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Afghanistan, quand cette terre était sous le joug de l'occupation russe...

Au milieu de nulle part, un désert, deux êtres en errance, et isolés de tout et tous... Un homme âgé, Dastaguir, et son petit fils, Yassin, qui ont marché pour parvenir à cette baraque dans laquelle officie un préposé rugueux dont la rudesse n'a d'égale que son silence...
C'est la porte d'entrée du territoire minier, de cette mine dans laquelle le fils de l'homme et le père de l'enfant travaille, s'escrime... loin de chez lui, seul, pour faire vivre les siens.

Pour tout bagage, l'homme âgé ne traîne qu'un baluchon : un ancien foulard de son épouse, noué, d'où il extrait des pommes pour sustenter le petit ou du pain, encore celui-ci n'est-il que le souvenir de cette denrée précieuse tant il s'est desséché et est devenu immangeable : un pain comme le devenir du coeur des hommes...
L'homme espère, patiente fougueusement, attend l'apparition d'un véhicule qui, au lieu des cinq heures de marche qu'il ne veut plus imposer à son petit fils, les mènera vers son fils à qui il doit se confier…
Son attente est si impatiente, si pleine de crainte, qu'il ne goutte l'empathie du marchand qui offre thé et fruits, et surtout l'écoute attentive de celui qui a déjà tout perdu et qui connaît la terreur de l'abîme qui s'ouvre soudain. Alors, il est celui qui offre humanité et bonté pour panser les plaies de l'esprit de celui qu'il accueille...

Ce que l'homme âgé a à annoncer, il ne parvient pas à le formuler, il dénoue et remue cet écheveau de détresse dans son âme, il ne parvient pas à s'en saisir et à dompter les effrayantes paroles pour relater, pour dire l'atrocité, à trouver ces mots qui devront être siens...
Lui, les songes l'engloutissent, quand le naswar le fait passer dans un autre monde, quand l'imagination devient une porte vers un ailleurs parfois encore plus terrifiant, parfois encore plus incompréhensible, lui faisant revivre la folie des hommes. Son petit-fils, lui, vit désormais dans un monde en retrait, ne percevant plus les bruits, le chant des derniers oiseaux, les voix dont il imagine que leur don est la rançon exigée pour échapper à la mort, les mots contre la vie… Une culture qui se tait, qu'on bâillonne, pour un territoire qu'un autre s'approprie...

Tous les personnages de ce récit souffrent, tous ont les larmes qui brillent au bord des yeux... Parfois ils choisissent la bienveillance pour écraser ce chagrin et s'en détourner, parfois, ils sont devenus comme le pain dans le foulard aimé et les toucher, les côtoyer fait mal, bouscule, ils sont désormais trop raides, trop résistants pour accorder un regard, une écoute, un geste de compassion envers celui qui souffre comme eux…
La détresse habite chaque fibre de ces êtres, celle de la perte, celle de l'absence désormais compagne, celle des décisions trop lourdes, celle des mots qui manquent, celle des valeurs qu'on croyait inébranlables et qui ont été mises à terre.


C'est un tout petit livre mais qui pèse si lourd d'émotion, de larmes, de chagrin, de colère amère parfois quand l'incompréhension se mêle aux sentiments. Un petit livre duquel, à l'image de l'univers de Yassin, aucun pépiement d'oiseau, aucune parole inutile ne surgiront, tout est dans l'esprit, à refouler sans cesse  à l'image du style de l'écrivain dont on ressent intensément la houle et le fracas proche : que faire, que dire quand la peine et la barbarie sont trop lourdes pour être traduites.

Un tout petit livre à lire doucement, la main glissée dans celle de Yassin, l'écoute attentionnée vers Dastaguir, et les larmes partagées avec ces deux êtres, tout au long de ces phrases.
Ce texte est un hurlement silencieux… le drame d'un peuple qui se dit à à travers deux êtres...

Une écriture qui bouleverse, une écriture qui fait chanceler…

Comment se tenir debout quand on ne possède plus rien, quand toutes les certitudes ont été détruites, quand l'humanité disparaît peu à peu ?
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Lu dans le cadre du prochain club-lecture de la médiathèque auquel j'appartiens et dont le thème est celui des éditions P.O.L, j'ai eu une merveilleuse surprise en découvrant cet ouvrage vers lequel je ne me serais probablement jamais penché...et pourtant, le lecteur découvre ici une histoire bouleversante !

Nous sommes en Afghanistan, dans un petit village qui vient d'être bombardé et les habitants massacrés par l'armée soviétique, à l'époque où les deux pays étaient en guerre. Dastaguir, notre narrateur, vient de voir sa femme, sa bru et l'un de ses fils mourir sous ses yeux. Cependant, il se doit de partir du village car il lui reste une terrible mission : annoncer cette terrible nouvelle à Mourad, son autre fils qui travaille actuellement à la mine en emmenant avec lui son petit-fils Yassin, qui est devenu sourd suite aux terribles bombardements. Comment déclamer devant la chair de sa chair l'indicible ? Comment lui donner la force de continuer à vivre après un tel drame ? Dastaguir, devant son immense tristesse n'en sait rien. Il est perdu et marche résolu à se rendre à la mine mais aura-t-il réellement le courage d'aller jusqu'au bout ?

Un roman poignant, déchirant même, avec des phrases très courtes, comme lorsque l'on voit la mort arriver devant soi et que l'on ne peut rien faire. Une lecture que je ne peux que fortement vous recommander en vous prévenant cependant que vous n'en sortirez pas indemne !

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Un vieil homme, accompagné de son petit-fils, attend un transport pour la mine où travaille son fils pour l'avertir du drame qui vient de toucher tout le reste de la famille.
Il est encore en état de choc, totalement perturbé... il pense et redoute surtout d'être en face de son fils et avoir à lui dire l'indicible.

Quel que soit le prétexte, quel que soit le pays, la guerre fait douloureusement souffrir des individus qui ne demandaient rien.
Petit livre de moins de cent pages, mais un moment intense et poignant.
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Kaboul avant-hier, attentat au camion piégé, 90 morts. Kaboul aujourd'hui, manifestation, la police tire à balles réelles, 4 morts. Kaboul 1979 – 1989, occupation Russe, guerre, entre 850 000 et 1 500 000 civils tués.
Il est des lieux où il faut bien se rendre à l'évidence, ce que certains nomment « dieu », a déserté.
L'Afghanistan fait partie de ces endroits abandonnés aux guerres entretenues pour des intérêts stratégiques, économiques, religieux.
C'est dans la période d'occupation Soviétique qu'Atiq Rahimi nous emmène. Il nous fait partager quelques heures de la vie de Dastaguir, vieil homme parti retrouver son fils Mourad, travaillant dans une mine de charbon, pour lui annoncer la plus terrible des nouvelles qui puisse être, la perte de sa famille dans le bombardement de son village par les Russes. Seul survivant, Yassin, fils de Mourad devenu sourd à la suite du bombardement.
Terre et cendres, poussières d'éternité, débris d'amour, des bris de vie. L'écriture d'Atiq Rahimi est tout simplement remarquable. Pas dans le sens littéraire (je n'ai aucune compétence pour juger de la qualité littéraire d'un texte, des spécialistes sont là pour disséquer, commenter, analyser et le font très bien) mais dans le ressenti. En tournant les pages, j'ai eu la main tremblotante de Dastaguir, j'ai eu le regard triste se frayant un chemin vers la lumière à travers les paupières mi closes du vieil homme, j'ai eu l'aride du front accablé par la douleur, l'alarme à l'oeil celle qui prévient qu'une goutte de vie va venir mouiller le cil, la gorge sèche et nouée par l'émotion.
Un huis clos entre une dure réalité et des souvenirs mêlés de rêves et puis ces questions qui se bousculent sur l'attitude à avoir avec son fils, dire ou ne pas dire, le voir ou renoncer au dernier moment pour l'épargner quelques temps encore, ne pas être le messager du malheur.
Et puis il y a Yassin qui ne comprend pas pourquoi les Russes ont pris les bruits et les voix des vivants.
Ce livre est bouleversant, si fort en ressenti…
Atiq Rahimi a adapté son livre au cinéma et obtenu le prix « Regard vers l'avenir » au festival de Cannes en 2004. Pas vu et pas certain d'avoir envie de le voir tant je reste sur une impression d'une puissance qui risquerait d'en pâtir.
Dis madame Babélio, dessine moi une sixième étoile.
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Après avoir lu Syngué Sabour à sa sortie , j'avais hâte de retrouver la plume d'Atiq Rahimi, et je n'ai pas été déçue du voyage.

Quel plaisir de retrouver cette langue à la fois très retenue, poétique, pleine de silences et d'émotions !
Le narrateur interpelle sans arrêt avec un "tu" énigmatique qui rend le récit très familier et mystérieux à la fois. A qui s'adresse-t-il ? Au lecteur ? Peu probable. Au personnage ? Sans doute, mais ce dernier ne répond jamais. Peut-être l'auteur s'adresse-t-il en vérité à l'Afghanistan ?

Terres et cendres pourraient être un conte - du moins une parabole - si le sujet n'était pas si grave. C'est un texte où le motif du feu/des flammes est omniprésent. C'est une histoire très "masculine", encore plus que Syngué Sabour.
Terres et cendres met en scène des dialogues de de sourds. Tout d'abord entre Dastaguir, le grand-père qui ne sait pas (comment) dire les choses et Yassin, le petit-fils devenu sourd après l'explosion d'une bombe. Chacun de ces personnages est conscient du fait que quelque chose ne va pas, mais aucun ne cherche à dire clairement ce quelque chose.

Ce récit interroge sur ce qui fait la masculinité à l'afghane en ces temps de guerre et de deuil. Comme Khaled Hosseini dans le roman qui l'a rendu célèbre, Atiq Rahimi cite le Livre des Rois. Mythe fondateur de l'identité persane dans lequel le père tue son fils sur un champ de bataille. Une histoire tragique qui trouve un écho dans le contexte de cette guerre - qui comme tous les conflits a quelque chose d'absurde.

Ni l'auteur ni ses personnages n'offre de solution à ce drame, un seul constat en refermant ce livre : l'impuissance des hommes face à des événements qui le dépassent. Car entre vouloir et pouvoir, il y a parfois un gouffre...
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Un conseil avant d'entamer votre lecture : ne lisez pas la quatrième de couverture ! Elle en dit beaucoup trop, comme c'est malheureusement souvent le cas.
Vous avez un petit moment devant vous ? Une petite heure de libre, voire un peu moins ?
Tentez l'aventure : jetez-vous à l'eau, lancez-vous sans rien savoir et savourez le plaisir de la découverte, de la surprise.
Vous verrez, vous ne le regretterez pas !
Que je sois changée en statue de sel si ce livre ne vous émeut pas ! Bon, je ne vais peut-être pas aller jusque-là, si quelques âmes insensibles venaient à rôder par ici... des enfermés dans leur carapace, des indifférents au monde et aux autres, des imperméables à tout.
Si vous ne faites pas partie de ceux-là, ce court texte ne peut que vous toucher.
Vous allez suivre Dastaguir, un vieil homme accompagné de son petit-fils Yassin.
Dastaguir, qui a l'air de porter sur ses épaules tout le malheur du monde ; Yassin qui est devenu sourd tout récemment.
Que s'est-il passé ? Vers où Dastaguir se dirige-t-il ? Qu'est-ce qui le tourmente tant ?
Ne comptez pas sur moi pour répondre à ces questions : lisez et vous saurez.
Vous vous retrouverez plongés dans l'Afghanistan envahi par les Soviétiques.
Vous découvrirez un pays pauvre, des paysages désolés et arides.
Vous verrez des humains désabusés et résignés.
Et surtout, vous serez séduits par une histoire bouleversante et la langue magnifique d'Atiq Rahimi. Une langue forte et poétique. Une langue qui vous atteint en plein coeur.
Certaines personnes n'ont pas de chance ; il en va de même pour certains pays et l'Afghanistan est en bonne place sur la liste des malchanceux.
L'Afghanistan vit depuis des siècles dans l'instabilité chronique et la population subit guerre après guerre. Après l'invasion soviétique qui marque l'époque à laquelle se situe Terre et cendres, les Afghans à peine délivrés souffriront sous le terrible régime des talibans. Les fous de Dieu. Les fous tout court.
Oui, les hommes sont fous !
Venez sur les routes poussiéreuses, si vous êtes attentifs vous entendrez le cri silencieux d'Atiq Rahimi pour son pays. Un cri d'impuissance, de désespoir et de douleur.
Terre et cendres.
Un titre magnifique. Une lecture singulière et bouleversante.
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En Aghanistan, un vieil homme, Dastaguir, quitte son village ravagé par la guerre et part avec son petit-fils Yassin, porter une terrible nouvelle à son fils Mourad.
Comment lui dire l'insoutenable vérité, comment enfoncer le poignard du chagrin dans le coeur de son fils. Il s'égare dans l'enfer de ses pensées, il n'a plus de sommeil, plus de faim. le paysage n'est que désolation et poussière, comme son coeur.
Les mots traduisent la solitude et la détresse du vieil homme. Très belle interprétation du malaise de l'enfant qui ne comprend pas ce qui lui arrive. Le monde est devenu silencieux, mais les hommes continuent pourtant à remuer les lèvres. La guerre n'a pas de sens, elle frappe au hasard et laisse les vivants plus malheureux que les morts.
Belle écriture, phrases courtes et percutantes, pas besoin d'en dire plus.
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Court roman de moins de cent pages, Terre Et Cendres nous plonge dans l'Afghanistan des années 80, en plein conflit avec l'URSS.
Aux côtés de Dastaguir et de son petit-fils Yassin, le lecteur va partager un petit bout de chemin ô combien difficile avec le vieil homme, hanté par ses souvenirs, ses visions et ses flashbacks.

Un instantané du quotidien effroyable que le pays a connu à cette époque, malheureusement peu éloigné de celui qu'il vit actuellement, l'histoire ayant souvent tendance à se comporter comme un disque rayé.
Omniprésente, évidemment, tout au long du récit, la guerre n'est pourtant que rarement mentionnée par l'auteur, sans jamais rentrer dans les détails.
On se focalise sur le personnage principal et sa terrible mission, témoin direct de ses souffrances et de ses dilemmes.

D'une plume incroyable, teintée de poésie, mais pouvant se révéler parfois très aiguisée, Rahimi se fait la voix de son peuple et nous touche en plein coeur en quelques pages.
Destin tragique d'un pays maudit, à l'instar, pour d'autres raisons, d'Haïti. Petites parties du globe où l'histoire tourne en boucle comme une mauvaise blague éculée, et où tout n'est plus que fatalité.
Un grand bravo à l'auteur pour cette oeuvre simple mais terriblement puissante, et au peuple afghan pour son courage.
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Un livre bouleversant et sec comme un arbre mort.
Un vieil homme marche, avec son petit-fils, à l'encontre de son fils qui travaille à la mine. On est en Afghanistan à l'époque de la guerre contre l'Union Soviétique, et tout leur village a été bombardé. Tragique nouvelle que le vieux vient annoncer.
Le récit est bref, aride, mais émouvant. On hésite, on s'inquiète, on pense avec le vieux, on contemple ce paysage désolé.
Lu à la même période, ce livre me fait penser à la Petite Fille de Monsieur Linh, seul lui aussi avec sa petite-fille, mais j'ai trouvé Terre et Cendres infiniment plus vrai et plus palpable.
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Des digressions sur le cinéma, sur l'image, sur des histoires à mettre en scène, des projets, des rires, parler de tout et de rien, rarement, presque jamais de l'Afghanistan, voilà mon souvenir d'Atiq Rahimi. Dans l'écriture, l'histoire, on retrouve l'homme. La pudeur, le calme et la grandeur d'un pays dévoré par la guerre. L'éclat brut d'une terre rebelle et aride, filtrée par le poids des traditions et des légendes. Atiq a les yeux couleur de lune transparente et le rire placide de celui qui croit en la saveur du monde même sur le chemin de l'exil. Belle traduction de Sabrina qui ressemble à une poupée hazara.

Jettes, jettes la clé des songes dans le puits, ce pays n'est pas un rêve,
C'est un fracas dans la tête des dormeurs
C'est un fil doré qui se tire sur la pelote des souvenirs
C'est une grande lame amère dévalant des ravins
Et s'abîmant au fond des coeurs.
Ceux qui parlent de ce pays en dormant préfèrent ne pas être entendus
Car personne ne doit voir leur espérance
Marchants sur les routes de poussières comme les rubans d'une vieille robe d'apparat
Ou assis sur le pas des portes
Si ils te voient avancer la tête relevée, les yeux remplis d'images de sons et de paroles,
Ils te diront te regardant,
Jettes jettes la clé des songes dans le puits, ce pays n'est pas un rêve....
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