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« On est [...] dans le département le plus pauvre de la France métropolitaine, dans une de ses villes les plus pauvres, coincés, dans une bordure entre zone franche et zone sensible [...]. »

C'est Bondy Nord plus précisément, en banlieue parisienne, dans le célèbre 9-3. Et c'est plus particulièrement dans un carrefour atypique que l'action se déroule, avec son autoroute suspendue et ses bifurcations, sa Nationale 3, son camp de Roms, ses rangées d'immeubles. Au milieu de cette mare de béton, il y a un lycée. Pour y arriver, rien de plus simple : traverser la Nationale et passer sous l'autoroute.

C'est là-bas qu'on fera connaissance avec les protagonistes : Candice, prof de français ; Paul, écrivain-poète venu animer un atelier d'écriture ; Mo, Momo ou Mohammed, élève plutôt discret, solitaire, sans histoire. Mais aussi Philippe, le syndicaliste ; Chantal, la coordo ; Nathalie, la CPE ; Sara, pour qui en pince Mo ; ou encore Mahdi, à l'oeil au beurre noir...

L'action se déroule sur une journée, à heures précises, en des lieux bien précis au sein du lycée ou ses alentours. Une journée qui débute comme les autres, si ce n'est que la veille, des tirs à la Kalach ont eu lieu dans le quartier, si ce n'est qu'un des élèves a eu une rixe avec un individu chelou juste avant l'ouverture des grilles du lycée, si ce n'est que ça tourne en boucle sur les réseaux sociaux, si ce n'est que la tension monte au fil de la journée...

Thomas B. Reverdy, à travers son roman, dénonce plusieurs choses, mais on en retiendra essentiellement deux : le système scolaire en zone sensible et la violence quotidienne dans les quartiers défavorisés. le point d'ancrage est le lycée et c'est autour de lui que gravitent les protagonistes. de là, sont évoqués le manque de moyens et de profs, le manque de motivation de certains profs et élèves, les pressions sociales et culturelles, les problèmes de vocabulaire, de codes et d'écoute, les infos qui tournent sur les réseaux sociaux et mettent le feu aux poudres...

Grèves d'un côté. Émeutes de l'autre. Mécontentement et colère partout.

Et finalement, la journée ne se déroule pas comme les autres...

Ainsi, avec ce roman que l'on peut qualifier de dénonciateur, l'auteur tape fort et met le doigt là où ça fait mal.

Voilà qui aurait pu me percuter davantage si le style de l'auteur ne m'avait pas fortement déplu. Des phrases saissantes et authentiques, dépeignant tout bien comme il faut (jusque-là tout va bien !), et des tonnes de virgules pour séparer les dialogues des uns et des autres (et voilà, on y est !). Comprenez bien, c'est tellement simple que d'aller à la ligne et mettre des tirets, mieux vaut faire plus compliqué... Séparez les différentes répliques par des virgules, dans une même phrase ou un même paragraphe, et faites deviner au lecteur quand et qui dit quoi. C'est tellement plus gonflant ! Ainsi la tension monte de partout : au sein du récit et chez le lecteur lui-même. Et quand je parle de lecteur, je parle bien évidemment de moi, je ne me permettrais pas de parler pour les autres, chez qui ça n'a visiblement pas gêné. Chez moi, c'est rédhibitoire, ça me gâche complètement mon plaisir de lecture, d'où ma note salée.

Pourtant, les lieux et décors sont partie prenante dans l'histoire, l'atmosphère tendue est palpable jusqu'au bout des doigts, les sujets et thèmes abordés sont évocateurs. Dommage que je sois restée bloquée sur le style trop décousu et méli-mélo...

En bref, j'ai adoré le fond et détesté la forme.
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Il y a déjà le décor. Bondy et ce réseau routier monstrueux en forme de lacets qui se croisent et s'entrecroisent, formant des ponts, sous lesquels vivent toutes sortes de gens. Les cités ou quartiers (selon les générations) entourent tant bien que mal ces routes, et une cité scolaire émerge tel un bateau à la dérive, dans un océan de béton. le canal, offre une bouffée d'air frais, les levers de soleils sont splendides avec ce ciel qui change de couleur.

Ce matin-là, une bagarre entre un lycéen et un type agressif va provoquer une émeute. Nous allons suivre les habitants, les enseignants et les lycéens pendant cette journée. le pouvoir des réseaux sociaux qui vont s'enflammer suite à ce fait divers, relayé par les grands frères.

J'ai suivi avec plaisir, le fonctionnement de la cité scolaire avec les gamins qui font ce qu'ils peuvent, souvent avec leur coeur, leurs problèmes et les pressions familiales. Les enseignants s'adaptent et adaptent le programme scolaire pour faire passer des messages, telles les traditions transmises par les mères avec l'exemple de la princesse de Clèves. L'écrivain parisien intervient pour animer un atelier d'écriture et va suivre la professeure de français qui l'a invité mais aussi faire connaissance avec les autres professeurs, les syndiqués, les revendicatifs et les autres. Les surveillants (pions) qui font ce qu'ils peuvent aussi, ils n'ont pas vraiment le choix, ce sont des emplois précaires, plus des jobs étudiants. Au bout de cette chaîne, la proviseure préférant ne pas voir les problèmes, un déni confortable, histoire de statistiques, de prime de bonne gestion, ne pas attirer l'attention du rectorat.

Le mouvement de colère enfle avec la journée qui passe et va traverser la ville et la cité scolaire. Les policiers sont dépassés par le nombre de manifestants, ils vont surtout tenter de sauver leur peau. Tous vont essayer de protéger les enfants. Il y aura du grabuge, certes, mais il y a toujours une once d'espoir dans cette histoire.

C'est un roman réaliste et percutant qui laisse une trace de la vie en banlieue, de l'ambiance d'une cité scolaire, de l'engagement des enseignants et surtout comment peuvent démarrer les émeutes à notre époque.


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Tout, tout, tout, vous saurez tout sur l'Education nationale lorsque vous aurez fini ce livre...
Un constat d'une lucidité telle, qu'elle en est éblouissante !
Et pour cause, Thomas B. Reverdy fait partie du "mammouth", professeur de français en banlieue "chaude", il en connait tous les rouages, les défauts, les dangers, les petits renoncements .
Et le constat est amer." Plus personne ne veut faire ce boulot".
De la crise des vocations, au recrutement "speed dating", des vacataires payés au lance pierre, jusqu'aux photocopieuses,(deux dont l'une ne marche pas, pour un établissement de plus de mille élèves ... ). Pas d'eau chaude aux toilettes, pas de chauffage dans la salle des profs.
Et "pas de vague", aussi...
Un portrait peu flatteur mais ultra réaliste d'un établissement scolaire.
Unité de lieu, unité de temps. L'auteur n'a besoin que d'une journée pour faire comprendre le fragile équilibre, la tension qui règne dans cet endroit. Il suffira d'une étincelle pour que tout s'embrase.

Il est 7h30. On est dans la France moche , sur le pont de Bondy, sous l'autoroute A3, un carrefour et pas loin , un lycée.
Une prof arrive en vélo, un écrivain poète s'apprête à donner un cours d'écriture. Il sera notre candide, celui qui découvrira les lieux, écoutera les gens, sera étonné.
Des jeunes marchent, ils vont au bahut. Une altercation survient entre un homme et un gamin, il en résultera une émeute. Entre ces deux points, quelques heures où tout basculera gentiment, presque négligemment, presque inocemment . Ça aurait (presque), pu, ne pas arriver.
Elle est touchante cette prof, qui ne voulait pas devenir prof, mais qui fait si bien son boulot : Candice.
Ils sont si vrais ses collégues, qui essaient d'améliorer le quotidien de ces mômes, qui proposent des choses, qui se découragent aussi. Parfois. Un peu.
Et il en faut du courage pour lutter contre le manque de moyens, contre les politiques si léthargiques.

C'est un roman que tout le monde devrait lire, pour ne pas dire : on savait pas... on croyait que... C'est un roman que devraient lire tous les journalistes qui blablatent à longueurs de plateaux télé, sur (en vrac ) : les jeunes, les cités, l'éducation nationale, alors qu'ils ne savent rien, qu'ils n'y ont jamais mis les pieds .
Nous, nous pouvons y mettre le pied à Bondy, grace à ce livre. Entrebailler la porte, nous rendre compte.
L' auteur nous dit à la fin :
"Pourtant l'histoire que vous venez de lire est une fiction. Elle est "vraie", non pas réelle".

Aussi fort qu'un reportage...

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Je tire la langue (sur ma copie). M. Reverdy m'a donné un devoir de vacances, rédiger un billet de son livre. Alors je me lance : Rouge la bouche de Candice, Bleues les boots de Paul, Grise la vie de Mo.
Unité de temps, une seule journée, qui s'égrène en rythme sur une journée scolaire, quasi-unité de lieu ; un lycée de Bondy et ses abords, unité d'action pour une journée de classe presque ordinaire.

Bleu du ciel : Thomas Reverdy tourne la tête et celle des élèves vers les fenêtres plutôt que vers les murs tristes de la salle de classe. Les pigeons du chinois décrivent des cercles dans le ciel. Une invitation au voyage, à se tirer vite fait d'ici en trois coups d'ailes pour un autre avenir que les cités de béton, la drogue et les vues sans horizon.
Rouge incendie : la fin en feu d'artifice de violence et de colère surfe sur les éléments récents des émeutes urbaines, mais dans cette partie Thomas Reverdy s'éloigne un peu trop de son sujet et perd selon moi en crédibilité. Comme si cette partie avait été écrite pour un autre texte, puis finalement un peu bricolée pour le rattacher à celui-ci.
Ennui Gris : je n'ai pas cru aux personnages de Candice, Paul et Mo, ils m'ont paru déguisés, caricaturaux, avec des personnalités trop attendues (le vieux syndicaliste grincheux, la jeune prof dynamique qui veut encore y croire, le poète bobo parisien effrayé à l'idée de franchir le périphérique, …). Les histoires d'amour naissantes sont maladroites, superficielles et surjouées, sans envergure ni souffle, elles ne m'ont pas procuré d'émotion. L'auteur ne m'a pas semblé à son aise sur ce sujet.

Je retiendrai de ce roman avant tout la critique bien dosée de notre cher mammouth. L'auteur étant prof lui-même dans un lycée de Bondy, il n'a pas eu besoin de beaucoup d'inspiration pour trouver son sujet. Les anecdotes fusent, les remarques bien senties sur la vie d'un lycée se bousculent.
Tout est décortiqué et tout y passe, des photocopieuses défaillantes, aux files de la cantine, l'infirmerie, les pions, les profs, les syndiqués, plus d'une remarque m'ont rappelé des souvenirs de mes années lycée (et l'on se rassure en se disant que finalement presque rien n'a changé). Tout ce joyeux microcosme s'évertue à faire grandir des ados, les pousser vers un avenir meilleur, avec une foi inébranlable dans l'ascenseur social. Tenir tous les jours, avec trois bouts de ficelle en mode sacerdoce, la foi en ces jeunes bien calée au fond du sac en bandoulière.

« Les gamins, c'est comme s'ils étaient tous myopes. Ils ne voient que le copain à qui ils sont en train de parler, en général très fort, parce qu'ils sont myopes de l'oreille aussi. Ils marchent de front comme s'ils avaient loué le couloir, les écouteurs encore enfoncés dans les oreilles, le téléphone à la main, la casquette vissée sur la tête, il y en a même qui s'assoient là, par terre, contre le mur, les jambes bien étendues devant eux comme un piège à vieux. (p.60) »
« Ils ne sont pas nombreux à se promener tout seuls, comme Mo. Ils marchent. Ils font tous semblant d'aller quelque part, d'avoir quelque chose à faire, d'avoir quelqu'un à retrouver. C'est important, de ne pas rester seul. Ne pas avoir de copains, c'est pas normal. C'est louche.
Les jeunes, ça se déplace en bande. (p.96) »

Alors pourquoi ces 2,5 petites étoiles ? parce que finalement, ce livre je l'ai plus ressenti comme un reportage, un documentaire intéressant, mais je n'ai pas été emportée par l'histoire racontée, ni le style.
La sonnerie a retenti, il est l'heure de rendre ma copie à M. Reverdy.
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Le quotidien d'un établissement scolaire dans une zone prioritaire, pas loin d'un carrefour gigantesque, enchevêtrement de voies et de ponts à l'Est de Paris.

L'arrivée d'un écrivain modifie un peu la routine : la prof de théâtre l'a convié pour animer un atelier d'écriture.
Le jour même, un événement bouscule le relatif calme du secteur. Mahdi s'est fait tabassé par un type attendait comme lui le tram. Et il semble bien qu'il s'agissait d'un flic en civil. Il en faut peu pour mettre le feu aux poudres…

Avec beaucoup de tendresse pour ses personnages, qu'ils soient profs ou élèves, Thomas B. Reverdy se livre à une analyse sociologique détaillée de la banlieue, avec retour sur l'historique et étude circonstanciée des forces en marche.

On vit au coeur de cet établissement et on partage les tracas quotidiens de ceux qui tentent encore de soutenir ce système à bout de souffle.

C'est aussi un dossier à charge pour la collectivité, qui semble ne pas tenir compte des appels au secours, de ceux qui tentent de maintenir le navire à flot, malgré le manque flagrant de moyens, pas assez de profs, des locaux qui se détériorent, du matériel obsolète ou défectueux…
On comprend que la révolte gronde et tout peut rapidement s'embraser, d'autant que les réseaux sociaux agissent comme des catalyseurs invisibles mais terriblement efficaces.

Un roman social qui se parcourt avec plaisir.


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WESH MA GUEULE ! (ou Salut les Babeliopotes ! )

Le Grand Secours, c'est l'histoire d'une journée. Une journée pas ordinaire.
Une journée où le chaos s'installe heure après heure, où l'on ne contrôle plus rien, où tout bascule.
Bondy Nord, banlieue ghetto près de Paris. Petit matin, une bagarre éclate. Un type, un peu skin, a défiguré un ado. La scène est filmée.
Mo est dans le bus, il a vu la scène... et il voit le skin monter dans le bus... sauf qu'il voit sa carte de flic et la prend en photo.
Mon il ne pense pas à mal à ce moment-là. Il est plutôt surpris de voir que celui qui a tabassé l'autre jeune pour des broutilles est un flic. La photo finira sur les réseaux sociaux.
Mo lui poursuit sa journée, il va au lycée et rêve de Sarah pour qui il a écrit un poème. Dans un collège/lycée où les profs font comme ils peuvent pour essayer de sortir ces gamins de là.
La photo, pendant ce temps là, a fait son sale boulot et la rue gronde...

Thomas Reverdy pose deux grands constats dans son roman.
Le premier étant l'état des banlieues "poubelles " de Paris. Ces endroits où l'on a balancé les gens qu'on ne voulait pas voir dans la capitale. Ces immigrés, les plus pauvres. Ces gens qui vivent dans des environnements délabrés entre autoroutes et hypermarchés. Qui n'ont d'horizon que le béton. Où la jeunesse n'a que la débrouille pour s'en sortir, et tombe bien vite dans toutes sortes de trafics. C'est la France qu'on ne veut pas voir, celle qu'on abandonne.
Le second, c'est l'état de l'enseignement en France, et dans ces banlieues plus particulièrement. Avec des profs qui se battent au quotidien et font de leur mieux. Avec des classes surpeuplées d'élèves indisciplinés, avec les problèmes d'intégration et de multiculturalités, avec peu de moyens financiers. Ils se battent car c'est leur métier. Prof ! Métier dévalorisé, plus reconnu. Métier où l'on demande de plus en plus en payant de moins en moins.

Le Grand Secours, c'est une bonne douche froide qui permet d'ouvrir les yeux sur la réalité des banlieues et de l'enseignement, et c'est aussi un très bon bouquin de cette rentrée 2023 que je vous conseille de lire !
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Bon sang, il est très bon, ce dernier livre de Thomas Reverdy !

Trois raisons de lire cet excellent livre :

Sociologiquement, tout d'abord, c'est une excellente description de la vie dans ces « banlieues » parisiennes, loin des images choc de chaînes d'information en continue qui ne font qui passer à l'occasion d'émeutes. Dans ce livre, on se centrera sur Bondy, une ville de Seine St Denis située à 6 km de Paris, mais à des années lumières de la capitale d'un point de vue sociologique. A proximité de Aulnay-sous-Bois, du Blanc-Mesnil, de Bobigny ou de Drancy (des noms qui raisonnent tous aux oreilles des auditeurs ou téléspectateurs lorsqu'il question d' « ensauvagement"), on entendra la colère gronder et monter au fil de la journée, suite à une altercation entre un jeune de la cité, Mo, et un personnage malveillant qui s'avèrera … appartenir à la police.

Pédagogiquement aussi, c'est un subtil témoignage sur la vie des profs dans les lycées de banlieue « du 9.3 » et qui font partie de l'académie de Créteil, surnommée « l'académie à 21 points » (21 points étant le barème le plus bas pour obtenir un poste) – ce qui signifie qu'ils ont le minimum de points requis pour une affectation (la plupart attendant avec impatience d'être mutés ailleurs) et qu'ils doivent affronter quotidiennement une armée de collégiens prête à se soulever face aux adultes.
Candice, une sympathique professeure de français oeuvre dans ce collège de banlieue. Ce qui l'a retenue, se demande l'auteur ? « Une poignée de collègues, et surtout cette sympathie qu'elle a pour les élèves, même les plus affreux. Mais l'impression que les choses se dégradent peu à peu la mine. le lycée qui tombe en ruine, bâtiment après bâtiment, salle après salle. le baccalauréat abandonné. Les programmes de plus en plus contraints, réactionnaires et inutiles. Les élèves de plus en plus loin de la lecture, du savoir, de l'enseignement. Les collègues paupérisés, de moins en moins conscients d'appartenir à une sorte de bourgeoisie éclairée dont le rôle serait de guider le peuple vers l'émancipation – c'est ronflant à dire mais c'est bien ça être prof. »

Poétiquement, c'est encore plus intéressant peut-être. le personnage principal, Paul, est écrivain – pas spécialement connu, donc avec une vie faite de petits boulots et d'expédients pour survivre. Lorsque l'histoire commence, il est appelé au Lycée de Bondy par Candice, qui tente d'éveiller ses élèves aux classiques de la langue française, en leur expliquant les subtilités de la princesse de Clèves (clin d'oeil aux adolescentes d'aujourd'hui) ou du Bourgeois Gentilhomme avec tous ces sous-entendus que les adolescents d'aujourd'hui ne comprennent plus.
Paul Le poète a dû « traverser la nationale et passer sous l'autoroute », avant de rejoindre l'établissement scolaire. Et c'est tout un territoire qui se définit dans ce croisement de routes qui ne s'arrêtent jamais à Bondy et se dirigent vers d'autres destinations bien plus prestigieuses.
Paul pratique les ateliers d'écriture, et il va exercer ses talents avec plusieurs classes, ce qui va produire des effets étonnants parmi des élèves (notamment sur Mo, amoureux d'une collégienne qui ne s'intéresse pas du tout à lui) à qui on n'avait jamais donné l'opportunité de s'exprimer librement.

Je l'avoue, en tant qu'animatrice d'atelier d'écriture moi-même, des passages m'ont ému aux larmes.

Il y avait longtemps que cela ne m'était pas arrivé : lire, sous la plume si pertinente de Thomas B. Reverdy, le récit de ses adolescents un instant oublier la violence de leur environnement pour déverser sur le papier le contenu de leur quotidien m'a profondément touchée.

Thomas B. Reverdy est prof dans la vie, et ça se sent tout de suite. Voilà quelqu'un qui sait de quoi il parle. Et lorsqu'il nous raconte une histoire, au cours d'une seule journée, de cette montée de colère extérieure au collège mais qui va bientôt déferler sur l'établissement scolaire, on y croit tout à fait. Thomas B. Reverdy dit encore dans une interview : “En tant qu'enseignant, j'ai plus l'impression d'être un travailleur social qu'un bourgeois éclairé qui oeuvre pour la jeunesse” et c'est bien de cette position qu'il nous écrit également.

Car il y a une lecture politique aussi qu'on peut faire du « Grand Secours ».
« Au fil des années » dit Reverdy encore dans une interview, « la pratique de l'écriture à l'école recule. Au lycée et au collège, on fait de moins en moins de rédaction. La dernière réforme a d'ailleurs supprimé l'épreuve d'écriture d'invention au bac. Je trouve que c'est dommage, car petit à petit, on oriente l'écriture vers l'écriture argumentative en se disant qu'on est en train de travailler le raisonnement, mais en réalité, on est juste en train d'appauvrir l'imagination. D'une certaine manière, l'école tue l'imagination et je trouve ça assez triste. " dit l'auteur.

Ni documentaire sur les banlieues, ni témoignage sur les collèges d'aujourd'hui pour autant, ce récit mériterait vraiment d'être lu au plus haut niveau ( j'allais dire par notre Ministre de l'Education, mais il est entre temps devenu Premier Ministre) parce qu'il relate le quotidien de ces communautés éducatives qui font ce qu'elles peuvent pour préserver un peu de citoyenneté, d'apprentissage des règles de démocratie, et enseigner des fondamentaux à des adolescents qui vivent le pire dans ces cités de région parisienne.

Pour ne pas divulgâcher la fin, on ne dévoilera pas la raison du titre de ce « grand secours » qui sera l'élément final qui mettra un terme à la révolte des jeunes. Mais le sous texte ne signifie-t-il pas que la littérature, elle aussi, pourrait être notre dernier secours à tous, face à ces situations désarmantes auxquelles les profs sont confrontés ?

De Thomas B. Reverdy j'avais aimé « Il était une ville » qui traitait déjà de la question des banlieues abandonnées, mais là il s'agissait de Detroit aux Etats-Unis. J'avais aussi apprécié « L'hiver du mécontentement », et dans une moindre mesure « Climax », plus récent, sur les questions de dérèglement climatique.

Avec beaucoup de finesse, « le Grand secours » est ici un puissant hommage à la littérature, la vraie et au fait de lire et écrire (l'un ne va pas sans l'autre, explique Paul à des collégiens qui n'ont jamais l'occasion de s'exprimer ainsi). En cette période d'incertitude ou un Ministre de l'Education Nationale peut devenir Premier Ministre, recourir à l'ouvrage de Thomas B. Reverdy et en ressortir bouleversé peut être d'un grand secours.
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« Elle montre, tout près de la régie, la vanne du grand secours, c'est comme ça qu'on l'appelle. Il y en a dans tous les théâtres. C'est la vanne de déclenchement du dispositif anti-incendie. Rouge, pour qu'on la reconnaisse. Elle noie la salle en vingt secondes. » ● Un matin de janvier, Candice, professeur de lettres au lycée de Bondy, et Paul, un poète et écrivain méconnu, vont commencer leur journée. Candice a invité Paul à intervenir dans les classes du lycée. Juste à côté, vers l'échangeur de l'A3, une bousculade a lieu entre un jeune et un homme baraqué. Ce dernier invective et frappe le jeune. Mo, un gentil garçon amoureux de la belle Sara, est témoin de la scène. Lorsque l'homme monte dans le bus, il a le réflexe de le prendre en photo. Celle-ci révèle qu'une carte de policier figure dans son portefeuille. de quoi mettre le feu aux poudres dans cette banlieue sensible. ● Thomas B. Reverdy est professeur de lettres au lycée de Bondy, autant dire qu'il sait de quoi il parle. « Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas écrire un roman sur vous », fait-il dire à Paul à l'adresse des élèves. Si ce dernier ne le fait pas, Thomas B. Reverdy, lui, le fait ! On voit bien que dans cet établissement scolaire, comme dans la plupart, le mot d'ordre est : « pas de vagues » : La proviseure « essaie de ne pas perdre trop de points, au jeu du rectorat, en s'intéressant trop à son lycée, son personnel, ses profs et ses élèves, bref à son boulot, ce qui ne manquerait pas de faire apparaître des problèmes qu'on ne manquerait pas de lui reprocher. » ● le roman retrace bien la façon dont une émeute aux conséquences dévastatrices peut jaillir d'un événement ponctuel et évitable. Si le baraqué et le jeune ne s'étaient pas trouvé au même endroit au même moment, si Mo n'avait pas pris de photo, rien ne serait arrivé… ● L'histoire se déroule sur une seule journée, chaque chapitre commençant avec une mention de l'heure, et on trouve ici les trois unités classiques : temps, lieu et action. ● L'auteur introduit avec subtilité le personnage de Paul, un bobo parisien, dans cette jungle, sorte de représentant du lecteur en tant que témoin des événements. ● Les deux premiers tiers du livre, qui décrivent essentiellement comment l'enseignement se passe dans un lycée « sensible », m'ont paru très bons, en faisant abstraction de l'idéologie que l'auteur se croit obligé d'adjoindre à l'histoire. J'ai été choqué, mais pas surpris, que certains professeurs, essayent d'enrôler sans vergogne les élèves dans leurs combats syndicaux en les incitant à faire le blocus du lycée par exemple. Ainsi, ils peuvent ne pas faire cours pour protester tout en étant payés, contrairement à ce qui se passe lorsqu'ils font grève. ● En revanche, le dernier tiers m'a paru faible. J'ai trouvé que l'auteur ne savait pas raconter les scènes d'émeute, ne savait pas faire monter la pression peu à peu, notamment avec les reprises des scènes sous un autre point de vue, qui ralentissent le rythme au lieu de l'accélérer. ● La double histoire d'amour d'une part entre Mo et Sara, et d'autre part entre Candice et Paul, m'a paru assez maladroite aussi. ● En conclusion, je ressors avec un sentiment mitigé de la lecture de ce roman.
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Le Grand Secours est une immersion en apnée derrière les murs d'un lycée en REP (Réseau d'Éducation Prioritaire) de Seine-Saint-Denis au nord de Bondy, où enseigner est devenu un véritable sacerdoce.
Thomas B. Reverdy nous plonge dans ce quotidien et nous raconte une journée presque ordinaire, l'histoire débute un lundi de janvier à 7 h 30 sur le pont de Bondy, au-dessus du canal pour s'achever le même jour à 17 h dans ce lycée voisin.
Dans cette parenthèse éphémère qui va enfler comme un ouragan, l'étincelle est venue d'une banale altercation matinale à l'arrêt d'une station de bus.
Nous croisons des personnages qui vont porter de manière chorale cette histoire : Mo, un lycéen réservé, poète et amoureux d'une camarade de classe Sara. Paul, un écrivain un peu dépressif, un peu poète aussi, en résidence dans la classe de Candice, une professeure de français pleine d'énergie et d'optimisme. Mahdi, le petit frère d'un caïd, Sara et ses copines…
C'est Mo qui nous plante le décor dès les toutes premières pages où il assiste depuis le pont de Bondy à l'altercation. On suit son regard qui balaie le paysage à 360° degrés : un entrelacs de bretelles d'autoroutes, des rampes qui descendent et tournent comme des toupies, des files interminables de voitures et de bus qui se croisent, des entrepôts et des grandes surfaces d'un côté, un camp de Roms de l'autre, et une école coincée comme une bulle de résistance dans ce magma en fusion...
Il y a une unité de temps, une unité de lieu, dans ce huis-clos scolaire découpé par tranche et qui se déploie comme la dramaturgie d'une pièce de théâtre.
Thomas B. Reverdy nous délivre un regard sans concession sur le pan d'une société malade.
C'est un territoire abandonné depuis longtemps par l'État, qui de temps en temps fait semblant d'exister encore un peu... C'est un territoire laissé aux mains des gangs de la drogue qui règnent en toute impunité, gangrené par le racisme ordinaire, la violence policière, le désespoir et la colère de toute une jeunesse.
Face à ce constat édifiant, la persévérance et le courage des professeurs sont admirables qui accomplissent chaque jour leur mission avec une vocation chevillée au corps et des moyens matériels qui se réduisent comme une peau de chagrin.
Et puis il y a les autres, ceux qui ont baissé les bras et il y a ceux qui y croient encore un peu...
Dans ce contexte, entrer dans une classe de trente-six élèves, c'est entrer en quelque sorte chaque jour dans une arène...
Les jeunes testent chaque jour un peu plus quelques principes de la laïcité, c'est un peu comme la mer grignotant peu à peu une falaise. Les vêtements religieux des jeunes filles en sont une des meilleures illustrations.
Les derniers vestiges d'une République en déliquescence sont tenus par l'école et ces petits soldats loyaux jusqu'au bout. Mais parfois certains craquent...
Face à ce désastre sociétal, Thomas B. Reverdy est venu me happer par une histoire où s'entrelacent les itinéraires subtils et complexes des sentiments et des destins des personnages qui s'observent, s'effleurent, se confrontent, se désirent peut-être, dans ce lycée du nord de Bondy.
C'est sombre, c'est âpre, c'est vif, c'est percutant.
J'ai aimé cette enseignante, Candice, professeure de théâtre qui a l'audace de faire entrer Molière dans ce quotidien désenchanté et ose encore y croire un peu, j'ai aimé Paul, cet écrivain pessimiste qui vient animer un atelier d'écriture et croit encore en l'imagination de la littérature parce qu'elle ne fait rien d'autre que de parler du monde et nous aider à le comprendre. J'ai aimé Mo, poète sensible et révolté, j'ai aimé Sara qui fait semblant de faire semblant... J'ai aimé l'amour fugace qui se faufile désespérément derrière ces murs.
Thomas B. Reverdy n'est jamais manichéen. Il dépeint une réalité qu'il connaît bien avec subtilité, tendresse, révolte et parfois avec un zeste d'humour, ce qui apporte un peu de respiration à l'atmosphère oppressante du récit.
C'est magnifiquement bien construit.
Je suis ressorti secoué par la lumière de ce superbe roman.
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Ça va bien ou bien les frérots ?
Derrière vos ordis et vos livres.
Devant vos élèves, beaucoup d'enseignants sur Babelio, ta race !
Wesh ? En fait j'm'en balek, j'veux juste avoir du beuze.
Alors frérot, babtou, black ou rebeu, ferme ta leug, tranquille, couilles sur la table, un féca, écoutes, téma : ce livre, un truc de ouf, ouallah !

Je vis dans les bâtiments comme au lycée,
Le A, le C, le D,…
Lorsque je sors de l'immeuble il fait encore nuit
Il fait froid et j'ai cette drôle d'impression,
En passant, une sorte de frisson…
Sur le fond d'un immeuble tout noir
Comme si tous ces gens avaient disparu
Je pars avant qu'ils se réveillent.
Je ne les aime pas…
Et c'est l'heure,
À mesure que je me rapproche du lycée…
Malgré ce temps de chien,
De loup,
En attendant, les sourires malgré tout
Pourtant je ne les ai jamais aimés.
Un jour, je partirai

Mo slame comme il respire. C'est l'un de nos héros du jour. On va le suivre Mo.
Depuis Nordibon (Bondy Nord) jusqu'à son lycée.
Pour une journée presque ordinaire.
On va suivre aussi Paul, écrivain intermittent et poète permanent, engagé au lycée de Bondy pour y donner des ateliers d'écriture. Sous la houlette de la flamboyante Candice, prof de français (enfin, un rêve de prof de français, celle que j'aurais aimé avoir en fait, au lieu de ce vieux curé dépravé qui me donnait de surcroît du grec et du latin).
Et on va les suivre de 7H30 à 17h, Pont de Bondy. Il fait très beau, on est en janvier et on admire les déplacements coordonnés des pigeons du Chinois.

Ce livre est formidable d'enseignements. Je croyais tout savoir depuis Les Misérables de Ladj Ly jusqu'à la série de Canal (66-5) en passant par les innombrables articles du Monde et de Libé (oui, ça dit un peu ma sensibilité politique, désolé) lus depuis les émeutes de l'été. Mais rien ne vaut ce livre qui, en 250 pages, dit toute la complexité du problème et, comme le souligne Paul, sa vérité plus que sa réalité. La meilleur preuve est sans doute que même les profs de banlieue ne se sont pas agacés du livre (merci Marie-Laure@Kirzy pour ta précieuse confession) !
L'endroit est improbable, presque beau à force de monstruosité : carrefour invraisemblable, immeuble en S, camps de Roms etc.
Le lycée correspond à ce qu'on imagine de ce genre d'établissement dit « sensible » avec des élèves pratiquement tous issus de l'immigration qu'elle soit de première ou de quatrième génération.
Il y a eu une petite marave juste avant la rentrée, le matin. Mo a pris une photo, les réseaux sociaux ont fait le boulot, c'est beau comme du Mme de Lafayette.
L'une de mes séquences préférées ( oui « séquences » car c'est assez cinématographique) est l'explication de texte de la princesse de Clèves par une Candice déterminée, pour ses élèves de seconde, sous le regard d'un Paul médusé.
Thomas B. Reverdy (qui a été à la place de Candice) sait de quoi il parle. Mais plutôt qu'un sombre brulot à charge, il nous décrit tout en finesse (et de façon romanesque) la complexité de tous les dysfonctionnements. Il n'élude rien et les quelques pages sur le voile sont d'une rare intelligence.
Bien entendu il s'agit de la chronique d'une émeute annoncée, inexorable, aux rouages parfaitement imbriqués.
Qui se déroule implacablement, en séquences courtes et justes.
Et tout cela fait peur, fait peine, c'est sombre et incendiaire.
Mais Reverdy ne croit pas au déterminisme et c'est sans doute là la grande illumination de ce grand roman : il y a malgré tout beaucoup de joie, de tolérance, de créativité et …de l'amour. Tiens, pourquoi pas ?

Le grand secours c'est ce qui permet, dans le lycée, de déclencher le dispositif anti-incendie. Une métaphore de la littérature ? de la poésie ?
Avec Reverdy, Mme de Clèves n'ira pas au couvent et Mo deviendra peut-être un grand slameur.
La vérité n'est pas la réalité.

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