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EAN : 9782259024785
190 pages
Plon (12/09/1999)
4.07/5   7 notes
Résumé :
Lorsque le général de Gaulle et les autres "pères de la constitution" de 1958 fondèrent la Vème République, leur intention était de créer un exécutif fort et stable pour soustraire le gouvernement de la France au "régime des partis" ou régime d'assemblée antérieur. Mais ils y ont trop bien réussi, en pulvérisant de fait les autres pouvoirs, le législatif et le judiciaire. Ce n'était pas là trouver la formule d'une constitution à la fois efficace et démocratiquement ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
« François Mitterrand a conjugué en un désastreux et paradoxal mariage, l'abus de pouvoir et l'impuissance à gouverner, l'arbitraire et l'indécision, l'omnipotence et l'impotence, la légitimité démocratique et le viol des lois, l'aveuglement croissant et l'illusion de l'infaillibilité, l'État républicain et le favoritisme monarchique, l'échec et l'arrogance, l'impopularité et le contentement de soi. »

Lorsqu'on lit ses lignes rédigées en 1992, on est frappé par le fait qu'elles pourraient à peu de chose près s'appliquer 30 ans après au président actuel Emmanuel Macron. C'est un peu la thèse de Jean-François Revel (1924 - 2006) qui défend l'idée que ce ne sont pas forcément les hommes au pouvoir qui sont coupables, mais l'institution.

« Il est des outils dont le mauvais usage découle si manifestement de la notice d'emploi qu'il est criminel de les placer entre les mains fût-ce d'un saint. » Chaque nouveau président prend le pouvoir en promettant d'éviter les abus de ces prédécesseurs, mais se laisse progressivement grisé par la fonction et les prérogatives qui y sont attachées. Ce livre n'a pas pour but de juger des mérites de la politique de tel ou tel président, il s'agit de décrire la mécanique du pouvoir présidentiel tel qu'il fonctionne en France. Bien qu'écrit en 1992 cet ouvrage est toujours d'actualité, car il parle de notre constitution en vigueur depuis 1958 et dont l'opposition réclame à grand cri la refonte.

Dès le deuxième chapitre, Jean-François Revel parle de l'article 49-3 de la constitution qui fait aujourd'hui l'actualité dans le cadre de la réforme des retraites dont l'adoption aux forceps est rejetée par une grande majorité de Français. Cet article 49-3 a pour conséquence qu'un texte de loi sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité est considéré comme adopté à moins qu'une motion de censure ne soit votée.

« Cet article est l'un des facteurs qui ont contribué à faire de l'Assemblée nationale le seul lieu en France où l'on ne débatte jamais des grands problèmes nationaux » (Page 17)

« Dans la Ve république, il semble qu'il n'y ait plus rien entre l'Élysée et la rue, parce que l'Élysée, pour son confort, a laminé les pouvoirs intermédiaires et débranché les signaux d'alarme, de sorte que le président se réveille périodiquement dans un paysage inconnu, face à un peuple qu'il a perdu de vue » (Page 57)

C'est donc à une critique virulente de nos institutions à laquelle se livre l'auteur avec intelligence et humour comme à son habitude. Il dénonce également l'irresponsabilité des gouvernants : « La logique de la Ve république déresponsabilise, puisque le pouvoir y est imparti par un omnipotent irresponsable à des créatures qui ne sont que des émanations de son essence et participent en conséquence de son privilège d'irresponsabilité. » « Page 77)

Tout ce que dit Jean-François Revel relève à la fois du constat et de la prémonition, car le futur lui donne raison :

« Dans la Ve république, le dialogue ne précède jamais la décision, il suit le fait accompli, quand la société se rebiffe. Imbu de lui-même le pouvoir présidentocratique, surtout quand il est représenté par les larbins et obligés, souvent plus cassants que le maître (on peut penser aujourd'hui aux ministres Darmanin et Dussopt), ne s'abaisse pas au compromis durant les phases préparatoires. Il supprime ou écourte la négociation et se dispense d'obtenir un accord préalable des citoyens concernés. Puis, quand la révolte déferle dans la rue, il bat en retraite et ouvre les pourparlers ». (Page 143)

On ne sait pas si le projet de réforme de la retraite va finalement être promulgué, mais le mécanisme décrit par Jean-François Revel colle parfaitement à l'actualité. Après avoir souhaité écourter le dialogue social, la Première ministre reçoit aujourd'hui les syndicats plus renforcés que jamais. Un formidable bras de fer est en cours, entre d'un côté, le pouvoir en place qui compte bien utiliser tous les moyens constitutionnels pour faire passer sa loi et de l'autre, la majorité des Français qui réclame plus de démocratie dans notre pays. La légalité d'une action n'est pas garante de sa justice.L'accumulation des manoeuvres « légales » pour faire passer par la force une loi rejetée par le peuple peut conduire à faire exploser le système.Notre constitution est peut-être arrivée à ses limites et il est peut-être temps de la réformer, c'est ce que Jean-François Revel nous dit dans son excellent essai « l'absolutisme inefficace ».

— « L'absolutisme inefficace, ou contre le présidentialisme à la française », Jean-François Revel, Plon (1992), 190 pages.
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Voici un livre plus que jamais d'actualité, dans lequel on retrouve la puissance d'analyse de J.F. Revel, sa merveilleuse écriture et son sens de la formule.
Les changements institutionnels opérés depuis sa parution ne remettent pas en cause la nature du régime qui écorne , avec le consentement du peuple qui lui a donné quitus, les principes fondamentaux naguère édictés par Montesquieu. Cet absolutisme inefficace est bien celui qui réduit le Parlement à une chambre d'enregistrement des lois et rabaisse le pouvoir judiciaire au statut de simple autorité, tandis qu'il confère au premier magistrat du pays une omniscience et une omnipotence d'homme providentiel qui nourrissent l'inefficacité dépeinte dans ces pages.
Oui, le diagnostic posé par le regretté J.F. Revel est, hélas, toujours pertinent.
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Ce livre écrit en 1992 est un vivant plaidoyer pour une changement de constitution et donc pour une VI ème République fondée sur un équilibre des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire et dont l'application serait plus en coïncidence avec la lettre et l'esprit des textes fondamentaux. Bien qu'écrit il y a deux décennies, ce livre, appuyés principalement sur des exemples de l'ère Mitterrand,reste d'une actualité indiscutable même s'il peut apparaitre, à tort, qu'un changement de constitution n'est pas le problème le plus urgent que nous ayons à résoudre.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
La démocratie a organisé la surveillance et l'éventuelle réprimande des opérations financières de l'exécutif par le législatif et des magistratures appropriées. Dés lors que cette surveillance devient symbolique et que le pouvoir n'a cure des réprimandes, c'est que l'on est tombé de la démocratie dans la présidentocratie. (p.99)
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Dans le jargon pseudo-constitutionnel fixé par la routine du Régime, on dit que le Premier ministre sert de "fusible" au président. Autrement dit, c'est un élément qui fond quand la température s'élève trop, de manière à protéger le président. Le recours habituel à cette métaphore équivaut à reconnaître que nous ne sommes pas en démocratie. En effet, la démocratie, c'est la responsabilité. Or, parler de fusible, c'est avouer qu'on s'installe dans une duplicité où celui qui décide réellement n'est pas responsable et où celui qui est tenu pour responsable n'est pas celui qui décide. (p.35)
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Sous la présidentocratie, la France a été de plus en plus étatisée et de moins en moins gouvernée. Gouverner, cela veut dire prendre, en fonction de l'intérêt des citoyens et d'eux seuls, des décisions dont on assume la responsabilité. Etatiser, cela veut dire accroître le plus possible le nombre de places et la quantité d'argent public que le parti au pouvoir distribue à ses membres et à ses amis, tout en les absolvant de leurs malhonnêtetés ou erreurs et des catastrophes qui en résultent. (p. 71)
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La logique de la Vè République déresponsabilise, puisque le pouvoir y est imparti par un omnipotent irresponsable à des créatures qui ne sont que des émanations de son essence et participent en conséquence de son privilège d'irresponsabilité. (p. 78)
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Imaginez qu'en 1914, quand les Parisiens angoissés savaient l'armée allemande à quelques kilomètres de la capitale, on leur ait dit : " Rassurez-vous, Joffre va passer chez Elkabbach. " Il vaut mieux " passer " à la suite plutôt qu'à la place de la victoire de la Marne. La communication devient un poison quand elle débouche sur l'illusion que le verbe suffit. (p. 113)
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