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sur 451 notes
Rentrée littéraire 2021 #14

Une rumeur qui court dans un campus américain. Qui dit qu'après une soirée très arrosée, Alice aurait été abusée sexuellement par deux étudiants qui s'en sont vantés le lendemain lors du debriefing matinal de la fête. Elle ne se souvient de rien mais il faudra vivre avec, se reconstruire en ignorant ce qui lui est arrivé. Est-ce que seulement cela lui est arrivé ?

Pour raconter le pouvoir dévastateur d'une rumeur, Kate Reed Petty choisit de construire son récit comme un étrange kaléidoscope, à l'image de la mémoire fragmentée d'Alice depuis le traumatisme subi. Alternent ainsi des scénarios de films écrits par Alice et sa meilleure amie Haley, des brouillons de lettres de candidatures universitaires, des lettres d'Alice à Haley, mais aussi des chapitres à la première personne faisant porter la voix d'Alice et de Nick ( un des amis des supposés agresseurs ) et des chapitres à la troisième personne pour proposer le point de vue masculin de Richard et Max, ceux qui auraient agressé Alice. le récit brouille audacieusement les pistes façon puzzle pour démêler le vrai du faux jusqu'à un final surprenant qui donnera la clef.

Cette audacieuse structure narrative pourrait n'être qu'un exercice de style, virtuose mais creux. Ce n'est absolument pas le cas. Si quelques longueurs m'ont fait perdre le fil, si le dispositif tient l'émotion quelque peu à distance, Kate Reed Petty décortique brillamment la mécanique de la rumeur en montrant comment elle prend forme et est reçue, comment elle détruit tout sur son passage, victime comme bourreaux supposés, colporteurs et entourage, comment elle hante tout ceux qui la côtoient quelle que soit leur position initiale. L'occasion également de dresser le portrait cruel du monde universitaire, avec ses codes, ses meutes, ses marginaux et une pression exercée au nom de la réussite.

Le plaisir de lecture a été très cérébral , lié à la maitrise formelle de ce premier roman troublant et addictif, qui se joue des genres en toute liberté ( très proche du thriller psychologique ) et tient le lecteur en haleine en bousculant ses certitudes, sur les thématiques graves de la culpabilité, du harcèlement, de la place que nous accordons à la vérité et du mensonge dans nos vies. Il m'a manqué cependant de vibrer aux diapasons des personnages pour que le roman laisse une empreinte forte, je suis restée trop en surplomb de l'intrigue.
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Entre " True story " et moi, ça partait bien : un sujet qui m'intéresse, une façon de raconter originale.
Oui, mais après quelques pages, cet aspect là m' a lassé, ennuyé. Les faits s'étalent sur trop d'années, trop de supports d'écritures. On a aucune linéarité, aucune fluidité. Des extraits de brouillons de candidatures pour rentrer à l'université recommencés sans cesse, des extraits de scénarios conçu par deux adolescentes, la vie d'Alice, celle d'Haley, celle de Nick , des entretiens enregistrés ... C'est long , très long .
Pourtant, tout partait bien entre True Story et moi...
Un lycée américain, des garçons qui font partie de l'équipe de crosse, qui comptent sur leurs résultats spotifs pour décrocher des bourses, des bonnes facs. Un soir, après une fête, deux d'entre eux raccompagnent une fille (Alice) très alcoolisée, chez elle. Plus tard , ils se vanteront de l'avoir sérieusement tripotée. Une de ses anciennes amies entendra cela, répetera cela, et Alice passera pour la fille violée sur une banquette arrière mais qui ne se souvient de rien. Nos champions démentiront, très soudés . L'un d'entre eux y perdra celle qui aurait pu devenir sa petite amie, par solidarité envers le groupe (masculin). Il y perdra aussi un peu de son innocence.
On les suivra des années 1990 jusqu'à 2015.
Mais pas forcément avec grand intérêt ...
Ce roman aurait mérité une lectrice plus patiente, mais c'est une "True story de lectrice, où grandes attentes et une grande maison d'édition, ne riment pas forcément avec "plaisir de lire".
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Un roman malin et énervant.
Ca commence comme dans un film pour ados américain, avec la petite ville et son lycée, ses joueurs de la crosse qui se prennent pour des cadors, leurs hormones en folie, leurs fêtes alcoolisées... et les filles qui trinquent. Et puis, on suit quelques personnages à des périodes différentes, en se demandant "où veut en venir l'auteur ?".

Car Kate Reed Petty mélange les genres (mystère, autobiographie, horreur...) et formats (scenarii, brouillons de lettres, mails...) pour fabriquer un roman insaisissable, constitué d'un amas de pièces de puzzle qui ne s'imbriquent les unes dans les autres que dans les toutes dernières pages. Même si j'ai admiré l'audace de tels découpage et montage, je suis parfois restée perplexe devant leur utilité narrative.
Toutefois, j'ai apprécié la façon dont l'auteur aborde la "culture du viol" répandue dans les lycées américains, en dépassant les clichés des garçons-qui-sont-tous-des-violeurs et des filles-qui-l'ont-bien-cherché. L'intrigue sur laquelle repose son récit est bien plus subtile et pertinente que cela. Mais c'est également à ce niveau que le roman m'a semblé manquer de cohérence dans sa structure, Reed Petty s'éloignant parfois de son sujet pour nous égarer dans d'autres directions -et cela a fini par m'agacer. Car dans cette histoire, il est essentiellement question de mensonges, de manipulations et de mises en abîme, et les lecteurs ne sont pas épargnés.

C'est donc un roman intelligent, ambitieux, bien maîtrisé, et on sent que l'auteur l'a soigné et s'est fait plaisir en l'écrivant. Mais si ma lecture fut agréable, je n'ai pas apprécié d'avoir été "baladée" une fois le livre refermé ; ce qui démontre néanmoins le talent de Reed Petty.
(Et aussi mon degré de susceptibilité).
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« Tout observateur du genre humain sait combien il est difficile de raconter une expérience de telle sorte qu'aucun jugement n'interfère dans la narration » (Georg Christoph Lichtenberg)


Alice termine sa scolarité secondaire dans un lycée privé américain. Non loin de là, les élèves de l'établissement public, aspirant au championnat de la crosse (1) passent le plus clair de leur temps à organiser fêtes, beuveries, sauteries, et dragues grossières.


Un soir deux adolescents sont accusés, au bruit d'une folle rumeur à laquelle ils ne sont pas étrangers, d'avoir abusé d'Alice au moment de la ramener, ivre, à son domicile.


Alice, depuis qu'elle est au collège, s'essaye, avec son amie Haley, à l'écriture de scenarii cinématographiques. Elle ne cessera, sa vie durant, marqué par cet évènement qui se serait produit, ou pas, de rechercher la vérité.


Il s'ensuit une quête permanente de celle-ci narrée aussi bien par la victime ainsi que d'autres protagonistes du roman, témoins directs ou indirects., sans que l'on sache, pas même la présumée victime, si l'évènement – le viol -, qui va marquer les personnages du récit, a eu lieu ou non.


Il conviendra d'attendre la toute dernière page pour comprendre la subtilité et l'originalité de l'ouvrage de Kate Reed Petty.


True Story, (Gallmeiter, 2021) dont le titre n'a pas été traduit, lors de sa parution en France, est le premier roman de Kate Red Petty.


Elle court, elle court la rumeur… Pour rendre compte de celle-ci, l'auteur utilise deux procédés audacieux, empreint d'un brin de folie, mais qui fonctionnent à merveille à raison de la quasi-totalité, et de la singularité et du machiavélisme à souhait de l'intrigue. Ces procédés littéraires renforcent, sans aucun doute, la qualité exceptionnelle de cette première fiction.


La première technique littéraire – il serait inopportun de la divulguer, même si l'on comprend assez vite. Il s'agit... . La seconde est qu'il s'agit d'un roman sous la forme de casse-tête, qui fait, cependant, l'économie de flash-backs, dont la compréhension se met petit à petit en place et qui contribue, au grand plaisir du lecteur, à une montée évidente de la tension et du suspense.


On ne peut d'ailleurs s'empêcher de faire le rapprochement entre la construction de cette histoire, sous forme de puzzle, et la désorganisation qui règne dans l'esprit d'Alice que l'on retrouve à chaque stade de sa vie, qui mélange, tous azimuts, ses passions cinématographiques adolescentes avec ses lettres de motivation afin d'intégrer une prestigieuse université.


L'autre particularité de fond de ce roman semble être le rapport de l'auteur au féminisme. On peut lire, ici et là, qu'il s'agirait d'un roman féministe sans autre forme de commentaires. le roman mérite cependant un meilleur approfondissement qu'un simple raccourci facile.


À l'heure où aux États-Unis et dans une partie de l'Europe, sous l'influence de minorité de néo-féministes minoritaires, mais néanmoins radicales, le roman de Kate Reed Petty prend le contre-pied de ce mouvement littéraire au profit d'un féminisme classique et raisonnable où la femme est l'égale de l'homme, sans affirmer « préférer des femmes qui jettent des sorts à des hommes qui construisent des EPR » ou de ces écrits narcissiques, de plus en plus nombreux et mal écrits, qui narrent les violences subies, ou pas, de ces femmes en quête de reconnaissance.


C'est un roman qui tranche et condamne définitivement tous les poncifs, insipides et égotiques de nombreux auteurs, autofictions et récits actuels.


L'écriture est irréprochable, autant que la traduction par définition. Simple, mais pas niaise ou maladroite et empruntée, tout en étant rigoureuse. Les qualités narratives de l'auteur sont exceptionnelles, alternant les différents modes de narration et de focalisation qui subliment à la fois la qualité de l'écriture que le fond du récit et, plus particulièrement, la tension de celui-ci.


À titre d'exemple, fait exceptionnel, l'auteur, par l'intermédiaire d'Alice, utilise parfaitement, lorsqu'elle propose sa voix à ses prétendus agresseurs, la deuxième personne du singulier (le "tu" de narration interne).


En résumé, c'est un roman subtil, intelligent et addictif comme rarement il m'a été permis d'en lire ces derniers temps.


Kate Red Petty réussit un livre remarquable qui autorise d'en espérer l'écriture rapide d'un deuxième.


Bonne lecture.


Michel.


1- La crosse est un sport collectif d'origine amérindienne où les joueurs se servent d'une crosse pour mettre une balle dans le but adverse… (Note du traducteur P. 27)

Lien : https://fureur-de-lire.blogs..
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Alice est allée faire la fête à une soirée organisée par l'équipe de crosse du lycée public voisin du sien. Alice a dansé (beaucoup), Alice a bu (trop), Alice a été déposée chez elle ivre morte par deux des garçons... et Alice a été abusée sexuellement, enfin peut être, c'est ce que dit la rumeur qui court et s'enflamme dans le lycée jusqu'à ce que la police s'en mêle et que les garçons s'arrangent pour que l'affaire soit classée. Mais Alice ne se souvient de rien alors comment peut-elle se reconstruire quand elle ne sait même pas ce qui est vrai ou faux, quand elle doit se battre contre une histoire qui semble conditionner toute sa vie mais qu'elle ne maîtrise pas.

Quelle claque et quelle démonstration d'écriture et d'inventivité que ce True Story, premier roman d'une jeune américaine ! On est plongés tout de suite dans le drame qui fait la trame du roman avec le récit ultra réaliste des années lycée d'un des membres de l'équipe de crosse, ambiance campus américain, sport roi et équipe adulée à qui on passe tout, de bizutage en mauvais goût et de drague lourde en remarques misogynes. Voici qui ressemble fort à un (bon) roman d'apprentissage version US mais voici que le chapitre se clôt et hop, virage à 180 degrés, nous voici en train de lire et relire des lettres de candidature d'Alice à l'université, lettres plus ou moins réalistes, dans lesquelles elle évoque le traumatisme qu'elle a subi ou au contraire parle de sa passion pour les films d'horreur, lettres bouleversantes quand on comprend que pour être admise dans la fac de son choix elle a tout intérêt à cacher cet épisode et à raconter plutôt d'autres récits édifiants plus conformes à ce qu'on attend d'elle. le roman fera ensuite encore plusieurs virages loopings nous prenant de court à chaque fois : quelques scénarios de films par ici, un récit façon film d'horreur faisant monter l'angoisse à la limite du fantastique, un autre décrivant une femme tombée sous la coupe d'un manipulateur de la pire espèce. Et c'est là que le roman trouve toute sa force : loin de nous perdre, ces changements incessants se répondent, se complètent, dressent petit à petit un drôle de puzzle dont on finit par comprendre les imbrications, dont on se surprend à s'écrier "ah mais oui bien sûr c'était lui" quand on réalise tout à coup que le personnage d'une des parties est en fait untel de la partie précédente. Un vrai petit bonheur de lecture qui fait appel à l'intelligence de son lecteur et qui m'a gardée captive jusqu'à la fin.

True Story est aussi un magnifique exercice littéraire, dans le bon sens du terme : loin d'être une simple démonstration formelle, l'auteure utilise les différents genres ou styles au service de l'histoire qu'elle veut nous raconter, refusant de se laisser enfermer dans une catégorie, nous prenant à contre pied et faisant preuve d'une inventivité assez jubilatoire. La force du roman est aussi de nous faire douter et nous interroger sur l'essence même de ce qu'on lit : alors que tout commençait par un récit hyper réaliste jusqu'à cette horrible rumeur (vraie ? imaginée ?), les différentes parties du roman jouent toutes sur l'ambigüité, le personnage vit-il vraiment les événements qu'il décrit ? Est-il en train de rêver ? Est-ce un énième écho de la rumeur qui a dévasté Alice et juste une histoire de plus que nous raconte la romancière ? Toutes ces interrogations trouveront leur réponse dans un final magnifique et surprenant qui clôt magistralement ce roman pas comme les autres.

Un livre que j'ai dévoré, intelligent, subtil et qui finalement nous interroge sur la relation qui nous lie aux livres et plus particulièrement aux romans : qui raconte des histoires et pour qui, pourquoi, quelle est la vérité dans tous ces récits. A découvrir, personnellement j'ai adoré !
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Roman très actuel au regard des sujets développés, « True story » évoque de façon particulièrement convaincante les ravages que peut entraîner une rumeur (qu'elle soit fondée ou non) sur sa victime mais également sur son entourage.

Alice, étudiante américaine à l'université, aurait été violée par deux garçons lors d'une soirée très arrosée. Alors que les deux agresseurs s'en seraient vantés le lendemain matin, elle n'en garde aucune réminiscence. Mais est-ce que l'agression a-t-elle vraiment eu lieu ?

Ce premier roman de Kate Reed Petty est très troublant et déstabilisant du fait de l'absence de souvenirs et par la forme adoptée choisie par l'autrice. Cette dernière ne se contente pas de narrer l'histoire par la voix d'Alice ou d'un autre protagoniste en particulier mais ajoute des projets de scénario écrits par Alice et sa meilleure amie, Haley, des lettres d'Alice, des chapitres évoqués par les violeurs présumés. Même les différentes pièces prennent un format différent du texte de l'histoire. Bref, c'est tout un puzzle qui est mis sur la table et qui ne se terminera que dans les toutes dernières pages.

Portrait passé au vitriol des campus universitaires américains, les émotions sont mises de côté pour se concentrer sur le phénomène destructeur de la rumeur et de ce qu'elle engendre.

Certaines longueurs dans le texte ont fait que je n'ai pas pu m'attacher aux personnages ou en ressentir de l'empathie. La multitude de « pièces jointes » a fait que j'ai gardé une certaine forme de détachement vis-à-vis de l'intrigue.

Ce fût une bonne lecture certes mais avec quelques petits écueils qui ont fait que ce livre n'a pas trouvé sa place dans mes coups de coeur du mois.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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Un livre d'horreur chez Gallmeister ? Non, un livre d'horreurs, nuance !

Dans True Story traduit par Jacques Mailhos, Kate Reed Petty nous plonge dans le quotidien de la jeunesse américaine insouciante, à l'image de la vie du jeune Nick : la fin du lycée et l'attente des acceptations en universités ; l'équipe de crosse, sport d'équipe aux valeurs mâles et collectives ; les fêtes régulières, et l'alcool, et les joints, et les filles…

Et un soir, une énième beuverie, un retour en voiture avec Alice, jeune fille ivre morte à moitié inconsciente sur la banquette arrière à côté de Richard tandis que Max conduit. Un geste de plus, un geste de trop. Une blague de garçons ? Un viol caractérisé.

« …Tout simplement un samedi soir sur la terre » aurait dit Cabrel, mais un acte nié dont les conséquences n'ont pas fini de hanter la vie d'Alice et de son amie Haley qui va vouloir en raconter l'histoire. Mais aussi à d'autres niveaux celle de Nick, de Max ou de Richard.

Ce livre est un livre d'horreurs, une plongée au coeur de la portée de nos actes et de la mesure différenciée de leurs conséquences, avec tout ce que cela comporte de courage ou de lâcheté, de compromission ou d'acceptation, de simples remords ou de réel pardon.

Mais si je l'ai aimé, je suis pourtant resté un peu spectateur de ce livre qui m'a parfois paru un peu confus, peut-être à l'image de la tempête incessante qui occupe la tête d'Alice ou à un autre niveau, celle de Nick. le style, mélange de récit choral, de mails et de théâtre, a probablement contribué à cette confusion, comme l'arrivée d'un twist final faisant basculer le livre dans un genre dont il aurait pu se passer.

Reste cependant une belle approche de la négation de l'évidence et de ce fossé qui sépare, encore, le regard des garçons et des filles sur la portée d'un même acte. L'horreur aurait-elle un sexe ?
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La vie est un puzzle quand elle est racontée par différentes voix.

La vérité n'est jamais absolue, elle fluctue selon les perceptions, les narrations, les compréhensions.

Une simple rumeur peut forger, modeler ou détruire des vies. Directement, en cascade ou par ricochet.

Kate Reed Petty a mûri ce roman durant 10 ans, l'a écrit pendant 5 années. Une belle démonstration qu'il faut du temps et beaucoup de travail pour donner le jour à une histoire qui marque par son originalité et sa maîtrise. de celles qui laissent sans aucun doute une trace en mémoire.

L'histoire racontée est assurément moderne dans son message. Mais l'est encore davantage dans sa construction.

Roman féministe ? Oui et non. Oui, parce qu'il met en avant les dégâts que peuvent faire sur une vie les affaires d'agressions sexuelles. Non, parce que les victimes décriées, les possibles coupables montrés du doigts et les témoins impassibles mais pas insensibles, sont tous des voix à entendre et à écouter.

Le contexte joue beaucoup, une rumeur née dans le milieu étudiant aux USA, où la pression de la réussite est constante, écrasante. Où il est plus facile de parler de succès que de malheurs. A en engendrer le mal-être, l'auto-centrage et les dérives terribles.

Le livre permet d'entrer littéralement dans la tête des différents protagonistes. Mais pas d'une manière habituelle, oh non ! La primo écrivaine réussit l'exploit de proposer du neuf, et une narration étonnante et jouissive.

Elle joue avec les genres, les temps de conjugaison, les mots, les formes du récit… Toujours au service de l'histoire et des personnages, en aucun cas un simple exercice de style. Ces manières de raconter ont un but, une ambition, des intentions.

Voilà une intrigue qui joue de finesse, déstabilise. Aussi forte que ludique, aussi impressionnante qu'émotionnellement puissante, inventive au possible. Et pourtant, le sujet est universel.

Sur un thème grave, l'autrice n'oublie pas de s'amuser, et fait le pari qu'on peut rendre une lecture ludique, même sur une thématique difficile et des âmes brisées.

Elle alterne les narrations et manie les genres, avec un bonheur et un amour constant de l'écriture. D'un (long) passage à l'autre, on glisse du récit introspectif au thriller psychologique, du « roman de campus » au scénario de film, d'une lettre de motivation à la narration à la seconde personne du singulier.

Rien n'est gadget, tout fait sens si on se laisse porter, jusqu'au final qui donnera la clé ; inattendue. de l'art de faire confiance à l'intelligence de l'autre : le lecteur à l'auteur et vice versa.

Car rien n'est simple, jamais, dans la vie comme dans les (bons) romans. True story, pousse le lecteur au point de ne plus savoir faire la différence entre réalité et fiction, à coups de perceptions et de sensibilités personnelles, de faux-semblants et de non-dits. Des failles sur lesquelles se construire, se reconstruire. Se forger une identité. Et trouver sa voie (voix).

Et quelle belle manière de montrer comment raconter des histoires ! Qu'il y a mille façons de le faire, mille formes d'expression. Avec une écrivaine qui musarde entre les genres qu'elle aime clairement, flirtant avec le roman noir (elle cite des livres de Stephen King à de nombreuses reprises).

Le croisement des genres, c'est la liberté. Faire tomber les barrières mentales, c'est une richesse. Surtout quand la partition est jouée avec une telle subtilité.

En terme de construction narrative, True Story est l'un des romans les plus inventifs et surprenants qu'il m'ait été donné de lire depuis un moment. Sans jamais perdre l'histoire en route, même si elle se révèle protéiforme.

Kate Reed Petty est sacrément audacieuse à oser la mixité de styles, à travailler ainsi le fond et la forme, le propos et l'aspect ludique aussi. Sacrée découverte !
Lien : https://gruznamur.com/2021/0..
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Avec True Story, Kate Reed Petty signe un premier roman impressionnant, insaisissable, qui montre avec finesse et un brin de machiavélisme les effets destructeurs, et collatéraux, de la rumeur.

L'histoire commence par un bel été 1999 où, à la suite d'une soirée particulièrement arrosée, une jeune fille, Alice Lovett, se fait raccompagner en voiture par deux membres de l'équipe de crosse du lycée. Ces deux ados, deux abrutis pour qui la notion de consentement (ou de respect de l'autre) est totalement étrangère, se vantent rapidement d'avoir abusé de la jeune fille endormie. La rumeur enfle et se répand, ruinant la vie d'Alice qui, de son côté, ne se souvient absolument pas de ce qu'il s'est passé… Comment faire le deuil de ce qu'il s'est passé et se reconstruire dans ces circonstances ?

Les années passent, plutôt difficilement pour Alice, qui ne se remettra jamais d'un traumatisme dont elle n'arrive pas à saisir les contours. Malgré les exhortations continues de sa meilleure amie, Haley Moreland, à écrire son histoire (« Si tu ne la laisses pas sortir, elle prendra le contrôle de ta vie »), Alice ne semble pas y parvenir. Tout comme les différents protagonistes témoins de l'histoire, à commencer par Nick Brothers, un joueur de crosse qui, ayant couvert ses amis agresseurs, voit la suite de son adolescence brisée, ou Haley Moreland, qui deviendra une ardente défenseuse de la cause féministe et des victimes de violences sexuelles, par le biais de ses films…

J'ai adoré ce roman brillant (que pourtant, j'avais emprunté à la bibliothèque moyennement convaincue ; j'adore ce genre de retournement de situation. Et c'est loin d'être le seul concernant cet ouvrage !) parce qu'il ne se trouve jamais où on l'attend. Tout d'abord, il a le mérite d'éviter le déjà-vu en se basant sur les conséquences postérieures de la rumeur, et non pas sur l'évènement en lui-même (le fait qu'il soit vrai ou faux n'est pas tellement important en soi, ne serait-ce que parce qu'il y a traumatisme pour la victime). On voit évoluer les personnages dans leur vie et c'est plutôt fascinant, bien que douloureux (dans tous les sens du terme) parfois.

Mais aussi parce que le roman joue sur plusieurs registres pour dérouler son histoire et c'est plutôt bien joué : tantôt roman de campus universitaire, tantôt confession, ou roman (thriller ?) psychologique, roman d'horreur, le lecteur ne sait jamais sur quel pied danser jusqu'à la fin, où les morceaux, qui parfois me semblaient un peu incongrus, prennent place. L'insertion de scripts de films d'horreur, rédigés par Haley et Alice dans leur adolescence, des multiples versions de la lettre de candidature à l'université écrits par Alice, poignants, sont très originaux et donnent un souffle agréable à l'intrigue, et la rendent un peu plus difficile à saisir, comme les reflets d'un miroir brisé.

J'ai également beaucoup apprécié le discours féministe qui sous-tend l'histoire (la reprise en main de leur histoire par les femmes, la volonté de l'héroïne de ne pas se laisser voir comme une victime), et j'ai aimé voir l'autrice maltraiter avec malice ses personnages masculins. Il y en a en effet bien peu, voire aucun, qui ait un comportement adéquat ni correct… le seul qui souhaite aller sur le chemin de la rédemption, Nick, s'en prend plein la figure, sans que cela soit toutefois fait gratuitement. La critique de la vision masculine adolescente de la femme, et des notions de consentement, du harcèlement, dans la partie « roman de campus » est également faite avec subtilité, par le dégoût provoqué par ces joueurs de crosse qui se croient tout permis. On regrettera peut-être un peu le soupçon de manichéisme dans les personnages, et de caricature dans les différents registres pour les singulariser les uns des autres, mais cela est largement oubliable grâce au talent de l'autrice. J'ai lu dans d'autres critiques que celle-ci avait mis 10 ans pour élaborer son intrigue, et la moitié en plus pour la rédiger ; j'espère qu'il ne faudra pas attendre autant de temps pour lire son prochain roman !
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1995. Raccompagnée chez elle par deux lycéens au sortir d'une fête trop arrosée, Alice s'endort sur la banquette arrière. elle ne se souviendra de rien. Quelques heures après, les garçons ricanent, en présence d'Haley, amie d'Alice, du bon moment passé avec cette dernière sur la banquette arrière. Haley parle.
2015. de tous ces protagonistes, aucun n'a échappé à la rumeur qui a enflé. Où qu'ils soient dans leur vie, tous sont restés sur cette banquette.

J'aime bien les romans décousus, faits de pièces éparses et disparates, l'effet est souvent réussi. Mais ici j'ai eu la sensation qu'on atteignait aux limites du creative writing avec un assemblage qui, en dépit d'une tension efficacement maintenue, tient de l'artifice. Sans doute est-ce du au fait que j'ai eu du mal à croire à cette histoire, à intégrer les codes si "young American" du récit, et à m'apitoyer encore une fois sur une jeune femme victime des hommes - ce thème qui submerge la littérature américaine récente commence à me lasser.
Bref, pas convaincue par ce roman qui m'a semblé, comment dire, atypique dans le catalogue de Gallmesiter.
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