Depuis les années 60, l'intérêt pour le bouddhisme n'a fait que croître dans les pays occidentaux. de la contre-culture des sixties à la vulgarisation des années 90, du New Age à la pratique des arts martiaux et de la méditation, le bouddhisme attire, convertit, s'affiche au cinéma (Little Buddha, Kundun, Sept ans d'aventures au Tibet), à la télévision (Message des Tibétains d'
Arnaud Desjardins). le drame du peuple tibétain dont les monastères ont été rasés et les moines massacrés a touché les consciences, relayé par
Le Dalaï Lama qui obtient le prix Nobel de la paix en 1989 ou des occidentaux convertis comme Matthieu Ricart. le bouddhisme comme spiritualité laïque, recherche pratique de la sagesse, quête du bonheur, séduit alors que s'effondre le bloc communiste, et que les religions traditionnelles et la philosophie occidentales n'apportent pas de réponse satisfaisante aux grandes questions existentielles dans la société moderne.
Cet intérêt pour le bouddhisme n'est pas nouveau. S'il n'existe pas de lien ni de continuité entre les différentes époques qui ont pu avoir des contacts avec le bouddhisme, il y a bien unité du regard européen.
Dès l'Antiquité beaucoup d'échanges commerciaux existent entre l'Orient et l'Occident et l'on peut supposer une influence du bouddhisme sur la pensée grecque et le christianisme.
Au Moyen Age l'imaginaire du bouddhisme est lié au merveilleux, à la sagesse, à la découverte du Tibet magique. Marco Polo est le premier à raconter l'histoire du Bouddha. Au 16e siècle les missionnaires seront moins ouverts et plus soucieux d'imposer leur religion. le bouddhisme va fournir des arguments aux Occidentaux pour régler leurs querelles religieuses et politiques. L'Orientalisme devient à la mode chez les artistes, en particulier les romantiques, mais il s'agit plutôt d'un Orient idéalisé, berceau de l'humanité.
Schopenhauer va jouer un rôle crucial dans la réception du bouddhisme en France. Mais en fait le pessimisme du philosophe a peu de rapport avec la pensée bouddhiste. C'est à partir des années 1850 qu'on peut observer une approche savante du bouddhisme, la traduction des grands textes. le 19e siècle connaît également un grand retour de l'ésotérisme, du spiritisme et de l'occultisme.
Au début du 20e siècle, la célèbre aventurière
Alexandra David-Neel va vivre 13 ans en Asie, réussir à pénétrer dans la cité interdite de Lhassa, capitale du Tibet, et faire connaître le bouddhisme tibétain à travers le monde.
Le bouddhisme va également être récupéré et déformé : société Théosophique, ordre du Temple solaire, New Age. Deux best sellers, qui sont en fait des mystifications littéraires vont connaître un grand succès dans les années 70 : "La vie des maitres" de Spalding et "
Le troisième oeil" de
Lobsang Rampa. Ils vont néanmoins conduire beaucoup de gens à s'intéresser au bouddhisme...à tel point que "Le livre des morts des tibétains" va être l'objet d' un réel engouement.
Humaniste, philosophie de la responsabilité, complémentaire à l'esprit technicien de l'Occident, le bouddhisme offre une pratique nouvelle de la sagesse peut-être plus adaptée à la vie moderne que les religions traditionnelles et une réponse à nos grands refoulements : l'imaginaire,
le sens de la vie, le monde intérieur. Ainsi que la capacité à acquérir le force intérieure nécessaire pour affronter les nouveaux défis de ce siècle.
Cet ouvrage très érudit sur les relations entre le bouddhisme et l'Occident, est en fait une partie de la thèse que
Frédéric Lenoir a soutenue à l'Ecole des Hautes Etudes en 1999. Sa lecture, qui nécessite d'avoir déjà quelques connaissances et de l'intérêt pour le sujet, est passionnante par le foisonnement d'informations et de réflexions qu'elle suscite. On y retrouve le cheminement de tous ceux qui se sont un jour ou l'autre intéressé à la philosophie orientale et à son art de vivre, insatisfaits par nos sociétés de profit et de consommation. Peut-être que la réponse à nos doutes se situe dans cette sagesse venue de très loin...C'est en tous cas la réponse que nous suggère l'auteur et qu'il a mis en pratique dans la suite de sa vie et de son oeuvre.