomique minutieuse -«sous le microscope de la réalité»- (Vladimir Nabokov, je vous demande de sortir d'une fois pour toutes de mes billets!!) d'une jalousie amoureuse à un stade tumoral très avancé, en même temps qu'un précis détaillé de stratégie martiale sur la carte du tendre, lorsque la possession intégrale de la cible amoureuse s'étant avérée impossible, les combattants se voient obligés de se rabattre sur des tactiques stériles d'assaut et de repli, ou dans le meilleur des cas, à pratiquer une politique diplomatique de la «paix armée»…

Amour domination, amour abdication, amour dévotion, amour prison…Pour le Narrateur, l'amour, synonyme de possession physique et morale de son objet, serait fatalement -ainsi que le chantait notre inoubliable «Gainsbarde»- «sans issue».

«Instants doux, gais, innocents en apparence et où s'accumule pourtant la possibilité du désastre ; ce qui fait de la vie amoureuse la plus contrastée de toutes, celle où la pluie imprévisible de soufre et de poix tombe après les moments les plus riants, et où ensuite, sans avoir le courage de tirer la leçon du malheur, nous rebâtissons immédiatement sur les flancs du cratère d'où ne pourra sortir que la catastrophe.»

Sans issue également, dans le décor de l'appartement familial parisien, providentiellement vacant à ce moment-là, le huis-clos dans lequel sa jalousie l'aura séquestré en même temps qu'Albertine, tous les deux bientôt prisonniers d'une dialectique du maître et de l'esclave qui leur permettra de jouer, l'un vis-à-vis de l'autre, et sans doute par moments de «jouir» aussi, tour à tour, du rôle de geôlier ou de captif.
Suite amoureuse composée de mouvements dissonants, alternés, contradictoires, faite de battements arythmiques d'une anxiété douloureuse éveillée par les ruminations du Narrateur, lorsqu'Albertine lui semblait vouloir songer à sa libération prochaine, ou tout au moins à se soustraire momentanément à sa surveillance pour s'adonner à des plaisirs coupables dont il était exclu, se succédant à d'autres cadences plus douces, intermèdes bienheureux où une certaine harmonie semblait envisageable entre eux, mais au cours desquels, ayant été rapprivoisée et redevenue docile, Albertine se ferait au fur et à mesure moins désirer, et délaisser par son amant, paraissant bientôt aux yeux de ce dernier vouloir de nouveau concocter en sourdine les premiers accords d'une nouvelle fugue…

Recherche d'un bonheur impossible, appuyée sur une mécanique endiablée, paradoxale, qui tout en cherchant à posséder l'autre, «ne subsiste que si une partie reste à conquérir». Désir d'un désir absolu, fidèle, inconditionnel, mais qui se nourrirait pourtant davantage des dérobades d'un lièvre qui ne se laisserait pas complètement courir, que d'une proie prête à se laisser dévorer… Désir glissant, se défilant, s'ajournant et se déplaçant de ce qui a été acquis vers l'inconnu, vers ce qu'on ne possède pas encore, ou vers quelque chose d'autre -tout court-, vers par exemple «de belles femmes de chambre », un voyage tout seul à Venise ou cette tranquillité d'esprit nécessaire, chez soi, pour se mettre enfin au travail...Cercle vicieux, enfin, risquant de condamner les amants, à perpétuité, à un jeu de dupes, sans issue encore une fois, ronde infernale et quotidienne faite d'escamotages, petits mensonges, non-dits et faux-semblants.

C'est ainsi, par exemple, qu'invitée par les Verdurin à une réception à laquelle, tel que le Narrateur l'apprendrait entretemps par hasard, son ancienne amie gomorrhéenne Mlle Vinteuil devait aussi se présenter, Albertine, d'après lui, rusait en lui disant qu'elle n'avait aucune envie d'y aller, ainsi que lui-même, lorsque de son côté, terrifié à l'idée qu'Albertine soit en train de céder à des tentations saphiques qu'elle lui cache, il trouverait le jour venu tous les prétextes imaginables pour qu'elle reste auprès de lui, mais, une fois endormie, n'hésiterait pas à s'y rendre lui-même afin de pouvoir enquêter sur place sur son passé à elle et confirmer éventuellement ses soupçons à lui!

La Prisonnière fut l'un des épisodes de «La Recherche» que j'ai le mieux appréciés cette fois - sinon mon préféré, du moins jusqu'ici...
À cette temporalité particulière, «labyrinthique », à laquelle le Narrateur répondait depuis le début de ses réminiscences, depuis Combray, à l'observation détaillée de l'infiniment petit dans son monde intérieur et à la dissection de ce qui constitue le noyau dur de sa subjectivité - plus que jamais présentes dans ce volume et portées ici, à mon avis, à un niveau jamais atteint auparavant par le roman psychologique- , viennent en outre s'y rajouter une forme de resserrement thématique inédit (la jalousie obsessionnelle du narrateur), ou en tout cas beaucoup plus important que dans les tomes précédents, dans lesquels l'auteur nous avait habitués à force digressions, ramifications et récits subsidiaires ; assez inouïe, enfin, la linéarité présente autant dans la chronologie de la narration (le récit se compose de séries de journées regroupées, à quelques mois d'intervalle, suivant les saisons de cette toute dernière année vécue ensemble par les amants), ainsi que dans l'enchaînement logique conduisant de l'emprisonnement d'Albertine, au retour de Balbec, jusqu'à son évasion spectaculaire à la fin du roman.

Mais ce qui paraît surtout prodigieux, c'est que, loin d'y être revenu à des règles plus classiques de narration littéraire -unité de lieu (l'appartement du Narrateur), unité d'action et de « péril » (la surveillance stricte des faits et gestes de sa maîtresse) et unité de temps- comme l'on pourrait supposer à tort, Proust pose ici un décor et un cadre en apparence mieux repérables, mais en trompe l'oeil, afin justement de mieux pouvoir se détacher des codes consacrés du roman réaliste !

Gammes sublimes autour d'un thème unique, narration plus que jamais évanescente, générant au passage d'impressionnantes torsades temporelles, outre les ratiocinations en boucle du Narrateur, le lecteur n'aura quasiment rien d'autre de concret à se mettre sous la dent ! Toute l'action se tient dans une suspension parfaite, ce jusqu'aux tout derniers paragraphes du roman.

Moins soucieux que jamais d'une conformité à une réalité romanesque matériellement objectivable, aucune contextualisation de l'intrigue ne semble non plus indispensable (pas la moindre indication, par exemple, des raisons qui justifieraient une aussi longue absence de la famille du Narrateur de l'appartement à Paris, ni d'où serait passée entretemps la tante d'Albertine, Mme Bontemps, sans parler de bien d'autres…?).
Aussi, de la seule scène tout à fait «extérieure», et à l'appartement, et à ce qui s'y passait en huis-clos, la fameuse soirée chez les Verdurin, mise à part la description détaillée de la brouille entre Monsieur de Charlus et ces derniers, on retiendra avant tout le long monologue suscité par l'écoute du Septuor de Vinteuil joué ce soir-là, apaisant momentanément le Narrateur et l'amenant à conclure que «l'art n'est peut-être pas aussi irréel que la vie».


C'est peut-être aussi parce que tous les cours d'eaux sinueux provenant de sources en apparence éloignées les unes de autres ayant alimenté La Recherche du Temps Perdu, se rejoignent à partir d'ici sur un lit unique, encore plus profond et de plus en plus immatériel, là où cessant de vouloir faire la part entre réalité extérieure et intérieure, à l'embouchure proche du temps retrouvé, l'on espère enfin ne plus avoir à redouter que dans notre vie «le passé ne se réalise pour nous qu'après l'avenir», nous égarant alors en d'inextricables regrets et en ressassements inutiles, mais que, «conservé depuis longtemps en nous, nous apprenions tout d'un coup à le lire».


...

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Où il est question des vicissitudes sentimentales du narrateur pour Albertine…
Le narrateur hésite encore à épouser Albertine. Ils vivent dans le même appartement. Ils ont chacun leur chambre et leur salle de bain, jointives, ce qui leur permet de dialoguer pendant leurs ablutions. Il découvre qu'il est jaloux quand elle n'est pas avec lui, car il n'est pas sûr de sa fidélité. Il a toujours en tête des soupçons de relation saphique entre Albertine et Andrée qu'il convoite lui-même, mais aussi avec Mlle Vinteuil et Léa, comédienne et lesbienne reconnue…
« … Je me demandais si me marier avec Albertine ne gâcherait pas ma vie, tant en me faisant assumer la tâche trop lourde pour moi de me consacrer à un autre être, qu'en me forçant à vivre absent de moi-même à cause de sa présence continuelle et en me privant à jamais des joies de la solitude. Et pas de celles-là seulement.» Il souligne là un fait entendu par toutes et tous mais rarement ouvertement reconnu de cette part de liberté sacrifiée sur l'autel de la relation amoureuse et dont l'importance est toute relative à chaque individu.
Alors que la relation du narrateur avec Albertine commence à connaître le bonheur, émerge dans la pensée de celui-ci le doute. Il témoigne de ce besoin irrépressible de remettre tout en question, car si cette union a atteint son point idyllique, il arrive le moment où il ne peut penser que cela durera pour toujours. Alors l'imaginaire envahit son esprit et creuse les fondations de ce qu'il envisage comme une tragédie, avant que la conscience n'en détecte les premiers signes, ou du moins ne croie en deviner les éléments factuels. « Et si… » engage le narrateur sur la pente vertigineuse du doute qui l'entraîne sur la piste de faits dont l'explication arrangée qu'il en fait corrobore ce qu'il aurait pu craindre le plus : la trahison. Tout n'est qu'invention dans l'esprit du narrateur mais à force de tourner, virer, prend la forme exacte d'une vérité supposée. La moindre parcelle d'emploi du temps non expliquée est pour le narrateur source de turpitudes et d'interrogations laissant le libre champs à des scénarios des plus vraisemblables aux plus loufoques. L'auteur fait la démonstration de cette propension qu'a l'humain de corrompre souvent toute relation sentimentale parfaite, trop parfaite, par cette angoisse vertigineuse qu'elle se finisse ou plus simplement en ce qui concerne le narrateur de peut-être révéler par la suite sa vraie nature. Son Moi l'inonde d'informations vraies ou fausses, impossibles à vérifier mais élaborées sur la base d'indices concordant pour que lui-même soit en adéquation avec son raisonnement paranoïaque et en déduise l'infondé de cette relation. Albertine devenant coupable, le prétexte pour s'en séparer permet de faire cesser ses vicissitudes, ses hésitations, ses questionnements, recouvrir sa liberté et lui laisser le champs libre vers d'autres horizons.
« La prisonnière » est aussi l'occasion pour l'auteur d'enfin révéler la part de fiction et de réalité entourant le narrateur, et la relation intime qui les lie. « Elle retrouvait la parole, elle disait : « Mon » ou « Mon chéri », suivis l'un ou l'autre de mon nom de baptême, ce qui, en donnant au narrateur le même prénom qu'à l'auteur de ce livre eût fait : « Mon Marcel », « Mon chéri Marcel ». »
Plus il essaye « d'attraper » Albertine, plus elle lui échappe alors qu'il la voudrait sienne, soumise, « sa prisonnière ». C'est là tout le paradoxe du narrateur car lorsqu'elle serait selon ses désirs, il remarque : « Si les femmes de ce qu'on appelait autrefois les maisons closes, si les cocottes elles-mêmes (à condition que nous sachions qu'elles sont des cocottes) nous attirent si peu, ce n'est pas qu'elles soient moins belles que d'autres, c'est qu'elles sont toutes prêtes, que ce qu'on cherche précisément à atteindre, elles nous l'offrent déjà, c'est qu'elles ne sont pas des conquêtes. » Et plus loin : « On aime que ce en quoi on poursuit quelque chose d'inaccessible, on n'aime que ce qu'on ne possède pas, et bien vite je me remettais à me rendre compte que je ne possédais pas Albertine. »
La musique de Vinteuil est présentée comme une autre madeleine de Proust, élément déclencheur de souvenirs, d'impressions qui se rappellent à nous. « Dans la musique de Vinteuil, il y avait ainsi de ces visions qu'il est impossible d'exprimer et presque défendu de contempler, puisque, quand au moment de s'endormir on reçoit la caresse de leur irréel enchantement, à ce moment même, où la raison nous a déjà abandonnés, les yeux se scellent et, avant d'avoir eu le temps de connaître non seulement l'ineffable mais l'invisible, on s'endort… Ainsi rien ne ressemblait plus qu'une belle phrase de Vinteuil à ce plaisir particulier que j'avais quelquefois éprouvé dans ma vie, par exemple devant les clochers de Martinville, certains arbres d'une route de Balbec ou plus simplement au début de cet ouvrage, en buvant une certaine tasse de thé. »
On notera dans ce cinquième tome d' « à la poursuite du temps perdu » que l'auteur écrit deux fois le même passage, en page 165 de la collection blanche de Gallimard et en page 314, où il fait le distinguo entre ce que les gens voient de nous et l'image que nous imaginons leur envoyer. « Nous ne voyons pas notre corps, que les autres voient, et nous « suivons » notre pensée, l'objet invisible aux autres, qui est devant nous. »
Dans « La prisonnière », Marcel Proust démonte avec la précision d'un horloger les rouages de la relation amoureuse, les sentiments passionnés et ses imperfections, son pouvoir destructeur, les errements de la pensée galante mais jamais la gymnastique charnelle du couple, son incarnation physique. Son approche de la relation amoureuse est cérébrale.

« L'amour, c'est l'espace et le temps rendus sensibles au coeur. »

Editions Gallimard, 377 pages.
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Albertine est venue vivre avec le narrateur qui envisage de l'épouser, il en a parlé à sa mère (qui est contre), mais pas à la jeune fille. Il n'est d'ailleurs pas certain d'aimer Albertine, mais la jalousie le torture — ne lui préfère-t-elle pas une femme ?

Le narrateur est malade, sort peu, Albertine est donc contrainte de sortir seule. Seule, mais est-ce bien certain ?

C'est le thème du livre, et franchement, Marcel Proust en fait des pages et des pages.

Le narrateur se rend tout de même à une soirée chez madame Verdurin. Un passage plus léger du roman où l'auteur décrit admirablement les petits jeux sociaux. La grande aristocratie dédaigne saluer la Patronne, à l'exception de la reine de Naples.

La musique de Vinteuil est l'objet des plus belles pages du livre.

Vous serez sans doute surpris d'apprendre que le roman s'achève sur un cliffhanger, de quoi donner envie de lire la suite, tout en redoutant (un peu) les interminables phrases que l'évènement va inspirer à l'auteur.

Lien : https://dequoilire.com/marce..
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Ce cinquième tome de A la recherche du temps perdu est le premier des tomes de l'oeuvre de Proust qui fut publié après sa mort et qui ne fut donc pas complètement revu par l'auteur.
De ce fait, certaines incohérences mineures y subsistent telles le fait que l'un des protagonistes y évoque la mort du Dr Cottard, l'un des fidèles de « l'Eglise » des Verdurin alors que, quelques pages plus loin, ce dernier, toujours bien vivant, vient au secours du pauvre Saniette qui vient d'avoir une attaque à la sortie de la matinée organisée par les mêmes Verdurin. Aussi, la mention erronée des 10 musiciens du septuor de Vinteuil, ou celle de la tante Octave, en réalité la tante Léonie, etc....

Mais ce sont des détails qui n'altèrent en rien, en ce qui me concerne, la beauté et la profondeur du récit.
Et cela bien qu'il ne s'y passe pas grand chose, et qu'après des moments radieux de matins égayés par les cris des artisans et commerçants ambulants de Paris, des tendres partages amoureux avec sa « prisonnière » Albertine, l'enfermement jaloux dans lequel s'installe le narrateur, les affres de ses soupçons maladifs, rendent progressivement l'atmosphère pesante, jusqu'au départ subit d'Albertine qui clôt le récit.

Cependant la matinée chez les Verdurin, organisée par un Charlus toujours aussi hors normes et complètement inconscient de l'affront qu'il fait à ses hôtes (qui lui feront payer cruellement, de manière détournée), va nous conduire vers d'autres horizons. Elle va amener le narrateur à nous faire ressentir de façon forte l'émotion que lui procure l'écoute musicale du septuor du compositeur Vinteuil (mort lors du premier tome, « du coté de chez Swann » ). Et nous faire la suggestion que la sensation artistique, l'art en général, représentent un chemin vers l'appréhension du monde différent et plus fort que l'approche par « l'intelligence », c'est-à-dire la connaissance par la raison.
Tout aussi remarquable est la discussion passionnante que le narrateur va avoir avec Albertine sur la création littéraire et sur les écrivains, dont Dostoïevski. Discussion qui fait écho à la mort brutale de l'écrivain Bergotte, dans laquelle est évoqué douloureusement par ce romancier, à la vue du tableau La vue de Delft de Veermer, le sentiment de son propre échec de n'avoir pas réussi à atteindre l'absolu dans son activité créatrice.

Proust, c'est tout un monde qu'il faut savoir appréhender, ce n'est pas toujours facile, la lecture est exigeante.
Mais ce monde complexe dans lequel un narrateur, qui n'est pas Proust, ne l'oublions pas, nous emmène, est pour moi tout à la fois une analyse profonde et sans concession des comportements humains, une méditation sur la vie, aussi une réflexion sur le temps et la mémoire, sur la fonction de l'art, sur les rapports entre raison et émotion. Et tout cela sans être nullement l'habillage romancé d'une prétention philosophique. Il me semble que c'est sans équivalent dans la littérature et je ressens que je suis loin d'en avoir fait le tour.
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Cher Marcel.
Enfin ton prénom a été prononcé une fois par Albertine. Mais bien sûr tout est romancé sans oublier qu'apparemment l'amoureuse était dans les faits un amoureux.

Dis moi, je sais que ce tutoiement est un peu trop familier mais depuis le temps que je te suis je crois être en droit de te considérer comme un proche. Te lire est un plaisir mais parfois aussi un questionnement incessant.

Dans ce volume il est surtout question de jalousie plus que d'amour à mon avis. L',amour requiert de la confiance alors qu'ici il n'y a que méfiance et surveillance.

Cher narrateur, tu oscilles entre le besoin d'Albertine quand tu penses qu'elle te ment ou qu'elle désire quelqu'un d'autre, surtout une autre femme.

Tu la tiens prisonnière cette pauvre Albertine qui n'est que très peu digne de confiance selon toi ! Toujours surveillée par Andrée, Françoise ou le chauffeur mis à sa disposition.

Cette jalousie maladive s'apparente plus à un besoin de possession que d'amour.

Parfois le narrateur se dit qu'il ferait mieux de rompre et de partir à Venise. Et quand il sent que sa belle a besoin de respiration il a besoin d'elle.

Il la couvre de cadeaux matériels pour se l'attacher mais cela ne suffira pas.

Et tu décris encore, cher narrateur, la vacuité de l'amour du baron de Charlus pour Morel et surtout sa déchéance dans le fameux salon des Verdurin.

Palamede a organisé chez les Verdurin une soirée musicale où son cher Morel joue dans un septuor la sonate de Vinteuil si magnifique.

Madame Verdurin que les invités aristocrates du baron de Charlus ont fait semblant de méconnaître car elle n'est que bourgeoise, certes de la haute bourgeoisie, se vengera en séparant Charlus de son cher Morel, excellent violoniste.

Une nouvelle fois, en raison de la jalousie de cette femme, l'amour voire l'amitié factice de ces milieux snobs et ridicules vont conduire à un combat sans merci !

Pourtant, au milieu de ces situations, Marcel s'interroge sur le sens de l'art et son but avec profondeur.

Cher Marcel, je n'ai pas du tout envie de te quitter trop tôt alors, même si tu te sens toi même prisonnier de la geôle que tu as mise en place pour Albertine, j'ai besoin de prolonger le plaisir de te lire.

Je vais donc poursuivre quelques autres lectures avant de lire les deux derniers tomes de la recherche.

Bien à toi
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On garde parfois de "La Prisonnière" un souvenir de lecture peu agréable. Certains parlent même de "tunnel" d'ennui que le lecteur va traverser s'il s'aventure dans le Cycle d'Albertine, composé de la cinquième et de la sixième parties de la Recherche du Temps Perdu. Albertine "enfermée" chez le héros, soumise aux enquêtes obsessionnelles de sa jalousie dont aucun détail n'est omis, puis Albertine disparue, morte, nous condamnent au ressassement du chagrin, de la souffrance amoureuse subie et infligée, des infinies ratiocinations de l'enquête jalouse et douloureuse. Tel est le souvenir que l'on peut garder d'une première lecture, ce qui ne donne guère envie de reprendre le volume, pas plus que sa suite.
*
Or la relecture est source d'enchantements. Bien sûr, on n'échappe pas à l'exposé minutieux de la jalousie, mais ceci est acquis et il est possible de faire porter son attention sur d'autres aspects du roman. D'abord, ce qui saute aux yeux, c'est la magnificence des pages descriptives, la magie sensorielle des portraits d'Albertine endormie, des robes somptueuses qu'il lui fait faire, du clair de lune, des bruits de la rue parisienne, de la musique de Vinteuil et de toutes les heures du jour et de la nuit. Il n'est pas jusqu'au garçon boucher dépeçant une carcasse, ou une serveuse de pâtisserie, les cloches du couvent voisin, un avion dans le ciel, les plus infimes détails, qui ne frappent par la maîtrise de l'exécution littéraire et la beauté du style. Sous l'effet des images de la langue proustienne, chaque élément décrit se double d'un écho sonore, d'une référence picturale, d'un souvenir particulier à l'oeuvre, qui font de la réalité représentée une sorte de mille-feuilles offert à la dégustation. Même les passages d'analyse psychologique, un peu plus nus, abstraits et dépouillés de ce chatoiement des sens, passent mieux à la seconde lecture grâce au sens de la prose que l'auteur manifeste.
*
Ensuite, on peut relire cette malheureuse histoire comme une sorte d'apologue, ce que l'auteur ne manque pas de suggérer par moments. Ce livre nous raconte une entreprise folle et vouée à l'échec : celle d'un homme voulant connaître totalement une femme qui, par sa nature d'être humain, se dérobe à lui. Albertine est d'autant plus inconnaissable qu'elle ment sans cesse et cache au narrateur, qui voudrait tout savoir, tout maîtriser d'elle, ses amours homosexuelles. Elle est donc absolument impossible à connaître et à cerner, par nature, par goût de la liberté, et par ses moeurs. L'amant se condamne donc à un échec total, et à la souffrance de ne pouvoir posséder de cette femme que son enveloppe extérieure, mais pas son âme, ni son coeur, ni sa mémoire. Mais quand on y réfléchit bien, n'est-ce pas le sort commun de tout amour ? Qui, nous dit le livre, peut croire à l'union vraie de deux êtres humains, autrement que par le mensonge et l'illusion ?
*
"Je pouvais bien prendre Albertine sur mes genoux, tenir sa tête dans mes mains, je pouvais la caresser, passer longuement mes mains sur elle, mais, comme si j'eusse manié une pierre qui enferme la salure des océans immémoriaux ou le rayon d'une étoile, je sentais que je touchais seulement l'enveloppe close d'un être qui par l'intérieur accédait à l'infini."
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C'est alors que s'amorce le retournement qui fera la matière du Temps Retrouvé : le héros fait ici son éducation sentimentale, apprend la vanité de l'amour, la nécessité d'y renoncer, et élabore peu à peu, par son expérience personnelle, sa théorie générale des êtres et de leurs relations, qui est à l'oeuvre dans le roman qu'il va écrire, à savoir "A la recherche du temps perdu" . Il exprime cela dans des termes empruntés aux derniers vers du Voyage de Baudelaire :
*
"Le mensonge, le mensonge parfait, sur les gens que nous connaissons, les relations que nous avons eues avec eux, notre mobile dans telle action formulé par nous d'une façon toute différente, le mensonge sur ce que nous sommes, sur ce que nous aimons, sur ce que nous éprouvons à l'égard de l'être qui nous aime et qui croit nous avoir façonnés semblables à lui parce qu'il nous embrasse toute la journée, ce mensonge-là est une des seules choses au monde qui puisse nous ouvrir des perspectives sur du nouveau, sur de l'inconnu, puisse ouvrir en nous des sens endormis pour la contemplation d'univers que nous n'aurions jamais connus." (Pléiade p. 721)
*
Ainsi l'auteur se met-il en scène lui-même, dans son travail de transformation de sa propre souffrance en littérature et en connaissance :
*
"[Les mensonges] nous font souffrir dans une personne que nous aimons, et à cause de cela nous permettent d'entrer un peu plus avant dans la connaissance de la nature humaine au lieu de nous contenter de nous jouer à sa surface. le chagrin pénètre en nous et nous force par la curiosité douloureuse à pénétrer. D'où des vérités que nous ne nous sentons pas le droit de cacher, si bien qu'un athée moribond qui les a découvertes, assuré du néant, insoucieux de la gloire, use pourtant ses dernières heures à tâcher de les faire connaître." (Pléiade p. 652)
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Lire Proust, c'est accepter de ralentir, de laisser l'écriture rythmer la lecture, de s'ennuyer avec délectation souvent. Oui, cela requiert un laisser-aller voluptueux et toujours pour moi, l'impression de retrouver une langue familière, « cette patrie perdue » évoquée par l'écrivain, un « voyage » qui permet « d'avoir d'autres yeux de voir l'univers avec les yeux d'un autre, de cent autres, de voir les cent univers que chacun d'eux est ».
Bien sûr, le motif principal de « La prisonnière » c'est l'enfermement, celui d'Albertine d'abord, que le narrateur, ivre de jalousie, impose à son amante dans son appartement parisien. Et c'est celui du narrateur également, captif obsessionnel de cette jalousie, née d'un penchant certain d'Albertine pour les amours gomorrhéennes. le narrateur analyse avec acharnement son désir d'Albertine, autopsie la souffrance provoquée par la suspicion et les doutes, par les mensonges de l'aimée, déchiffre les non-dits et les mots qui trahissent comme autant de preuves des tromperies de la jeune femme. le spectacle de ce jaloux qui va jusqu'à feindre la rupture pour éprouver l'amour d'Albertine est fascinant, souvent irritant et toujours dérangeant.
Pourtant, à mon sens, ce qui est précieux dans ce tome, le cinquième de la « Recherche du Temps perdu » ce sont les réflexions sur l'art du narrateur-écrivain, l'intuition toujours plus prégnante du pouvoir d'évocation propre aux grands artistes. Alors qu'il passe la soirée chez les Verdurin, il entend le septuor du compositeur Vinteuil, et le narrateur vit ce concert comme une révélation (que Proust décrit avec génie). Les émotions ressenties alors constituent pour le narrateur un « étrange appel, qu['il] ne cesser[ait] plus jamais d'entendre – comme la promesse qu'il existât autre chose, réalisable par l'art sans doute, que le néant qu['il] avai[t] trouvé dans tous les plaisirs et dans l'amour même, et que si [s]a vie [lui] semblait si vaine, du moins n'avait-elle pas tout accompli ». Merveilleuse intuition qu'il lui faudra écrire pour composer sa vraie vie, remonter le fil du temps pour le retrouver, revivre par l'écriture tous les matins qui éclairent cette oeuvre magistrale.Si ce tome n'est pas mon préféré ("Du côté de chez Swann" indétrônable), je me suis régalée encore une fois. Et quel plaisir de retrouver le baron de Charlus! Avec l'envie cette fois d'aller jusqu'au bout de cette oeuvre que j'explore depuis 20 ans.
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Je précisais dans ma critique du premier tome de la Recherche qu'il ne fallait pas faire l'amalgame entre le narrateur et l'auteur. Pourtant, dans ce cinquième tome, La Prisonnière , Marcel Proust s'identifie très fortement au narrateur, allant jusqu'à lui prêter son propre prénom. Mais les conditions d'élaboration de ce tome furent particulières. Très malade, Proust se coupa du monde et passa ses dernières années enfermé dans sa chambre à composer obsessionnellement son grand oeuvre. Cette intensité créative a laissé un récit marqué par de nombreuses contradictions telles que ces personnages annoncés comme morts puis réapparaissant au cours de l'histoire et une tendance à l'identification narrateur/auteur. Comme si cette écriture compulsive lui avait joué des tours au point d'en oublier ses premiers principes de composition. Mais qu'importe, la magie proustienne est toujours là, ses arabesques font toujours grande impression.
De retour de son second séjour estival à Balbec, le narrateur a emporté dans ses malles l'une des jeunes filles en fleurs, Albertine ; qu'il tient presque cloîtré, profitant de l'absence de sa mère retenue pour un long temps à Combray, dans son appartement parisien. Fou de jalousie, il veut à tout prix empêcher toute rencontre possible d'Albertine avec d'improbables prétendants. Même si ses sentiments pour elle ne sont déjà plus ceux qu'ils étaient quand Albertine restait encore une inconnue aperçue sur les plages de Balbec et qu'elle nourrissait les fantasmes d'un narrateur qui n'en manque pas, il exige, rien de moins, qu'elle ne vive et respire que pour lui.
Mais la prisonnière n'est peut-être pas celle que l'on croit. L'amour, nous le savons bien - c'est l'un des grands thèmes de la littérature - s'apparente à un enchaînement, à un servage volontaire. le narrateur s'enferme dans ses craintes et ses névroses, tel Othello devant Desdémone, devenant ainsi prisonnier de ses propres tourments. Celui qui narra auparavant (voir Un amour de Swann) les désillusions de Swann avec Odette de Crécy, rejoue la partition, mais en tant qu'auteur-compositeur.
Ce roman est aussi une sorte d'essai sur le mensonge, qu'il soit amoureux, amical ou mondain ; on n'en a jamais aussi bien parlé.
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Le génie de Proust atteint dans La Prisonnière son sommet. La complexité des sentiments du narrateur pour Albertine, sa jalousie, ses peurs, ses mensonges, ses volontés de départ et la nécessité des réconciliations sont décrites avec une profondeur telle que le lecteur se trouve saisi dans la cervelle torturée, maniaque et sensible à l'extrême d'un être perdu à force de chercher à se comprendre. En parallèle, on assiste à la chute terrible de Charlus, assassiné par la bêtise et la fierté imbécile des Verdurin et de Morel, qui pourtant donne à Proust l'occasion de toucher à la perfection dans la description du septuor de Vinteuil, où la musique et la vie s'unissent si profondément dans la phrase sans fin de l'auteur qu'on a l'impression que jamais rien ne se terminera. On sait pourtant qu'Albertine disparaîtra et qu'au moment même où la quitter devenait possible sa disparition sera la plus dure des épreuves. Jamais rien n'est figé chez Proust. Tout est en perpétuel mouvement, en une incessante interrogation sur l'expérience mystérieuse de vivre.
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Le tome 5, ce bloc de 300 pages d'amour obsessif et paranoïaque, et ses effets induits.

Publié en 1923, premier des trois tomes sortis après la mort de Proust, « La prisonnière », tome 5 de « La Recherche », est aussi le seul avec « le temps retrouvé » à ne proposer aucun découpage en chapitres, et ce n'est à mon sens pas du tout anodin, lorsqu'on a pu jauger, au cours des quatre tomes précédents, les rôles extrêmement précis qu'assigne Proust à ces découpages et à leurs alternances de longs rythmes majestueux (les trois chapitres centraux de « Sodome et Gomorrhe », ou le flot irrépressible du dernier chapitre du « Côté de Guermantes », par exemple) et de coups chirurgicaux de poignard (le premier et le dernier chapitre de « Sodome et Gomorrhe », le premier chapitre de la deuxième partie du « Côté de Guermantes », ou encore le dernier chapitre de « du côté de chez Swann »).

Ce n'est pas anodin parce que, sans doute, l'obsession dévorante ne peut pas se découper, se détailler, se désassembler, qu'elle est elle-même flot tumultueux qui emporte tout sur son passage, et que « La prisonnière » est bien le récit, en 300 pages, de l'obsession amoureuse poussée à son paroxysme, la passion paranoïaque du narrateur pour Albertine - et son obsession de la préserver à tout prix de sa tentation des amours lesbiennes - le conduisant rapidement à une quasi-séquestration de son amoureuse dans son logement parisien provisoirement déserté par sa mère, et à son inscription dans un étroit réseau de surveillance par des proches « de confiance ».

Ce cinquième tome constitue par ailleurs une véritable prouesse narrative dans le cadre de l'ensemble de la « Recherche », à un double titre.

D'abord, alors que le narrateur lui-même nous a détaillé (mais en nous masquant la temporalité depuis laquelle il parlait à ce moment-là, il est vrai) les affres de l' « amour de Swann », dans le premier tome, l'auteur peut rééditer l'ensemble du processus en l'amplifiant, en le déployant et en le raffinant, sans que la sensation de « déjà vu » ne dépasse, précisément, le rôle d'enclume qui lui a été fixé, sur laquelle le marteau va pouvoir frapper sans relâche et pour le plus grand bonheur (pervers ?) du lecteur. Un homme averti, définitivement, n'en vaut pas deux, en matière d'amour obsessionnel, en tout cas.

Ensuite, l'ironie jubilatoire qui traverse les quatre premiers tomes, lorsque l'auteur, avec cette cruauté pince-sans-rire qui s'est peu à peu imposée comme une marque de fabrique dans son « attitude » vis-à-vis des personnages, se moquait de tout le monde ou presque, atteint ici un sommet encore inviolé, lorsque le narrateur « âgé », depuis le bout du chemin et le « Temps retrouvé » nous avertit, lecteur, tout au long du volume, que les efforts de Marcel sont vains, que sa confiance en les différents chaperons qu'il utilise auprès d'Albertine est particulièrement mal placée, et qu'au fond, régulièrement, sa paranoïa va se tromper de cible en ce qui concerne les personnes, et va obtenir in fine, comme toute jalousie et comme tout l'indiquait clairement – sauf pour l'aveugle Marcel, au fond de son trou, rivé à ses oeillères – le résultat opposé à celui recherché, qui lui explosera à la figure dans les trente dernières lignes du tome - qui, exceptionnellement dans la « Recherche », enchaînera donc à la minute près avec les premières lignes du suivant, « Albertine disparue ».
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