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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Texte hybride, alliant théâtre et récit, écriture sublime.

C'est Peau d'âne dans une version moins féérique : un père chasse sa fille unique, lorsqu'elle atteint l'âge de sa mère à son décès, en suite de couches. La jeune femme est une image en miroir de ce que fut sa mère et la souffrance est trop profonde pour l'homme.

C'est en reclus qu'il va se consacrer à une tâche pour le moins originale : transcrire en musique les sons du jardin, de ce jardin qui fut celui de son épouse. Immortaliser les sons quand le visage aimé n'est plus visible et chasser l'incarnation de l'aimée qui redonne vie à la défunte et détruit le souvenir volontairement figé.

C'est un texte profondément poétique, lent ,lourd des chagrins portés, simple dans sa forme et complexe dans ses émotions, alternant des dialogues de théâtre et un récit. Et le résultat est une musique qui se substitue à celle que l'auteur évoque et que l‘on entend pas, celle que le révérend tente de capturer dans son décor, pour combler le vide d'une absence mortifère.


Le texte est court et c'est tant mieux car un développement plus étoffé sur le même mode eut constitué un risque de décourager le lecteur.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Pascal Quignard est un écrivain français né en 1948. Il a reçu le prix Goncourt en 2002 pour son roman « Les ombres errantes ». Après avoir écrit « Tous les matins du monde » qui a enchanté les lecteurs et relancé la musique baroque auprès d'un public qui ne l'avait guère fréquentée, grâce à l'adaptation cinématographique, il relate un autre musicien du XIXème siècle : le pasteur Simeon Pease Cheney.
Ce dernier meurt en 1889 après avoir vécu dans un presbytère avec sa fille dans l'Etat de New-York. Sa particularité est de transposer le chant des oiseaux en partitions grâce à une oreille absolue lui permettant de décrypter les sons tel que le vent qui s'engouffre autour du presbytère, dans les feuillages du jardin de sa cure.
Son épouse défunte avait fait de ce lieu un émerveillement, une embellie de ses mains laissant des souvenirs enchantés. le compositeur ne vit que pour ces oiseaux et leurs chants et reste obsédé par le souvenir de sa conjointe éteinte. Rien ne peut le distraire de sa passion même pas son propre enfant.
Un récit à trois voix, celle du narrateur, du pasteur et celle de sa fille Rosemund, est mis en scène comme une pièce de théâtre au scénario très explicite.
Cette forme scénarique de l'écrit m'a beaucoup plu. le talent de Pascal Quignard nous donne à ressentir l'ambiance monotone, l'atmosphère pesante, les sons et surtout les silences qui ont animé une vie austère et linéaire.
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Siméon Pease Cheney est le premier compositeur à avoir enregistré les oiseaux et autres bruits discrets de son jardin au cours des années 1860-1880. du clapotis de l'eau dans l'arrosoir au son des feuilles mortes qui craquent, tout est un hommage bucolique que le musicien rend à la femme qu'il aime, disparue lors de son accouchement. Quignard se plaît ici à mettre en scène ces années bercées entre poésie et douleur pour nous faire découvrir le révérend Siméon Pease Cheney et la musicalité de toute chose. Dans la continuité de son roman Tous les matins du monde, l'écrivain nous offre une seconde fois une belle ode à la musique.
J'ai été embarquée dans ce livre comme dans une barque voguant sur l'eau calme. Hybride, il mêle le théâtre et le roman donnant une atmosphère particulière à l'oeuvre. Les codes théâtraux accentuent le dramatique des personnages et les codes romanesques donnent au texte le contemplatif bucolique. Un mélange sublime qui nous projette au coeur d'un huit clos où le révérend Cheney exprime ses sentiments les plus profonds tout en nous transmettant sa pensée : chaque objet à sa musicalité, il suffit de savoir tendre l'oreille. Ce n'est clairement pas un roman à intrigue, mais une superposition de scènes de « vie ». le personnage nous ramène aux émotions les plus déchirantes de l'être humain à travers la mort, le déni, le deuil ou la folie mais surtout, un cri de détresse face à la perte de l'être aimé. Comme souvent avec Quignard, nous avons l'impression d'entrer dans un temps qui n'est pas le nôtre tant par la situation que par l'écriture, et cette particularité me plaît toujours plus à chaque fois que je commence une nouvelle lecture de cet auteur. Au fond, sa thèse selon laquelle chaque objet, aussi inanimé soit-il, à sa musicalité se valide. Que ferions-nous si le bruit de la nature nous devenait indistinct ?
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La Feuille Volante n° 1168
Dans ce jardin qu'on aimait – Pascal Quignard – Grasset .

C'est un roman étonnant que nous offre Pascal Quignard, étonnant et déroutant. Dans la préface, il nous présente le révérend Simeon Cheney, un pasteur vivant dans l'état de New York, dans un presbytère isolé et qui a, de 1860 à 1880, noté tous les chants d'oiseaux qu'il avait entendus dans le jardin de sa cure, mais aussi tous les bruits qu'il percevait, des gouttes qui s'écoulent sur le pavé d'une cour, le bruit que fait le vent d'hiver qui s'engouffre dans les pèlerines suspendues à un portemanteaux. Cette technique sera reprise plus tard par Dvorák et Olivier Messiaen.
L'auteur mêle au texte une sorte de pièce de théâtre où le lecteur apprend qu'Eva, l'épouse du révérend est morte en couches à l'âge de 24 ans en donnant naissance à Rosemund, sa fille unique. Or il adorait sa femme mais son mariage a été éphémère et il ne s'est pas remarié. Sa fille a maintenant 28 ans et Siméon la congédie pour ne pas la voir vieillir parce qu'elle ressemble trop à sa mère. C'est un geste étonnant puisque rien dans l'attitude de sa fille ne motive cette exclusion de la maison. C'est très judéo-chrétien que de vouloir se culpabiliser soi-même ou accuser les autres, surtout que dans son cas Simon, lors de l'accouchement, a préféré sacrifier la vie de la mère. Son père est-il devenu fou ou lui reproche-t-il de vivre alors que sa mère est morte en la mettant au monde ? Siméon est tellement révolté par l'injustice qui le frappe qu'il en conçoit une sorte de haine pour sa fille, prétendant ne l'avoir jamais aimée, ne pas avoir voulu qu'elle naisse ; il reproche même à sa fille ses cris de nourrisson après la mort de sa femme. Rosemund part donc et tente de se marier, mais en vain. Elle reviendra auprès de son père pour ses dernières années.
Ce que je retiens, le livre refermé, c'est d'abord la langue de Pascal Quignard, toujours aussi pure et poétique. Ce texte, comme bien d'autres, est un bon moment de lecture. Je note également que le pasteur Simeon est un homme d'église mais qui, dans son malheur et dans son deuil, ne trouve pas de consolation en Dieu qu'il a pourtant choisi de servir. Il n'y a pas dans sa bouche la moindre prière pour le repos de l'âme d'Eva qu'il croit revoir en hallucination ou en rêve, il n'y a pas d'allusion à la résurrection des morts ni à la vie éternelle qui sont pourtant des arguments chrétiens. Seul le silence lourd de la mort s'étend sur la vie du révérend et quand son tour viendra il ne laissera pas Dieu accompagner son trépas. Il finira même par négliger son ministère et ses fidèles. Il ne trouvera un apaisement que dans la nature, dans le chant des oiseaux de son jardin qu'il note et en conçoit un livre qu'il tente vainement de faire publier. Là aussi Dieu est absent de sa démarche et il ne se tourne pas vers lui pour adoucir la douleur qu'il ressent à chaque refus. C'est un peu comme si, ayant volé, en le transcrivant, le chant des oiseaux, il était puni, comme l'ont été Adam et Eve, exclus du Paradis. Tout au plus rattache-t-il son travail à l'oeuvre divine en prétextant que les oiseaux n'ont pas, eux, été bannis du Jardin d'Éden, mais cela paraît un peu artificiel. Ce travail, qui est celui de sa vie, il n'en verra pas la publication de son vivant et sa fille s'attachera, comme un honneur qu'elle rend à la mémoire de son père, à le publier à ses frais. C'est un peu comme si le malheur s'était attaché aux pas de cet homme pendant toute sa vie, comme une malédiction.
© Hervé GAUTIER – Août 2017. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Un révérend, hanté par la mort de sa femme, se met à noter le chant du monde. Nait une oeuvre musicale originale. Toutefois, cette annonce faite au monde des hommes ne trouve pas d'écho dans cette Amérique de la fin du XIX° siècle. Au fil des refus et des rancoeurs, Simeon Pease Cheney entame l'évocation d'une morte et creuse sa douleur au fil d'un dialogue avec sa fille, oubliée et effacée par la figure de l'épouse. Deux douleurs et deux fascinations se font face, s'épaulent et s'opposent.

Dans un mélange de récit et de théâtre, Quignard fait sonner les mélodies brusques et poétiques de deux solitudes qui n'arrivent pas à s'abolir.
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Etrange écriture, entre poème et théâtre. Entre roman et essai. Cette obsession de l'amante disparue évoque "Tous les matins du monde" du même Quignard, bien sûr. Une peinture de la relation père-fille construite sur cette absence : remords, reproches, confusion de sentiments complexes. Enfin, l'oeuvre exigeante et sans reconnaissance de cet homme, le révérend Simeon Pease Cheney. Une musique qui avance au rythme de la nature et de ses saisons...
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Ayant pénétré, cette année 2017, dans le jardin presbytérien, sonore et poétique, d'un certain Simeon Peace Cheney -ceci par la grâce de Pascal Quignard et des éditions Grasset -moi, attachée à cette retransmission sur partition du chant des oiseaux, des gouttelettes tombantes et du murmure du vent dans la porte d'entrée qui fait frissonner tout habit accroché à sa patère, je me suis tu un moment - le moment nécessaire, tantôt sous la mémoire de Simeon Peace, tantôt sur la note de sa fille, tantôt sur les propos d'un narrateur anonyme dont le propos retint mon vertige.
Une belle découverte, chaude en sa poétique, mais sobre et sombre car les notes et les chants retranscrits du jardin s'effacent au profit du souvenir de la femme aimée qui hante ces lieux.
Il y a donc ici quelque tristesse, quelque souvenir assombrissant une plage où je pensais juste pouvoir entendre une nature entière livrant ses secrets à un créateur entièrement livré aux sons d'un jardin de paix.
Mais ce fut faire abstraction de la disparition précoce de l'aimée.

Heureusement que Dvorak est passé par ce jardin, ayant décrypté les notes de cet inconnu qui transcrivit jusqu'aux sons particuliers que faisait "le portemanteau du corridor quand le vent s'engouffrait dans les trench-coats et les pèlerines l'hiver".

Je vous invite à entendre, car c'est plus que complémentaire (c'est adhérant) Dvorak qui s'inspira de ces sons de jardin pour composer son Quatuor à cordes n°12 en fa majeur.
Ici : https://www.youtube.com/watch?v=1DP2_rjhtW0&feature=youtu.be


Lien : https://www.facebook.com/gro..
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