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EAN : 9782370551153
351 pages
Le Tripode (02/02/2017)
3.96/5   13 notes
Résumé :
Lorsqu’en 1986 paraît Splendid Hôtel aux éditions de Minuit, nul ne sait que ce texte saisissant n'est en fait que le premier volet d’un triptyque donnant un nouveau souffle à la littérature française contemporaine. Trente ans après leur genèse, voici les trois romans rassemblés pour donner la mesure d’une œuvre fulgurante où, dans des sociétés qui vacillent, nous découvrons le destin de trois femmes en quête de leur identité. La violence se fait latente à chaque pa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
"Héritières" regroupe trois romans publiés entre 1986 et 1987 : "Splendid Hôtel", "Forever Valley" et "Rose Mélie Rose", formant une trilogie. de nombreux points communs, constituant un fil rouge et participant à la cohérence à l'ensemble, lient les récits.

Trois héroïnes y prennent respectivement la parole, héritières en effet, de legs qui les maintiennent plus ou moins prisonnières de lieux au caractère imprécis, comme coupés du monde, lieux de déréliction figés dans une intemporalité mortifère. Chacune d'elles, à partir de cet héritage, prend, à sa manière, son destin en main.

Dans "Splendid Hôtel" -mon récit préféré-, la narratrice s'obstine, en un combat dérisoire mais qu'elle mène avec acharnement, à tenter de maintenir en état l'hôtel que lui a laissé sa grand-mère. Innovant lors de sa construction, car pourvu dans toutes ses chambres de sanitaires, et seul hébergement situé près d'un marais dont il devenu indissociable, l'établissement a mal supporté le passage du temps. Ses toilettes se bouchent en permanence, ses tuyaux rongés par la rouille multiplient les fuites, le bois de ses poutres s'effrite dangereusement. La proximité du marais ajoute à ces désagréments la présence de rats, de moustiques, et d'inondations régulières transformant le jardin en un magma boueux. Sa propriétaire, dont on ne connaîtra pas l'identité, n'a jamais connu que le Splendid Hotel, et n'imagine pas une seconde l'abandonner. Elle EST, en quelque sorte, le Splendid Hotel, et baisser les bras face à son délitement, c'est laisser le désespoir s'infiltrer... C'est, surtout, mourir... Alors elle colmate, débouche, fait face aux dettes, se plie en quatre pour satisfaire les clients -quelques voyageurs de commerce puis le personnel du chantier de construction d'une ligne de chemin de fer traversant le marais- et ses deux soeurs : Ada, neurasthénique réclamant des soins permanents et Adel, qui répète inlassablement les rôles, de plus en plus secondaires, qu'elle espère jouer un jour sur les planches. Son obstination, comme celle de sa soeur à lutter contre le délitement du Splendid Hôtel, est poignante, car vaine, fondée sur des chimères... On devine en effet le trio sororal vieillissant, coupé d'un monde dans lequel il n'a sans doute pas sa place...

"Forever Valley" nous emmène au coeur d'un hameau de montagne désolé, à l'agonie aussi, puisqu'il est condamné à disparaître sous les eaux d'un barrage en cours de construction. Marie, la narratrice vient d'avoir seize ans. Elle vit au presbytère de Forever Valley, adossé aux ruines d'une église qui n'accueille plus depuis longtemps aucun fidèle, en compagnie du Père, vieillard malade et bientôt impotent. Marie a un projet, celui de trouver les morts qui, elle en est certaine, peuplent le sous-sol entourant l'ancienne église... le hameau compte une autre habitante en la personne de Massi, qui tient face au presbytère un dancing, où viennent chaque samedi soir les douaniers et bergers du "village d'en bas", ainsi que les employées de la laiterie qui se métamorphosent alors en hôtesses... le temps est justement venu pour Marie, ainsi que le lui font comprendre le Père et Massi, de rejoindre l'équipe féminine du dancing.

Après avoir quelque peu étouffé dans la densité mortifère du Splendid Hôtel, et accompagné Marie qui, finalement obligée de quitter Forever Valley, s'est installée dans le "village d'en bas", le lecteur entreprend un périple cette fois plus long. Mélie, laissée à sa naissance dans une grotte, a été recueillie par Rose, vivant dans la solitude d'un coin de montagne situé à plusieurs jours de marche de la ville la plus proche. Elle y tient une petite boutique de souvenirs hétéroclites, où viennent parfois s'approvisionner les randonneurs attirés par les cascades à proximité. A la mort de Rose, Mélie, âgée de douze ans, formée et nouvellement réglée, descend à Oat, bourgade portuaire d'où la vieille femme était originaire, avec pour seul bagage l'enseigne en bois du magasin de souvenirs, et une adresse que sa tutrice lui a confiée avant d'expirer.
Elle y trouve un vieil homme nommé Nem, et s'installe dans une des chambres de la maison qu'il occupe dans le quartier des Charmes, déserté depuis que le port intérieur d'Oat a fermé. La petite ville dans son ensemble est moribonde, le maire lui-même vient de partir pour le Continent, laissant Mademoiselle Marthe s'occuper de ses rares administrés. Cette dernière prend Mélie sous son aile, l'emploie comme stagiaire et l'emmène aux goûters dansants du dimanche que donne le Continental, bien plus chic que le Bastringue, grâce auquel cependant le port extérieur continue d'être fréquenté par des pêcheurs en quête de sexe pas cher...

Ce qui frappe dès le début de l'ouvrage, et vous y immerge avec force, c'est l'écriture, surtout dans le premier texte. La succession de phrases plutôt courtes, de réitérations -la narratrice répète, presque en boucle, ses obsessions-, le rythme comme un leitmotiv, constituant un flux continu, créant une sensation de martèlement hypnotique. Dans les deuxième et troisième romans, bien que la narration s'y présente aussi sous forme d'une longue logorrhée, cette dimension "frénétique" s'apaise un peu, comme en écho à la capacité grandissante des héroïnes à composer avec leur héritage respectif, à en faire un fardeau constructif.

L'ensemble est porté par la sincérité avec laquelle elles s'expriment, évoquant même des épisodes tragiques ou crus avec une sorte d'objectivité clinique qui, notamment dans "Forever Valley" et "Rose Mélie Rose", pare certains événements glauques, décrits avec la même sécheresse de ton, -leur initiation sexuelle, entre autres- d'une dimension glaçante, suscitant le malaise. Associé à l'étrangeté des univers isolés dans lesquels elle évoluent, ce détachement confère aux récits une dimension onirique, voire parfois cauchemardesque, la brutalité teintant leur destinée se diluant dans le caractère surnaturel dont Marie Redonnet dote ses histoires.
Bien que n'ayant pas autant apprécié les trois textes (j'ai trouvé "Forever Valley" moins fort, moins rythmé que "Splendid Hôtel", et son héroïne moins attachante que celle de "Rose Mélie Rose"), je suis tout de même ravie de cette belle et originale découverte.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Splendid Hôtel :

Ce roman est une relecture pour moi, et je le trouve encore meilleur que la première fois. Il fait partie d'une trilogie publiée dans la fin des années 1980 aux éditions de Minuit et rééditée en 2017 en un seul volume sous la dénomination "Les Héritières" par le Tripode.
Ce volume comprend donc le ci-devant Splendid Hôtel, Forever Valley et Rose Mélie Rose.
Phrases brèves sans adjectifs pour dépeindre l'inexorable enlisement dans le marais d'un hôtel malgré les efforts éperdus de sa propriétaire : canalisations poreuses, sanitaires bouchés, toiture prenant l'eau, infiltrations au sous-sol, invasions de mouches, moustiques, termites, punaises, rats, odeur pestilentielle en provenance du marécage lorsqu'il pleut, gel, clients tyranniques et peu soigneux.
On parlé d'écriture blanche mais l'auteur elle-même, qui a beaucoup écrit sous la forme du haïku, récuse cette dénomination. Il s'agit d'une écriture désossée qui exprime l'hostilité d'un monde où aucun choix n'est possible, où aucun espace n'est disponible pour un quelconque enjolivement du réel, sorte de pierre brute et tranchante.

Forever Valley :

Ici l'héroïne, prisonnière de son hameau coincé entre la frontière et le village d'en-bas, parvient, malgré une vie misérable, à poursuivre un projet personnel et à quitter cette terre abandonnée. Son projet échoue et son existence hors du hameau reste triste et misérable. Elle a pourtant fait un pas de plus que l'héroïne du Splendid Hôtel vers la prise de conscience d'une volonté propre.

Rose Mélie Rose.

Ce texte ressemble à un conte merveilleux. Il étonne, envoûte. Ici encore l'héroïne est malmenée, prise dans le désir sordide des hommes. Pourtant elle parcourt un chemin qui la ramènera à sa propre naissance, et à la mort aussi, les deux se confondant. Ce roman est plein de rêves irréalisés et ces rêves sont beaux. Malgré la noirceur du roman, une sorte de douceur paradoxale en émane.

Je suis heureuse d'avoir rencontré cet univers : je lirai tous les autres livres de Marie Redonnet, y compris ses pièces de théâtre.
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Les éditions du Tripode reprennent en un volume trois romans de Marie Redonnet, parus initialement aux éditions de Minuit dans les années 86-87 : Splendid Hôtel, Forever Valley et Rose Mélie Rose. Ce regroupement sous une même –belle – couverture met en lumière la forte unité de cet univers étrange.
Les narrations s'inscrivent dans des villes et villages à l'abandon, désertés de leurs habitants partis vers des destinations plus modernes, plus attrayantes ou plus clémentes. Des bâtiments délabrés, hôtel, mairie, dancing, maisons en ruine, églises écroulées. Des terrains vagues, des lagunes, des paysages hostiles. Il pleut beaucoup chez Marie Redonnet, les jeunes filles ont souvent les pieds dans la boue.
Elles, les héritières, se prénomment Rose, Mélie, Ada, Adel, Massi. Elles portent des robes d'organdi blanc ou de velours rouge pour aller danser le samedi soir à Forever Valley, au Continental ou au Bastringue. Elles aiment des hommes qui se prénomment Pim, Yem, Fred ou Ted. Leur héritage : un hôtel en faillite au milieu des marais, un village englouti sous les eaux d'un barrage, l'enseigne d'un vieux magasin de souvenirs.
Les trois romans rappellent parfois le Twin Peaks de Lynch, par leur esthétique du désastre, leur réalisme mêlé de fable et le côtoiement de la folie.
Le style très dépouillé de Marie Redonnet sert la brutalité du propos. Rythme très rapide, saccadé à l'excès dans Splendid Hôtel, il s'assouplit un peu dans les deux romans suivants, sans perdre de sa force. Aucune psychologie, les faits s'enchaînent inexorablement, sans autre explication qu'une loi physique du mouvement vers l'achèvement de toute chose et toute vie, et dans le simple constat de l'écrivaine, de ses héroïnes et des lecteurs.
Beauté des paysages, regard sombre et halluciné, géographie onirique, utilisation des répétitions, des obsessions, l'écriture de Marie Redonnet happe le lecteur dans une puissance d'évocation, une hallucination parfois dérangeante, inquiétante et envoutante.


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Videos de Marie Redonnet (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marie Redonnet
A paraître aux éditions le Tripode le 4 janvier 2018.
https://le-tripode.net/livre/marie-redonnet/trio-pour-un-monde-egare

Un roman haletant de l'auteur de la Femme au colt 45 suivi d'une postface autobiographique inédite.

Willy Chow est un ancien rebelle qui vit dans une bergerie entre la mer et les collines. Il tente d?oublier un passé trouble, mais la guerre fait à nouveau rage à la frontière et menace la paix de son domaine...
Le scientifique Douglas Marenko n?est pas Douglas Marenko. Emprisonné dans une cellule d?un nouveau genre après avoir tenté de fuir son pays, on voudrait pour des raisons qu?il ignore lui faire endosser une nouvelle identité. Il résiste jusqu?à ce que ces geoliers lui présentent une femme censée être son épouse, et qu?il sait avoir connue...
Tate Combo a elle aussi quitté son pays, après une prophétie de son père qui prédisait la destruction de son village. Elle vit désormais dans la mégapole Low Fow, où un photographe en vogue a décidé d?en faire, à force d?opérations chirurgicales, l?incarnation d?une déesse qu?il vénère. le jour où elle décide de rompre cette métamorphose imposée, des avions s?écrasent sur les tours de la ville...
Trois voix embarquées dans les tourments de pays en guerre qui s?entrelacent. Trois personnages qui tentent d?échapper à l?effacement programmé de leur être. Trois destins qui se font écho et font écho à la violence récurrente de leur monde. Marie Redonnet offre ici un récit haletant et magistralement orchestré sur les menaces, intérieures et extérieures, qui visent nos libertés.
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