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On garde parfois de "La Prisonnière" un souvenir de lecture peu agréable. Certains parlent même de "tunnel" d'ennui que le lecteur va traverser s'il s'aventure dans le Cycle d'Albertine, composé de la cinquième et de la sixième parties de la Recherche du Temps Perdu. Albertine "enfermée" chez le héros, soumise aux enquêtes obsessionnelles de sa jalousie dont aucun détail n'est omis, puis Albertine disparue, morte, nous condamnent au ressassement du chagrin, de la souffrance amoureuse subie et infligée, des infinies ratiocinations de l'enquête jalouse et douloureuse. Tel est le souvenir que l'on peut garder d'une première lecture, ce qui ne donne guère envie de reprendre le volume, pas plus que sa suite.
*
Or la relecture est source d'enchantements. Bien sûr, on n'échappe pas à l'exposé minutieux de la jalousie, mais ceci est acquis et il est possible de faire porter son attention sur d'autres aspects du roman. D'abord, ce qui saute aux yeux, c'est la magnificence des pages descriptives, la magie sensorielle des portraits d'Albertine endormie, des robes somptueuses qu'il lui fait faire, du clair de lune, des bruits de la rue parisienne, de la musique de Vinteuil et de toutes les heures du jour et de la nuit. Il n'est pas jusqu'au garçon boucher dépeçant une carcasse, ou une serveuse de pâtisserie, les cloches du couvent voisin, un avion dans le ciel, les plus infimes détails, qui ne frappent par la maîtrise de l'exécution littéraire et la beauté du style. Sous l'effet des images de la langue proustienne, chaque élément décrit se double d'un écho sonore, d'une référence picturale, d'un souvenir particulier à l'oeuvre, qui font de la réalité représentée une sorte de mille-feuilles offert à la dégustation. Même les passages d'analyse psychologique, un peu plus nus, abstraits et dépouillés de ce chatoiement des sens, passent mieux à la seconde lecture grâce au sens de la prose que l'auteur manifeste.
*
Ensuite, on peut relire cette malheureuse histoire comme une sorte d'apologue, ce que l'auteur ne manque pas de suggérer par moments. Ce livre nous raconte une entreprise folle et vouée à l'échec : celle d'un homme voulant connaître totalement une femme qui, par sa nature d'être humain, se dérobe à lui. Albertine est d'autant plus inconnaissable qu'elle ment sans cesse et cache au narrateur, qui voudrait tout savoir, tout maîtriser d'elle, ses amours homosexuelles. Elle est donc absolument impossible à connaître et à cerner, par nature, par goût de la liberté, et par ses moeurs. L'amant se condamne donc à un échec total, et à la souffrance de ne pouvoir posséder de cette femme que son enveloppe extérieure, mais pas son âme, ni son coeur, ni sa mémoire. Mais quand on y réfléchit bien, n'est-ce pas le sort commun de tout amour ? Qui, nous dit le livre, peut croire à l'union vraie de deux êtres humains, autrement que par le mensonge et l'illusion ?
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"Je pouvais bien prendre Albertine sur mes genoux, tenir sa tête dans mes mains, je pouvais la caresser, passer longuement mes mains sur elle, mais, comme si j'eusse manié une pierre qui enferme la salure des océans immémoriaux ou le rayon d'une étoile, je sentais que je touchais seulement l'enveloppe close d'un être qui par l'intérieur accédait à l'infini."
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C'est alors que s'amorce le retournement qui fera la matière du Temps Retrouvé : le héros fait ici son éducation sentimentale, apprend la vanité de l'amour, la nécessité d'y renoncer, et élabore peu à peu, par son expérience personnelle, sa théorie générale des êtres et de leurs relations, qui est à l'oeuvre dans le roman qu'il va écrire, à savoir "A la recherche du temps perdu" . Il exprime cela dans des termes empruntés aux derniers vers du Voyage de Baudelaire :
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"Le mensonge, le mensonge parfait, sur les gens que nous connaissons, les relations que nous avons eues avec eux, notre mobile dans telle action formulé par nous d'une façon toute différente, le mensonge sur ce que nous sommes, sur ce que nous aimons, sur ce que nous éprouvons à l'égard de l'être qui nous aime et qui croit nous avoir façonnés semblables à lui parce qu'il nous embrasse toute la journée, ce mensonge-là est une des seules choses au monde qui puisse nous ouvrir des perspectives sur du nouveau, sur de l'inconnu, puisse ouvrir en nous des sens endormis pour la contemplation d'univers que nous n'aurions jamais connus." (Pléiade p. 721)
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Ainsi l'auteur se met-il en scène lui-même, dans son travail de transformation de sa propre souffrance en littérature et en connaissance :
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"[Les mensonges] nous font souffrir dans une personne que nous aimons, et à cause de cela nous permettent d'entrer un peu plus avant dans la connaissance de la nature humaine au lieu de nous contenter de nous jouer à sa surface. le chagrin pénètre en nous et nous force par la curiosité douloureuse à pénétrer. D'où des vérités que nous ne nous sentons pas le droit de cacher, si bien qu'un athée moribond qui les a découvertes, assuré du néant, insoucieux de la gloire, use pourtant ses dernières heures à tâcher de les faire connaître." (Pléiade p. 652)
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Lire Proust, c'est accepter de ralentir, de laisser l'écriture rythmer la lecture, de s'ennuyer avec délectation souvent. Oui, cela requiert un laisser-aller voluptueux et toujours pour moi, l'impression de retrouver une langue familière, « cette patrie perdue » évoquée par l'écrivain, un « voyage » qui permet « d'avoir d'autres yeux de voir l'univers avec les yeux d'un autre, de cent autres, de voir les cent univers que chacun d'eux est ».
Bien sûr, le motif principal de « La prisonnière » c'est l'enfermement, celui d'Albertine d'abord, que le narrateur, ivre de jalousie, impose à son amante dans son appartement parisien. Et c'est celui du narrateur également, captif obsessionnel de cette jalousie, née d'un penchant certain d'Albertine pour les amours gomorrhéennes. le narrateur analyse avec acharnement son désir d'Albertine, autopsie la souffrance provoquée par la suspicion et les doutes, par les mensonges de l'aimée, déchiffre les non-dits et les mots qui trahissent comme autant de preuves des tromperies de la jeune femme. le spectacle de ce jaloux qui va jusqu'à feindre la rupture pour éprouver l'amour d'Albertine est fascinant, souvent irritant et toujours dérangeant.
Pourtant, à mon sens, ce qui est précieux dans ce tome, le cinquième de la « Recherche du Temps perdu » ce sont les réflexions sur l'art du narrateur-écrivain, l'intuition toujours plus prégnante du pouvoir d'évocation propre aux grands artistes. Alors qu'il passe la soirée chez les Verdurin, il entend le septuor du compositeur Vinteuil, et le narrateur vit ce concert comme une révélation (que Proust décrit avec génie). Les émotions ressenties alors constituent pour le narrateur un « étrange appel, qu['il] ne cesser[ait] plus jamais d'entendre – comme la promesse qu'il existât autre chose, réalisable par l'art sans doute, que le néant qu['il] avai[t] trouvé dans tous les plaisirs et dans l'amour même, et que si [s]a vie [lui] semblait si vaine, du moins n'avait-elle pas tout accompli ». Merveilleuse intuition qu'il lui faudra écrire pour composer sa vraie vie, remonter le fil du temps pour le retrouver, revivre par l'écriture tous les matins qui éclairent cette oeuvre magistrale.Si ce tome n'est pas mon préféré ("Du côté de chez Swann" indétrônable), je me suis régalée encore une fois. Et quel plaisir de retrouver le baron de Charlus! Avec l'envie cette fois d'aller jusqu'au bout de cette oeuvre que j'explore depuis 20 ans.
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Des cinq tomes de la Recherche que j'ai déjà lus, voici celui, le cinquième, qui m'a le moins plu.

Alors que Sodome et Gomorrhe s'achevait sur le départ précipité de Balbec du narrateur accompagné d'Albertine, suite à une révélation de cette dernière, La Prisonnière reprend lorsqu'ils sont tous deux installés à Paris chez lui, en l'absence de ses parents. Ainsi commence le cauchemar : si le titre se réfère à Albertine, notre cher narrateur est lui aussi bien prisonnier de son plan pour soustraire son amie aux tentations. Nous voila donc enfermés dans la cage dorée où nos deux personnages se détruisent : Albertine torture le narrateur de ses incessants mensonges tout en suivant à la lettre les règles de leur vie à deux, lui l'oppresse de surveillance tout en la comblant de cadeaux... Bref, on étouffe en même temps qu'eux.

Ce roman est également l'occasion de retrouver le baron de Charlus et Morel, ainsi que les insupportables M. et Mme Verdurin dont la prétention au sujet de leur salon semble empirer de tome en tome.

Quoi qu'il en soit, si je n'ai pas entièrement apprécié ce livre-ci, je dois reconnaitre que Proust y a réussi encore quelques tours de force : le passage où Albertine évoque les glaces est une merveille et l'on rêve avec elle de porter les fameuses robes de Fortuny, tant les descriptions sont superbes !
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Je précisais dans ma critique du premier tome de la Recherche qu'il ne fallait pas faire l'amalgame entre le narrateur et l'auteur. Pourtant, dans ce cinquième tome, La Prisonnière , Marcel Proust s'identifie très fortement au narrateur, allant jusqu'à lui prêter son propre prénom. Mais les conditions d'élaboration de ce tome furent particulières. Très malade, Proust se coupa du monde et passa ses dernières années enfermé dans sa chambre à composer obsessionnellement son grand oeuvre. Cette intensité créative a laissé un récit marqué par de nombreuses contradictions telles que ces personnages annoncés comme morts puis réapparaissant au cours de l'histoire et une tendance à l'identification narrateur/auteur. Comme si cette écriture compulsive lui avait joué des tours au point d'en oublier ses premiers principes de composition. Mais qu'importe, la magie proustienne est toujours là, ses arabesques font toujours grande impression.
De retour de son second séjour estival à Balbec, le narrateur a emporté dans ses malles l'une des jeunes filles en fleurs, Albertine ; qu'il tient presque cloîtré, profitant de l'absence de sa mère retenue pour un long temps à Combray, dans son appartement parisien. Fou de jalousie, il veut à tout prix empêcher toute rencontre possible d'Albertine avec d'improbables prétendants. Même si ses sentiments pour elle ne sont déjà plus ceux qu'ils étaient quand Albertine restait encore une inconnue aperçue sur les plages de Balbec et qu'elle nourrissait les fantasmes d'un narrateur qui n'en manque pas, il exige, rien de moins, qu'elle ne vive et respire que pour lui.
Mais la prisonnière n'est peut-être pas celle que l'on croit. L'amour, nous le savons bien - c'est l'un des grands thèmes de la littérature - s'apparente à un enchaînement, à un servage volontaire. le narrateur s'enferme dans ses craintes et ses névroses, tel Othello devant Desdémone, devenant ainsi prisonnier de ses propres tourments. Celui qui narra auparavant (voir Un amour de Swann) les désillusions de Swann avec Odette de Crécy, rejoue la partition, mais en tant qu'auteur-compositeur.
Ce roman est aussi une sorte d'essai sur le mensonge, qu'il soit amoureux, amical ou mondain ; on n'en a jamais aussi bien parlé.
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Cinquième étape du « Proust Tour ». La relecture de ce volume m'a confirmé dans un certain malaise éprouvé dans les approches passées . La situation décrite ,d'une jeune femme cloîtrée (en grande partie) et soumise à une surveillance constante et qui l'accepte est assez troublante. La jalousie déclinée sous toutes ses formes jusqu'aux plus paranoïaques , les interrogatoires rappelant ceux de l'Inquisition (la torture en moins tout de même) crée chez le lecteur (moi en l'occurrence) une forme d'angoisse que n'effacent ni la subtilité de l'analyse ,ni la beauté de l'expression. En thèmes d'arrière-plan subsistent l'homosexualité (autour de Charlus et des amantes supposées d'Albertine) , la vie des salons (autour des Verdurin)et la réflexion sur l'art (la musique de Vinteuil ,la peinture d'Elstir) . Ve tome contient ce qui est à mon avis l'un des plus beau passages de l'oeuvre : le récit de la mort de Bergotte..
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Le génie de Proust atteint dans La Prisonnière son sommet. La complexité des sentiments du narrateur pour Albertine, sa jalousie, ses peurs, ses mensonges, ses volontés de départ et la nécessité des réconciliations sont décrites avec une profondeur telle que le lecteur se trouve saisi dans la cervelle torturée, maniaque et sensible à l'extrême d'un être perdu à force de chercher à se comprendre. En parallèle, on assiste à la chute terrible de Charlus, assassiné par la bêtise et la fierté imbécile des Verdurin et de Morel, qui pourtant donne à Proust l'occasion de toucher à la perfection dans la description du septuor de Vinteuil, où la musique et la vie s'unissent si profondément dans la phrase sans fin de l'auteur qu'on a l'impression que jamais rien ne se terminera. On sait pourtant qu'Albertine disparaîtra et qu'au moment même où la quitter devenait possible sa disparition sera la plus dure des épreuves. Jamais rien n'est figé chez Proust. Tout est en perpétuel mouvement, en une incessante interrogation sur l'expérience mystérieuse de vivre.
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Le tome 5, ce bloc de 300 pages d'amour obsessif et paranoïaque, et ses effets induits.

Publié en 1923, premier des trois tomes sortis après la mort de Proust, « La prisonnière », tome 5 de « La Recherche », est aussi le seul avec « le temps retrouvé » à ne proposer aucun découpage en chapitres, et ce n'est à mon sens pas du tout anodin, lorsqu'on a pu jauger, au cours des quatre tomes précédents, les rôles extrêmement précis qu'assigne Proust à ces découpages et à leurs alternances de longs rythmes majestueux (les trois chapitres centraux de « Sodome et Gomorrhe », ou le flot irrépressible du dernier chapitre du « Côté de Guermantes », par exemple) et de coups chirurgicaux de poignard (le premier et le dernier chapitre de « Sodome et Gomorrhe », le premier chapitre de la deuxième partie du « Côté de Guermantes », ou encore le dernier chapitre de « du côté de chez Swann »).

Ce n'est pas anodin parce que, sans doute, l'obsession dévorante ne peut pas se découper, se détailler, se désassembler, qu'elle est elle-même flot tumultueux qui emporte tout sur son passage, et que « La prisonnière » est bien le récit, en 300 pages, de l'obsession amoureuse poussée à son paroxysme, la passion paranoïaque du narrateur pour Albertine - et son obsession de la préserver à tout prix de sa tentation des amours lesbiennes - le conduisant rapidement à une quasi-séquestration de son amoureuse dans son logement parisien provisoirement déserté par sa mère, et à son inscription dans un étroit réseau de surveillance par des proches « de confiance ».

Ce cinquième tome constitue par ailleurs une véritable prouesse narrative dans le cadre de l'ensemble de la « Recherche », à un double titre.

D'abord, alors que le narrateur lui-même nous a détaillé (mais en nous masquant la temporalité depuis laquelle il parlait à ce moment-là, il est vrai) les affres de l' « amour de Swann », dans le premier tome, l'auteur peut rééditer l'ensemble du processus en l'amplifiant, en le déployant et en le raffinant, sans que la sensation de « déjà vu » ne dépasse, précisément, le rôle d'enclume qui lui a été fixé, sur laquelle le marteau va pouvoir frapper sans relâche et pour le plus grand bonheur (pervers ?) du lecteur. Un homme averti, définitivement, n'en vaut pas deux, en matière d'amour obsessionnel, en tout cas.

Ensuite, l'ironie jubilatoire qui traverse les quatre premiers tomes, lorsque l'auteur, avec cette cruauté pince-sans-rire qui s'est peu à peu imposée comme une marque de fabrique dans son « attitude » vis-à-vis des personnages, se moquait de tout le monde ou presque, atteint ici un sommet encore inviolé, lorsque le narrateur « âgé », depuis le bout du chemin et le « Temps retrouvé » nous avertit, lecteur, tout au long du volume, que les efforts de Marcel sont vains, que sa confiance en les différents chaperons qu'il utilise auprès d'Albertine est particulièrement mal placée, et qu'au fond, régulièrement, sa paranoïa va se tromper de cible en ce qui concerne les personnes, et va obtenir in fine, comme toute jalousie et comme tout l'indiquait clairement – sauf pour l'aveugle Marcel, au fond de son trou, rivé à ses oeillères – le résultat opposé à celui recherché, qui lui explosera à la figure dans les trente dernières lignes du tome - qui, exceptionnellement dans la « Recherche », enchaînera donc à la minute près avec les premières lignes du suivant, « Albertine disparue ».
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Là, mes amis, j'ai peur. Très peur. Des types bardés de diplômes littéraires ont déjà dit tout plein de choses intelligentes sur A la recherche du temps perdu. Alors j'ai l'air malin. Surtout qu'en plus La prisonnière n'est pas mon favori dans l'aventure de la madeleine perdue...



Les mauvaises langues racontent que Proust ce sont des phrases sans fin, que pendant des pages entières le narrateur épluche ses atermoiements, bref qu'il ne se passe pas grand chose et que c'est d'un ennui total.

Y'a parfois un peu de ça, je l'avoue. Surtout dans ce volume. (Nââân, j'exagère)



Pour ceux qui auraient lâché leur lecture à la page 40 du premier volume, sachez que depuis le narrateur a grandi, a fréquenté le beau monde (Du côté de Guermantes et aussi Sodome et Gomorrhe), et a convaincu la jeune Albertine de venir vivre chez lui dans son appartement parisien délaissé pour un temps par ses parents. La prisonnière aurait dû s'appeler Sodome et Gomorrhe 3, le découpage est d'ailleurs assez artificiel pour toute La recherche... Ne pas s'attendre à des scènes osées, évidemment. le narrateur (appelons le ainsi pour le moment) soupçonne Albertine d'avoir des tendances gomorrhéennes et il est jaloux des femmes qu'elle a pu rencontrer ou qu'elle pourrait voir ou revoir... D'où de longs passages où il épluche ses sentiments, ses stratégies compliquées du style "puisqu'elle accepte de ne pas sortir, c'est que cela ne risquait rien, donc elle peut sortir"... Ce qui ne l'empêche pas de regarder d'autres jeunes filles, de désirer et redouter le départ d'Albertine. Excellemment décrit, évidemment, et le narrateur assume totalement le ridicule éventuel de son attitude.



J'admets donc que ce ne sont pas mes passages favoris, même si brillants et fins.



Ce qui a boosté ma lecture, c'est de savoir que j'allais y retrouver la mort de Bergotte et le petit pan de mur jaune ( ça tient drôlement bien la route, on ne s'en lasse pas), la clan Verdurin (la "Patronne" y est toujours excellente, ceux qui n'aiment pas Proust pourraient bien ne lire que les réceptions chez les Verdurin, on s'amuse vraiment beaucoup), et surtout Charlus, personnage de plus en plus pathétique mais attachant justement, c'est là que Morel le repousse et les Verdurin le virent de leur salon... Et sa sortie grandiose avec la reine de Naples. Quelle classe, cette reine!



J'oubliais Françoise, fidèle au poste et détestant Albertine, et ajoute qu'Oriane de Guermantes, son salon, ses mots et ses vacheries sont quasi absents.Mais je sais que je la retrouverai par la suite.



Voilà, voilà, le résumé, ça c'est fait.



(Au fait, chers z'élèves peut-être égarés ici, sachez que mon objectif principal est de convaincre de lire Proust et que je n'ai pas l'intention d'en faire une étude approfondie. Alors faites comme moi, lisez vous-mêmes. Proust c'est comme le sport, ça se découvre sur le terrain. Seul le narrateur passe ses journées allongé... )



Il n'a pas fallu moins que la lecture de Proust contre la déchéance pour relancer une lecture de A la recherche du temps perdu enlisée depuis trois ans au moins du côté de Sodome et Gomorrhe. Lecture commune avec maggie, merci à elle! Resteront La fugitive et le temps retrouvé, j'espère trouver des co-lecteurs, et j'aurai terminé ma troisième lecture de l'oeuvre. Et dernière, vraisemblablement, même si je n'exclus pas de me délecter de certains passages ultérieurement. Mais n'anticipons pas.



Qu'on aime ou pas, le roman est si fabuleux qu'à chaque lecture on remarque de nouveaux passages et on n'a pas l'impression de relire... Alors, fort égoïstement, je ne vais pas faire une étude de A à Z de la prisonnière, mais déposer ici quelques moments de lecture, qui auraient sans doute été autres avant ou après...



Pour tenter de prouver que la lecture de Proust peut être réjouissante, un premier passage included Madame Verdurin écoutant une oeuvre de Vinteuil (des pages géniales sur l'effet de la musique sur le narrateur, mais bon, j'ai dû sélectionner)(hélas)



"Madame Verdurin ne disait pas 'Vous comprenez que je la connais un peu cette musique, et un peu encore! S'il me fallait exprimer tout ce que je ressens vous n'en auriez pas fini!' Elle ne le disait pas. Mais sa taille droite et immobile, ses yeux sans expression, ses mèches fuyantes le disaient pour elle. Ils disaient aussi son courage, que les musiciens pouvaient y aller, ne pas ménager ses nerfs, qu'elle ne flancherait pas à l'andante, qu'elle ne crierait pas à l'allegro."





http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/a/a2/Vermeer-view-of-delft.jpg/230px-Vermeer-view-of-delft.jpg



La mort de Bergotte (et je vous passe les considérations ironiques de Proust sur les maladies et les médecins...)(le pauvre devait savoir de quoi il parlait...)

"Enfin il fut devant le Ver Meer qu'il se rappelait plus éclatant, plus différent de tout ce qu'il connaissait, mais où, grâce à l'article du critique, il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable était rose, et enfin la précieuse matière du tout petit pan de mur jaune. Ses étourdissements augmentaient; il attachait son regard, comme un enfant à un papillon jaune qu'il veut saisir, au précieux petit pan de mur. 'C'est ainsi que j'aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune.' "





Les robes de Fortuny :

"Ainsi les robes de Fortuny, fidèlement antiques mais puissamment originales, faisaient apparaître comme un décor, avec une plus grande force d'évocation même qu'un décor puisque le décor restait à imaginer, la Venise tout encombrée d'orient où elles auraient été portées, dont elles étaient, mieux qu'une relique dans la châsse de Saint-Marc, évocatrices du soleil et des turbans environnants, la couleur fragmentée, mystérieuse et complémentaire. Tout avait péri de ce temps, mais tout renaissait, évoqué, pour les relier entre elles par la splendeur du paysage et le grouillement de la vie, par le surgissement parcellaire et survivant des étoffes des dogaresses."



"Si (...) je trouvais la duchesse ennuagée dans la brume d'une robe en crêpe de Chine gris, j'acceptais cet aspect que je sentais dû à des causes complexes et qui n'eût pu être changé, je me laissais envahir par l'atmosphère qu'il dégageait, comme la fin de certaines après-midi ouatée en gris perle par un brouillard vaporeux; si au contraire cette robe de chambre était chinoise avec des flammes jaunes et rouges, je la regardais comme un couchant qui s'allume; ces toilettes n'étaient pas un décor quelconque remplaçable à volonté, mais une réalité donnée et poétique comme est celle du temps qu'il fait, comme est la lumière spéciale à une certaine heure."



Pour en prendre plein les yeux, et plus de détails encore, voir ici.



L'hommage à Swann http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/d0/Tissot_Cercle_Detail.jpg

"Et pourtant, cher Charles Swann, que j'ai si peu connu quand j'étais encore si jeune et vous si près du tombeau, c'est déjà parce que celui que vous deviez considérer comme un petit imbécile a fait de vous le héros d'un de ses romans, qu'on recommence à parler de vous et que peut-être vous vivrez. Si dans le tableau de Tissot représentant le balcon du Cercle de la Rue Royale, où vous êtes entre Gallifet, Edmond de Polignac et Saint-Maurice, on parle tant de vous, c'est parce qu'on voit qu'il y a quelques traits de vous dans le personnage de Swann.



Balcon du Cercle de la Rue Royale, Jame Tissot, 1868



Et Marcel? Puique Marcel il y a quand même...

"Mon chéri et cher Marcel, j'arrive moins vite que ce cycliste dont je voudrais bien prendre la bécane pour être plus tôt près de vous. (...) Toute à vous, ton Albertine."



"Cette habitude vieille de tant d'années, de l'ajournement perpétuel, de ce que M. de Charlus flétrissait sous le nom de procrastination" laissent ses projets au point mort, mais les aubépines et les pommiers en fleurs, la madeleine, tout cela revient au fil du roman, et lui rappellent son désir d'être un artiste.



"En abandonnant en fait cette ambition avais-je renoncé à quelque chose de réel? La vie pouvait-elle me consoler de l'art, y avait-il dans l'art une réalité plus profonde où notre personnalité véritable trouve une expression que ne lui donnent pas les actions de la vie?"




Lien : http://en-lisant-en-voyagean..
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Dans ce volume, la prisonnière c'est Albertine. Malgré tout ce qu'elle a pu caché je l'ai plainte du début à la fin.
Qu'on ne me dise pas qu'il est question d'amour quand un homme fait escorter celle qu'il aime par Andrée, son amie, qui lui fait au retour de chaque sortie un compte-rendu détaillé. Où sont-elles allées ? Qui Albertine a-t-elle rencontré ?
Le narrateur, on sait enfin qu'il se nomme Marcel ( car son prénom est cité ici pour la première fois ), pense d'Albertine qu'elle a des désirs pervers, mais qui est le plus pervers des deux sinon lui ? Un homme qui se sert du corps de son amie, de sa présence, de son sommeil, pour atteindre l'apaisement sans tenir compte des sentiments de la jeune fille. Il est souvent indifférent, voire méprisant. Il l'attend impatiemment, s'imaginant à longueur de journées où il reste enfermé chez lui, s'emprisonnant lui-même, où elle peut être, ce qu'elle fait et avec qui. Plus il est jaloux moins il a envie de la quitter car il l'aime uniquement dans la jalousie, la tristesse et la souffrance. Enfin l'aimer, ce n'est pas le terme exact quant à ce qu'il ressent pour elle. La jalousie associée à la possession ne font pas bon ménage avec l'amour. Il ne supporte pas que la jeune fille puisse lui échapper et ne pas lui appartenir corps et âme. Il voudrait entrer en rivalité avec les amant(e)s d'Albertine, la leur arracher et sortir vainqueur du combat.
Cependant quand Albertine reprend une attitude soumise et plus ou moins tendre elle ne l'intéresse plus, elle l'ennuie. C'est dans ces moments qu'il aimerait rompre définitivement. D'ailleurs il fait preuve d'un certain sadisme en lui disant que tout est fini, qu'il faut en arrêter là, qu'elle doit partir et ne plus chercher à le revoir, jamais. Et il espère au final une réconciliation sur l'oreiller après lui avoir fait peur et que ça lui aura servi de leçon.

Cette relation entre eux ça ressemble à tout sauf à de l'amour. L'amour, inutile de dire qu'il est fait de passion, de tendresse profonde, de douceur, de partage, et surtout de confiance.
Le narrateur a tout du pervers manipulateur. Voilà c'est dit... Il ne la frapperait pas mais ses mots sont méchants, ses questions et ses accusations sont assassines. Même si Albertine a menti, même si elle a réussi à le tromper pendant son séjour où elle vit avec Marcel dans l'appartement familial déserté des parents, je serais tentée de dire que c'est bien fait pour lui, qu'il n'aurait que ce qu'il mérite en retour de ce qu'il lui fait subir quotidiennement, allant pousser le bouchon un peu trop loin en cherchant par tous les moyens à l'empêcher de se rendre où elle veut, seule ou accompagnée de lui, pour qu'elle ne rencontre pas ses anciennes amies.

A la recherche du temps perdu, tome 5 : La Prisonnière est tel un huis-clos étouffant. Marcel Proust développe la jalousie du narrateur qui livre ses états d'âme du début à la fin du récit.
Et à vrai dire ça m'a exaspérée de le voir obnubilé par Albertine jusqu'à chercher les plus petits indices de sa tromperie, vouloir en faire une femme-objet façonnée de ses mains à sa disposition, surveillant ses moindres faits, gestes et paroles. Pour lui elle a tous les vices, elle est menteuse, dit tout et son contraire. Mais il pense l'aimer à sa manière tout en enrageant de ne pas la posséder complètement car s'il dispose de son corps il n'a pas accès à ses pensées, à ses secrets.

Mis à part le couple Albertine/Marcel qui bat de l'aile, Mme Verdurin s'est chargée de détruire celui de Charlus avec Morel à l'issue d'un soirée où M. de Charlus a récolté tous les honneurs en mettant avec ses invités la Patronne de côté. Vexée, humiliée, elle décide de se venger sans attendre. Ses propos mensongers et diffamatoires font mouche et Mme Verdurin  arrive à retourner Morel contre Charlus qui, assommé, voit son bonheur s'effondrer.

Un volume au récit assez complexe de par les réflexions contradictoires du narrateur que je n'ai aucune envie d'appeler par son prénom parce que décidément je ne me sens pas du tout proche de lui, n'arrive pas à lui trouver d'excuses quant à son comportement envers Albertine. Il aurait dû partir de Balbec seul, la laisser mener une vie libre et quant à lui partir à Venise comme il en rêvait et s'y faire de nouvelles relations charnelles et éphèméres.

Ce cinquième tome fini nous laisse avec l'image de malles remplies et d'une hirondelle qui vient de s'envoler, laissant le narrateur seul avec sa conscience. Je ne suis d'ailleurs pas mécontente qu'elle l'ait quitté de sa propre initiative avant qu'il n'ait eu le plaisir de lui demander en premier de s'en aller. Bref il récolte le résultat logique de sa jalousie maladive et de sa possessivité.
Et elle, l'aimait-elle un peu ? Qu'attendait-elle de lui ? Des questions restent sans réponses. Voyant son amour sans réciprocité ou la rupture proche, ou les deux, ou un avenir commun avec un semblant de vie conjugale en restant prisonnière de lui et de sa jalousie morbide, tous ces paramètres ont certainement pesé dans la balance pour qu'elle le quitte aussi subitement.
Certainement qu'Albertine ( sans la rendre noire comme du charbon comme le fait le narrateur ) a des choses à se reprocher, et peu importe, on l'apprendra bien assez tôt, mais là le calvaire a assez duré pour elle. Il aurait dû se douter qu'une jeune fille qui était gaie et libre comme l'air iodé de Balbec finirait par devenir triste et par s'étioler comme une fleur en manque d'eau avec pour seul compagnon un jeune homme rigide, soupçonneux et morose flanqué d'une servante qui en plus la déteste, voyant en elle une enjôleuse et une intrigante, ayant prévenu le jeune homme " qu'elle lui ferait du chagrin ". du chagrin qu'il sait se provoquer lui-même. 
Les voilà tout deux libérés du piège mental qui les enfermaient dans une relation malsaine.
La liberté retrouvée pour Albertine qui pourra aller papillonner dans d'autres lieux et son malheureux compagnon qui peut-être s'apercevra de ses erreurs, peut-être même qu'elle lui manquera et qu'il réalisera qu'il l'aimait vraiment, mais trop tard pour lui. Je crains le pire dans le volume suivant vu qu'on va certainement le retrouver en train de faire son Calimero. A suivre donc...
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La prisonnière (1923) est le cinquième tome de la recherche du temps perdu, l'oeuvre majeure de Marcel Proust. Des mensonges d'Albertine et de la jalousie du narrateur. Cet opus est entièrement consacré à Albertine qui est loin d'être le personnage le plus intéressant. Inutile de s'appesantir sur un classique, a fortiori sur un chef-d'oeuvre, mêlant, non sans une pointe d'humour, mélancolie et ironie.
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