Que de morts dans ce roman !
Celle des pauvres bûcherons qui sont décapités, tués par une hache, une scie, une branche ou un arbre qui leur tombent sur la tête, noyés sous les arbres flottants, mordus par des serpents, amputés dans le meilleur des cas. Mais ce n'est pas grave. Tellement d'autres attendent la place, même en sachant ce qu'ils risquent. Un homme meurt, on continue sa journée comme si de rien n'était, on se demande juste qui pourrait le remplacer.
Et des meurtres à la pelle. Quelqu'un dérange les Pemberton, les gêne dans leurs magouilles et leurs envies de s'enrichir toujours plus, on l'élimine comme un vulgaire moustique.
Quelle sentimentale cette
Serena Pemberton ! Sans aucune humanité, plus impitoyable et cruelle que son mari, mue uniquement par une ambition démesurée, une soif de pouvoir et d'argent, elle ira très, très loin, encore plus loin que ce qu'on pourrait imaginer. Elle n'a pas de point faible contrairement à son mari. Ou alors il est très caché, lié à son enfance, mais de ce côté-là, on n'en saura pas plus. Son mari se serait peut-être contenté de graisser la patte des personnes bien placées, quoique … Complètement fou d'elle, il va suivre sa femme dans sa folie.
J'ai mis la moitié du roman à entrer dans l'histoire. J'ai même pensé arrêter tellement je m'ennuyais, ce qui aurait été dommage finalement. D'accord, les paysages sont magnifiques et magnifiquement décrits. Mais les discussions pour savoir si le parc national va se créer, comment l'éviter et comment acheter tout ce qui peut l'être pour augmenter sa fortune, m'ont vite ennuyée.
Et puis, petit à petit, j'ai enfin accroché, sans doute grâce à Rachel, une employée de cuisine et grâce au shérif McDowell. J'ai aimé les discussions entre montagnards, bien plus malins qu'ils n'y paraîssent. Ils sont souvent très drôles et éclairent parfois les actes des Pemberton. Rash fait parler les montagnards comme ils parlent vraiment, pas comme dans un livre, et ça fait tellement plus vrai. J'ai aussi aimé les réparties du docteur du camp.
Ron Rash a somptueusement décrit les éléments naturels. Sans rentrer dans les détails, il nous parle du contexte économique, la Grande Dépression, et de ses conséquences avec le manque de travail, les ouvriers qui attendent d'être embauchés alors qu'ils savent très bien que s'ils sont embauchés, c'est pour remplacer quelqu'un mort dans un accident. Il nous montre aussi que ces bûcherons, malgré leur attachement à la région, n'ont pas d'autre choix que de participer à la déforestation massive s'ils ne veulent pas mourir de faim. Malgré de nombreuses longueurs et une première moitié ennuyeuse, j'ai beaucoup aimé ce roman.