Comment rendre compte d'une réalité ? de celle qui devrait être tangible, brute ; littéralement attrapable lorsqu'elle se lit ?
Nathalie Quintane s'en questionne, y travaille toujours avec une même minutie. Faisant suite au récit d'
Un oeil en moins,
Les enfants vont bien restitue, sans fioritures aucunes, des centaines de fragments, morceaux choisis de quelque déclaration politicienne, d'un texte de loi, d'un courrier administratif et, parfois, de ce qu'on imagine être un communiqué, la parole d'une association caritative. A chaque page, son caractère propre, à chaque voix sa typographie et ce, autour d'un même thème : la précarité du statut des réfugié·es en France.
Il en résulte un OLNI (Objet Littéraire Non Identifié), au premier abord, d'une froideur clinique – et pourtant ! cette succession de bribes semble diffuser les ondes d'une radio dédaignée, d'où s'émaille par ses manques, ses maladresses, sa solennité quelque vérité qui, bien que communément admise, retient soudain une attention, une oreille neuve dans cette écriture dépouillée qui la valorise. S'entend dès lors, phrase après phrase, la redondance comme l'hypocrisie de nombreux discours officiels sur la question migratoire ; mais aussi la détermination, la solidarité dont font quotidiennement preuve les personnes conscientisées, en dépit de la léthargie ambiante.
Un livre-objet inclassable, d'un militantisme surprenamment poétique dans son exercice de style, tout autant qu'une incitation à s'interroger sur les subtiles ramifications du langage.