Avec Marilú Marini, on apprend à mieux comprendre de quelle pâte les acteurs sont modelés et sculptent leurs personnages
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À quel pays appartient-elle ? À une journaliste argentine qui lui posait la question, elle répondit, avec une gouaille enjouée pas éloignée, mais en plus doux, de celle d’Arletty, et dans un tout autre contexte : « La scène est ma patrie ».
Autour de Marilú Marini gravite une constellation d’artistes, français et argentins, je ne dirais par de 7 à 77 ans, mais presque. Une constellation dont elle est l’étoile toujours amusée. Car il ne faut pas compter sur elle, le temps passant – elle est née en 1940 – pour attiédir l’irrévérence nécessaire à l’art du théâtre. Il ne faut pas plus compter sur elle pour taire son amour pour l’amour, au sens intime comme au sens large, dont elle fait une valeur première. Tout comme elle le fait de l’humour, cette élégance suprême qu’elle cultive, car « il apporte une distance, fissure la logique du réel, la vision ordinaire de ce qui semble établi. »
Elle est unique dans sa manière déjouer avec son corps tout autant qu'avec sa voix, de bouger sur une scène, d'en éveiller l'espace et ses ombres. Unique dans sa capacité à se métamorphoser en ange ou diable, mère ou fille, vierge ou putain, diva ou vieille femme de ménage, et ce avec une fantaisie, une inventivité incomparable. Elle seule sait ainsi faire masque étonnant de son visage extrêmement mobile. Elle ne craint jamais de s'enlaidir.
Elle joue loin d'une certaine tradition psychologique, loin des codes si souvent galvaudés du comique, loin de toute pose a-naturaliste parfois à la mode. Elle joue loin d'eux et avec eux, parce qu'elle a tout en elle. Elle sait, de plus, en faire émotion vraie. Dans la vie, elle aime le dialogue. Elle n'a jamais un mot pour se défausser sur un défaut de la mise en scène ou du texte. Elle a le sens de la responsabilité, le goût de l'amitié.