Ce tome fait suite à Castaway in dimension Z, book 2 (épisodes 6 à 10) qu'il faut avoir lu avant. Il contient les épisodes 11 à 15, initialement parus en 2013/2014, tous écrits par
Rick Remender. Les épisodes 11, 12, 14 et 15 sont dessinés par
Carlos Pacheco, avec un encrage de
Klaus Janson pour les épisodes 11 & 12, et de Mariano Taibo pour les épisodes 14 & 15. L'épisode 13 est dessiné et encré par
Nick Klein.
Ce n'est pas la joie pour Steve Rogers. de retour sur la bonne vieille Terre 616, il doit faire son travail de deuil. Il doit subir une opération pour être sûr d'être débarrassé du corps étranger greffé sur le sien. Il doit persuader Maria Hill et Nick Fury junior de relâcher Jet Black. Il prend conscience qu'il va devoir faire son deuil de bien plus qu'un être aimé, pour pouvoir aller de l'avant.
Dans un pays fictif de l'Europe de l'Est, Nuke (Frank Simpson) mène une guerre terminée depuis longtemps, risquant de ranimer le sentiment anti américain, et peut-être même un conflit dans ce pays. En Chine, Iron Nail (Ran Shen) manipule les événements de loin pour discréditer Captain America, et saper le SHIELD.
Les 2 premiers tomes de Captain America étaient agréables, tout en manquant un peu de souffle.
Rick Remender avait bien bâti les récits correspondants sur une thématique fournissant un fil conducteur : les valeurs que les parents transmettent à leurs enfants, en le déclinant sur plusieurs familles (Steve Rogers et son père, Arnim
Zola et ses 2 enfants adoptifs, Rogers vis-à-vis de Jet Black et d'Ian). Les dessins de
John Romita junior étaient d'une efficacité redoutable, mais le scénario utilisait des ficelles un peu grosses.
Du coup le départ de Romita pouvait faire craindre une baisse de la qualité de la narration, du fait de dessins plus consensuels de Pacheco (qui ne dessine même pas les 5 épisodes du présent recueil). de fait, dans les 2 premiers épisodes,
Remender ressort des choses déjà vues, comme l'animosité entre Captain America et le SHIELD, Falcon (Sam Wilson) en bon copain, Nuke comme soldat fanatique (par opposition au soldat raisonnable et raisonné qu'est Captain America), et même un grand méchant chinois (en ennemi de l'impérialisme américain). Les dessins de Pacheco sont professionnels, mais n'ont pas le rythme de ceux de Romita.
Le lecteur s'installe donc dans une lecture tranquille et un peu pépère, le temps que Rogers revienne à la vie normale (pour lui), et s'installe dans une nouvelle routine. Il apprécie que
Remender rappelle que Steve Rogers est à nouveau un homme décalé dans le temps puisqu'il a passé 12 ans dans la dimension Z. le premier épisode se termine sur un deuil à l'objet inattendu (pas celui d'un être porche). Les dessins de Pacheco comportent un bon niveau de détails, avec un rendu un petit peu moins adulte que ceux de Romita.
Avec le deuxième épisode,
Remender installe la dynamique de sa nouvelle histoire : Nuke soldat efficace à l'idéologie bornée (sans surprise), et Iron Nail (le méchant chinois) à l'idéologie anti américaine primaire.
Klaus Janson réalise un encrage méticuleux. Les dessins sont admirablement étoffés par la mise en couleurs de
Dean White et Rachelle Rosenberg. Pacheco soigne les vues de New York lors d'une promenade sur les toits entre Captain America et Falcon, du bon travail d'artisan. Ils arrivent à faire croire à ce pays fictif d'Europe de l'Est, à cette banlieue anonyme.
Avec le troisième épisode, le lecteur découvre les dessins de
Nick Klein, soignés, mais encore un peu plus insipides du fait de décors plus génériques.
Remender a choisi la première partie de l'épisode en 1969, avec une apparition opportune (mais sans surprise) du Winter Soldier). Là, le lecteur commence à prendre conscience que le scénariste montre ces 2 soldats (Captain America et Nuke), comme des symboles du pays qu'ils représentent en défendant son idéologie par les armes, chacun un produit de son époque. de la même manière, l'idéologie d'Iron Nail s'étoffe un peu.
De page en page, le point de vue de Nuke devient crédible, c'est-à-dire compréhensible et acceptable comme des idées cohérentes, à défaut d'être valides. Captain America se laisse emporter par le combat, se montrant aussi agressif que son opposant. Iron Nail devient un individu refusant d'accepter les excès du capitalisme comme une fatalité. Falcon doit prendre une décision sur la liberté de la presse. Rogers porte un jugement sur la politique expansionniste des États-Unis. Les personnages ont tendance à prononcer des phrases bien structurées, même dans le feu de l'action, mais dans une mesure raisonnable pour des comics.
L'association de
Remender et Pacheco évite que la dimension idéologique ne l'emporte dans la narration. Il s'agit avant tout d'un récit d'aventures reposant sur les conventions habituelles des récits de superhéros : costumes haut en couleurs et prêts du corps, affrontements physiques, vision du monde d'un point de vue américain, résolution des conflits par la force.
Le dessinateur réussit parfaitement son dosage d'éléments réalistes, de décors assez détaillés, et de combats physiques dramatisés pour insuffler un rythme rapide. À ce titre, Pacheco conçoit une mise en scène parlante qui réussit à faire croire à l'emportement de Captain America face à Nuke, qui représente le soldat borné qu'il exècre et qu'il a peur de devenir. Pacheco fait également montre d'une impressionnante capacité à transcrire la profondeur de champ des actions, conférant ainsi une grande puissance d'immersion à ses images.
Au départ, le lecteur pense que la série connaît une baisse de régime, avec Steve Rogers cherchant ses marques, ne sachant pas trop comment faire son deuil (le lecteur soupçonnant que ces morts ne dureront pas forcément très longtemps), et l'irruption de Nuke qui va déboucher sans surprise sur une comparaison entre les 2 soldats. le départ de
John Romita junior induit également une perte de caractère dans les dessins.
Pourtant d'épisode en épisode,
Remender dépasse les attentes du lecteur, va plus loin que les stéréotypes attendus, sans rien perdre en divertissement, en action et même en supercriminel théâtral.
Carlos Pacheco met ces épisodes en images, avec toutes les caractéristiques propres aux comics de superhéros, d'une manière construite (par opposition à automatique). Ses dessins convainquent le lecteur de l'état d'esprit des personnages, de l'intensité de leur convictions, de leur détermination, et par là même de la réalité de leurs actions.