La réalité : 15 février 2018, fusillade dans un lycée américain, 17 morts. 18ème fusillade dans le pays en à peine 1 mois 1/2. Morbide routine… La fiction : 08 février 2018, sortie en France du roman noir
Jake qui parle d'une tuerie de masse dans un lycée.
Même routine ? Pas vraiment. Là où l'actualité se focalise sur les faits (et le sensationnalisme),
Bryan Reardon nous rappelle, qu'en dehors de l'horreur des chiffres, il y a des hommes et des femmes qui souffrent. Sans pathos, sans voyeurisme déplacé, mais avec une forte sensibilité qui touche le coeur et les tripes.
Simon Connolly, père au foyer de deux adolescents, situation qui reste encore marginale de nos jours. Jusqu'au jour où son fils disparaît dans la nature suite à une tuerie dans son lycée. Un tueur y est mort, copain de
Jake lui-même soupçonné d'avoir collaboré à la fusillade.
Le récit se découpe entre passé et présent. Les tranches de vies du jeune
Jake, gamin réservé, alternent avec l'immédiateté des scènes post-carnage.
Jake est un roman inoubliable, pour plusieurs raisons. Par son parti pris de ne jamais décrire la tuerie de masse dans le détail ; ce n'est pas la raison d'être de ce roman. Par sa volonté de nous faire vivre au plus près les émotions du père. Par l'écriture incroyablement empathique de l'auteur.
Lorsqu'une tragédie comme celle-ci entre dans une famille, c'est le chaos. Il est bon parfois aussi de se focaliser sur les victimes collatérales. Finding
Jake (titre original) vous fait partir à la recherche du fils, mais aussi à sa découverte à travers les yeux de son père.
335 pages. Un tiers pour entrer dans l'histoire, un autre pour s'identifier aux personnages, un dernier pour vivre littéralement le récit. A la fin, vous ne lisez plus, vous ressentez. C'est dur, émouvant au possible, tellement fort et si bien vu.
Par certains cotés, je me suis reconnu à travers le personnage du père dans son quotidien, avec sa manière de trop réfléchir et d'imaginer des conséquences dramatiques concernant des banalités. Troublant. Et que dire de ce garçon timide qu'est
Jake, comme si son caractère réservé devenait subitement une maladie honteuse à l'aune du drame… (surtout dans la société américaine actuelle). Homme ou femme, il me semble impossible de rester de marbre face à ces protagonistes.
L'auteur ne cherche pas à polémiquer, ni à expliquer ces tragédies à répétition que vit l'ex plus grand pays au monde.
Jake (le livre) est aussi un instantané d'une société malade, où on stigmatise les parents sans chercher à les comprendre et où les émotions sont exacerbées par les médias sans que jamais la recherche de la vérité n'entre en compte.
Voilà une lecture à fleur de peau, un roman noir avec une vraie lumière à l'intérieur. Avec la pire noirceur aussi. Ça ne m'arrive presque jamais, malgré mes nombreuses lectures : mes larmes ont coulé durant les derniers chapitres, sans qu'il me soit possible de les retenir. La preuve que ce livre est vrai et que sa manière de raconter cette histoire est terriblement humaine.
Jake est un roman que vous n'oublierez pas, s'il vous reste de l'amour pour votre prochain. Avec ce qui n'est que son premier roman,
Bryan Reardon risque fort de vous faire ressentir des émotions marquantes.
Jake est un roman noir sûrement, un très bon roman surtout, de ceux qu'on peut conseiller à tous les lecteurs tant les émotions ressenties y sont universelles.
Lien :
https://gruznamur.wordpress...