L'agriculture de demain : Gagnants et perdants de la mondialisation

Les relations internationales ne prêtent pas aux questions agricoles l'attention qu'elles méritent. L'agriculture serait trop passéiste pour qui se pique d'analyser le XXIe siècle. Elle serait trop compliquée pour qui essaie de comprendre les règles de fonctionnement du FEOGA ou de l'OMC.

La moindre qualité du court ouvrage de Pierre Rainelli n'est donc pas de présenter avec une grande clarté ces questions complexes. le plaisir que l'on prend à sa lecture doit beaucoup à la qualité de la collection « Échéances » aux éditions du Félin qui, avec un louable souci de pédagogie, s'organise autour d'une maquette très agréable qui autorise plusieurs niveaux de lecture, selon que l'on cherche rapidement une information ou que l'on préfère suivre un raisonnement.

Pierre Rainelli bat en brèche l'idée que l'agriculture serait devenue un secteur résiduel de l'activité humaine. Sans doute est-ce le cas dans les pays développés où, la mécanisation aidant, l'agriculture ne représente plus que quelques points de PIB et n'emploie guère qu'un faible pourcentage de la population active. Mais c'est loin d'être vrai dans le reste du monde, où près d'un milliard d'individus souffrent encore de la faim. L'auteur nous montre aux États-Unis et en Europe une agriculture puissante et protectionniste, en Chine, en Inde et au Brésil des campagnes en pleine modernisation, en Afrique hélas une situation préoccupante.

Il évoque la pénurie de l'eau et les espoirs excessifs placés dans le développement des OGM qui, outre les risques qu'ils sont susceptibles de faire peser sur l'environnement, ne garantissent pas une augmentation significative des rendements. Il consacre un chapitre très instructif aux biocarburants en démontrant qu'ils peuvent constituer une alternative partielle aux hydrocarbures, mais que leur développement affectera l'offre alimentaire.

Les quatre derniers chapitres sont consacrés aux échanges internationaux agricoles. À partir d'une analyse exhaustive de la littérature sur la question, Pierre Rainelli avance des conclusions prudentes. Si la suppression des entraves au commerce international a un effet globalement positif sur la croissance, cet effet varie d'un pays à l'autre, d'une catégorie de la population à une autre. Par exemple, les pays exportateurs agricoles, tel le Brésil, ont plus à y gagner que les pays importateurs aujourd'hui protégés par des accords préférentiels, comme les pays africains, et les producteurs plus à y perdre que les consommateurs.

Dans ce contexte, l'Organisation mondiale du commerce ne mérite pas les critiques qui lui sont adressées. Elle apparaît « plus comme une protection, même si elle n'est pas toujours très opérante, contre de nouvelles formes d'impérialisme économique, que comme une machine infernale broyant les plus défavorisés » (p. 147).