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Critique de Davalian


1 132 pages, les récits apocryphes de René Reouven réunis en seul tome : les amateurs peuvent remercier les éditons Denöel, pour cette idée remarquable. Ce pavé regroupe trois romans et onze nouvelles. Voilà de quoi occuper un bon moment, d'autant que la qualité est au rendez-vous.

Le découpage retenu n'est pas très judicieux. Les écrits ne sont pas classés de manière chronologique, mais en deux ensembles : d'abord les histoires qui s'inspirent d'une référence glissée dans le Canon puis les autres… s'il manque de lisibilité, le classement n'entraîne toutefois pas de mauvaise surprise pour le lecteur. Les adeptes pourront également regretter une préface trop courte qui fait l'éloge de l'auteur et ne revient que sur ses oeuvres les plus marquantes. Dommage, car les explications sont judicieuses et apportent quelque-chose à l'oeuvre.

Force est de constater que les écrits de René Reouven sont travaillés et habilement mis en scène. Si l'on excepte La plus grande machination du siècle (qui apporte au demeurant un éclairage insolite sur le dernier problème) puis les participations anecdotiques de Mycroft dans le cormoran, l'auteur se consacre à Sherlock et à Watson. Autrement dit, nous avons une approche fidèle de l'esprit du Canon, qui ne s'encombre guère de personnages qui ont pu être repris par des trop nombreux continuateurs moins inspirés.

L'auteur parvient à apporter sa touche personnelle, du neuf (les voyages sont ici nombreux), en variant les points de vue (Sherlock prend plusieurs fois la plume) et les situations. Tout cela est inspiré et dynamique tout en restant sérieux : du grand art, du très grand art !

L'assassin du boulevard reste sans doute le meilleur roman : voici Sherlock plongé dans l'univers de Messieurs les ronds de Cuir de Georges Courteline. Confronté à l'administration, le voici qu'il éprouvera une peur comparable à celle qui fut la sienne devant le chien des Baskerville !

Élémentaire mon cher Holmes est long et ne fait pas intervenir Sherlock et pour cause, quoique en y réfléchissant bien... ! L'histoire est complexe car elle permet de croiser Stevenson, l'ombre d'Arthur Conan Doyle, Jack l'éventreur dans une intrigue complexe et hautement immersive. Les récits enchâssés et la diversité des points de vue sont aussi remarquables que l'intrigue est prenante. Bravo !

Le détective volé laissera l'occasion au grand détective de croiser son destin avec celui de Poe. Les amateurs de littérature policière seront comblés malgré un paradoxe temporel résolu d'une manière qui pourrait presque laisser croire à un pastiche, presque…. La lettre volée est le prétexte pour revenir sur un complot dans une époque peu mise en avant dans ce type de littérature (la Monarchie de Juillet), permettant notamment la participation de Vidocq. L'enquête sur la mort de Poe est plus classique bien qu'elle révèle de belles surprises. Ce roman se révèle donc être lui aussi une belle réussite.

Le bestiaire regroupe plusieurs nouvelles : une histoire d'espionnage (Le cormoran), une enquête lié aux Baskerville (le ver) prolongée par la sangsue et conclue par Les singuliers de Grice Patterson dans l'île d'Uffa. Si l'épilogue est un brin décevant, il offre à Sherlock une confrontation avec un ennemi aussi redoutable que nouveau, s'inspirant de la littérature de H. G. Wells. La référence au rat de Sumatra connaîtra ici une explication convaincante d'autant qu'elle sert d'introduction aux trois autres nouvelles…

Les passe-temps de Sherlock se révèlent forcément intéressants : des recherches historiques sur l'origine de Shakespeare (la tragédie des Addleton), une enquête sur fond de religion et d'antisémitisme qui se transforme en message de tolérance (la mort subtile du cardinal Tosca), ainsi qu'une intrigue sur fond de littérature approchant Nerval et Goethe (la persécution spéciale).

Seules deux nouvelles se révèlent moins passionnantes que les autres. La première est courte et prévisible (Le drame ténébreux qui se déroule entre les frères Atkinson de Trincomalee) et la seconde, introduction aux histoires secrètes, n'est qu'une traque à la fraude à l'assurance, bien menée mais cousue de fil blanc.

Comment passer à côté d'un tel trésor ? Un coffre qui regroupe autant de joyaux… Sans vraiment l'avouer, l'auteur parvient à nous faire croire que toutes ses histoires sont directement issues de la malle qui intrigue tant les holmesiens. Si le style d'Arthur Conan Doyle n'est pas toujours appliqué à la lettre, l'esprit de l'oeuvre est ici sublimé par des références à l'histoire, à la littérature et… à Paris !
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