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Siméon Pease Cheney est le premier compositeur à avoir enregistré les oiseaux et autres bruits discrets de son jardin au cours des années 1860-1880. du clapotis de l'eau dans l'arrosoir au son des feuilles mortes qui craquent, tout est un hommage bucolique que le musicien rend à la femme qu'il aime, disparue lors de son accouchement. Quignard se plaît ici à mettre en scène ces années bercées entre poésie et douleur pour nous faire découvrir le révérend Siméon Pease Cheney et la musicalité de toute chose. Dans la continuité de son roman Tous les matins du monde, l'écrivain nous offre une seconde fois une belle ode à la musique.
J'ai été embarquée dans ce livre comme dans une barque voguant sur l'eau calme. Hybride, il mêle le théâtre et le roman donnant une atmosphère particulière à l'oeuvre. Les codes théâtraux accentuent le dramatique des personnages et les codes romanesques donnent au texte le contemplatif bucolique. Un mélange sublime qui nous projette au coeur d'un huit clos où le révérend Cheney exprime ses sentiments les plus profonds tout en nous transmettant sa pensée : chaque objet à sa musicalité, il suffit de savoir tendre l'oreille. Ce n'est clairement pas un roman à intrigue, mais une superposition de scènes de « vie ». le personnage nous ramène aux émotions les plus déchirantes de l'être humain à travers la mort, le déni, le deuil ou la folie mais surtout, un cri de détresse face à la perte de l'être aimé. Comme souvent avec Quignard, nous avons l'impression d'entrer dans un temps qui n'est pas le nôtre tant par la situation que par l'écriture, et cette particularité me plaît toujours plus à chaque fois que je commence une nouvelle lecture de cet auteur. Au fond, sa thèse selon laquelle chaque objet, aussi inanimé soit-il, à sa musicalité se valide. Que ferions-nous si le bruit de la nature nous devenait indistinct ?
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La Feuille Volante n° 1168
Dans ce jardin qu'on aimaitPascal Quignard – Grasset .

C'est un roman étonnant que nous offre Pascal Quignard, étonnant et déroutant. Dans la préface, il nous présente le révérend Simeon Cheney, un pasteur vivant dans l'état de New York, dans un presbytère isolé et qui a, de 1860 à 1880, noté tous les chants d'oiseaux qu'il avait entendus dans le jardin de sa cure, mais aussi tous les bruits qu'il percevait, des gouttes qui s'écoulent sur le pavé d'une cour, le bruit que fait le vent d'hiver qui s'engouffre dans les pèlerines suspendues à un portemanteaux. Cette technique sera reprise plus tard par Dvorák et Olivier Messiaen.
L'auteur mêle au texte une sorte de pièce de théâtre où le lecteur apprend qu'Eva, l'épouse du révérend est morte en couches à l'âge de 24 ans en donnant naissance à Rosemund, sa fille unique. Or il adorait sa femme mais son mariage a été éphémère et il ne s'est pas remarié. Sa fille a maintenant 28 ans et Siméon la congédie pour ne pas la voir vieillir parce qu'elle ressemble trop à sa mère. C'est un geste étonnant puisque rien dans l'attitude de sa fille ne motive cette exclusion de la maison. C'est très judéo-chrétien que de vouloir se culpabiliser soi-même ou accuser les autres, surtout que dans son cas Simon, lors de l'accouchement, a préféré sacrifier la vie de la mère. Son père est-il devenu fou ou lui reproche-t-il de vivre alors que sa mère est morte en la mettant au monde ? Siméon est tellement révolté par l'injustice qui le frappe qu'il en conçoit une sorte de haine pour sa fille, prétendant ne l'avoir jamais aimée, ne pas avoir voulu qu'elle naisse ; il reproche même à sa fille ses cris de nourrisson après la mort de sa femme. Rosemund part donc et tente de se marier, mais en vain. Elle reviendra auprès de son père pour ses dernières années.
Ce que je retiens, le livre refermé, c'est d'abord la langue de Pascal Quignard, toujours aussi pure et poétique. Ce texte, comme bien d'autres, est un bon moment de lecture. Je note également que le pasteur Simeon est un homme d'église mais qui, dans son malheur et dans son deuil, ne trouve pas de consolation en Dieu qu'il a pourtant choisi de servir. Il n'y a pas dans sa bouche la moindre prière pour le repos de l'âme d'Eva qu'il croit revoir en hallucination ou en rêve, il n'y a pas d'allusion à la résurrection des morts ni à la vie éternelle qui sont pourtant des arguments chrétiens. Seul le silence lourd de la mort s'étend sur la vie du révérend et quand son tour viendra il ne laissera pas Dieu accompagner son trépas. Il finira même par négliger son ministère et ses fidèles. Il ne trouvera un apaisement que dans la nature, dans le chant des oiseaux de son jardin qu'il note et en conçoit un livre qu'il tente vainement de faire publier. Là aussi Dieu est absent de sa démarche et il ne se tourne pas vers lui pour adoucir la douleur qu'il ressent à chaque refus. C'est un peu comme si, ayant volé, en le transcrivant, le chant des oiseaux, il était puni, comme l'ont été Adam et Eve, exclus du Paradis. Tout au plus rattache-t-il son travail à l'oeuvre divine en prétextant que les oiseaux n'ont pas, eux, été bannis du Jardin d'Éden, mais cela paraît un peu artificiel. Ce travail, qui est celui de sa vie, il n'en verra pas la publication de son vivant et sa fille s'attachera, comme un honneur qu'elle rend à la mémoire de son père, à le publier à ses frais. C'est un peu comme si le malheur s'était attaché aux pas de cet homme pendant toute sa vie, comme une malédiction.
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Curieux objet littéraire que celui-ci. Texte de théâtre ? (Je suis peu familière du théâtre contemporain) Poésie en prose ? Biographie théâtralisée ? le tout, certainement, en un objet littéraire étonnant. Il faut s'approprier cette forme étonnante. J'ai apprécié la partie la plus poétique, tous les passages qui évoquent la nature et la musique. C'est d'ailleurs pour cette raison que la lecture de cette ouvrage m'intéressait puisque révérend Simeon Pease Cheney a noté, pendant vingt ans, les sons de la nature qu'il entendait, dans le jardin qu'avait aménagé sa femme Eva, trop tôt disparue.
Cependant, ces passages sont trop bref, et l'essentiel de la première partie du livre est consacré au rejet par le révérant de sa fille unique Rosamund. Les causes ? Elle est le portrait de sa mère morte. Elle est vivante alors que sa mère est morte en la mettant au monde. Simeon chasse donc sa fille unique, qu'il n'est jamais vraiment parvenu à aimer, pour ces raisons, pour ne se consacrer qu'au souvenir de son amour défunt. Oui, cela m'a mis très mal à l'aise. Même si l'amour que je porte à des personnes décédées est fort (et leur mort n'y change rien), j'ai vraiment du mal avec les personnes qui font passer les morts avant les vivants.
Rosamund reviendra pourtant, régulièrement, prendre soin de son père vieillissant. le récitant ponctue les différentes scènes et jeux de scène (parfois difficilement compatible avec une scène de théâtre), devenant parfois plus narrateur que récitant.
Dans ce jardin qu'on aimait contient de belles pages, qui ne sont pas assez nombreuses à mes yeux.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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C'est le premier livre de P.Quignard que je lis. J'ai bien aimé même si j'ai trouvé cette relation père-fille triste et cruelle. Un tout petit livre très bien écrit.
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Pascal Quignard se propose de retracer une part de l'existence du Révérend Simeon Pease Cheney, pasteur de Geneseo (USA), qui nota toute sa vie, sous forme de portées musicales, les bruits de la nature et notamment les chants d'oiseaux, bien avant d'autres musiciens comme Messiaen, par exemple.
S.P. Cheney vivait au mileu du XIXème siècle avec sa fille, née d'une femme morte en couches à l'âge de vingt-quatre ans. C'est dans ce fameux jardin que le révérend va puiser ses sources d'inspiration, les oiseaux bien sûr, mais aussi « il note jusqu'aux gouttes de l'arrivée d'eau mal fermée dans l'arrosoir sur le pavé de sa cour. »
P. Quignard présente le pasteur et sa fille dans leur intérieur entre 1860 et 1880, sous forme de pièce de théâtre avec un récitant servant parfois la narration. le style , comme souvent chez Quignard, est poétique, enlevé, profondément philosophique, incite à la réflexion et à la contemplation. Comme il le précise en « avertissement », ce n'est pas la première fois qu'il s'intéresse à un musicien disparu en imaginant les fragments de sa vie, qui plus est un musicien veuf qui revoit à travers sa musique, le fantôme de sa défunte femme. Les analogies avec « Tous les matins du monde » sont évidentes : femme morte jeune qui apparaît comme une muse qu'on a appelée, délaissement des enfants devenus des guignes, obsession des saisons – de l'hiver surtout- et refuge dans la musique.

« Quand on perd brutalement celle qu'on aime, on se tait.
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.Quel étrange et envoûtant objet littéraire ! A la fois poème, récit , pièce de théâtre il évoque pour nous un amour fou celui du révérend Cheney pour sa femme morte en couches . Un amour , si violent ,si résistant à la perte qu'il pousse cet homme au rejet de sa fille et vers l'entreprise folle de traduire en musique le chant des oiseaux puis le murmure même de la nature , dans ce jardin où ils s'aimèrent et qu'il transforme en ermitage . On ne peut qu'évoquer le Sainte-Colombe de « Tous les matins du monde » dans ce parcours qui mêle amour et aventure artistique extrême. le lien se fait aussi par l'écriture exigeante de Quignard qui redonne son sens au mot littérature.
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Un révérend, hanté par la mort de sa femme, se met à noter le chant du monde. Nait une oeuvre musicale originale. Toutefois, cette annonce faite au monde des hommes ne trouve pas d'écho dans cette Amérique de la fin du XIX° siècle. Au fil des refus et des rancoeurs, Simeon Pease Cheney entame l'évocation d'une morte et creuse sa douleur au fil d'un dialogue avec sa fille, oubliée et effacée par la figure de l'épouse. Deux douleurs et deux fascinations se font face, s'épaulent et s'opposent.

Dans un mélange de récit et de théâtre, Quignard fait sonner les mélodies brusques et poétiques de deux solitudes qui n'arrivent pas à s'abolir.
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« Ce jardin qu'on aimait » était toute sa courte vie. Eva Rosalba Vance Cheney, que son mari, le révérend Simeon Pease Cheney ne peut chasser de sa mémoire. Elle est morte, juste après avoir mis au monde leur fille, Rosemund.

Cet homme sera le premier compositeur à avoir noté (notes musicales) les sons du jardin de la cure ; répertoriant ainsi tous les chants des oiseaux. Aussi le bruit des gouttes qui s'échappent du robinet et qui éclatent dans l'arrosoir à moitié plein ou encore la sonorité du souffle dans les vêtements pendus au portemanteau du corridor.

Pour la nature, cet homme d'église avait délaissé Dieu.

Saint homme. Saint homme qui chassa sa fille arrivée à vingt-huit ans avec des mots très durs. Il la chasse parce qu'il ne supporte pas sa beauté, supérieure à la ressemblante beauté d'Éva. Il la chasse parce qu'elle est morte à cause d'elle en naissant et tuant sa mère. Elle n'emporte que sa valise, un oiseau blessé dans sa cage (un symbole) et les bijoux de sa prime enfance (naissance, baptême, communion).
Mais Rosemund, il l'aime il finira par lui prouver et aura un geste pour elle qui sera à n'en point douter une libération pour lui.

Ne suis-je pas en train de prendre le risque de vous en dire trop ? Une bonne partie constitue la quatrième de couverture. Cette quatrième ne parle pas de la poésie des textes de Pascal Quignard. Sous sa plume toute est douceur ; caresse des mots ; magie des phrases. Est-ce un roman ? Est-ce pièce théâtrale ? Une poésie ? C'est tout cela à la fois. Son écriture ressemblance à son phrasé. Écouter parler Pascal Quignard c'est écouter la nature, c'est se laisser porter par les mots qui sortent de sa bouche.

« Tous les matins du matins du Monde ». Souvenez-vous. Rares sont les personnes qui avaient pas entendu jouer de la « viole de Gambe » pour la première fois lorsqu'Alain Corneau en fit un film. Monsieur de Sainte Colombe, Marin Marais qui entraient, inconnus, dans notre univers. Depuis l'engouement pour cet instrument méconnu est retombé mais nous savons, malgré nous, qu'il existe. C'est là toute la magie de Pascal Quignard : nous amener en douceur à la découverte.
Ce jardin qu'on aimait nous rappelle tant ces matins du Monde « Monsieur de Sainte Colombe ne se consola pas de la mort de son épouse. Il l'aimait. C'est à cette occasion qu'il composa le Tombeau des regrets. ».

Pascal Quignard ressemble à ses livres ou, plus exactement, ses livres lui ressemblent, ses personnages ont sa sagesse et sa voix.
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C'est la première fois que je lis un livre de Pascal Quignard, auteur pourtant célèbre de Tous les matins du monde, et prix Goncourt 2002 pour les Omres errantes.

Dans ce jardin qu'on aimait tant n'est pas un roman, plutôt une pièce de théâtre avec des didascalies particulières, permettant d'imaginer le contenu du livre sur scène.

L'accroche de ce livre est qu'il met en avant le révérend Simeon Pease Cheney, passionné par les sons du quotidien (chants des oiseaux, goutte d'eau dans un seau, bruit de la gouttière etc.) qu'il a retranscrit en note de musique.
Intéressant! Sauf qu'en réalité, dans ce roman, on ne parle pas beaucoup de la musicalité et des sons. le sujet principale est l'amour inconditionnel, passionnée et unique du révérend à sa défunte épouse, morte en couche. Amour presque malsain, car il rejette sa fille, celle qui a tué son amour.

Ce qu'il en ressort c'est que la fille du révérend, Rosamund, a eu un père assez absent, qui se moquait de son existence, et pourtant elle a tout fait pour que le seul livre de son père soit publié. L'amour filiale regorge de secret.

Un livre assez particulier, de par sa forme et son sujet, assez triste, déprimant, mais à la fois beau et poétique. C'est très étrange. Une fois en main, il m'a été assez difficile de le lâcher.

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La prose poétique de Pascal Quignard et son exploration des émotions humaines avec cette profondeur et cette sensibilité particulières ne font pas tout.
J'ai eu quelque mal à lire ce livre par certains aspects du récit, notamment le comportement du père envers sa fille, quelque peu dérangeant.
Le récit porte principalement sur l'obsession de cet homme qui ne parvient pas à oublier son amour et non pas sur son oeuvre musicale ce qui m'a un peu déçu.
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