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« L'empressement de sa parole, son étendue, épousent et couvrent une surface que le verbe jusqu'à lui n'avait jamais atteinte ni occupée. » -
René Char 1956
Je suis toujours étonné par ce curieux personnage, cet adolescent qui fit ses débuts en
poésie à 16 ans et l'abandonna définitivement à 19 ans. Après de nombreux prix et récompenses obtenus au collège,
Paul Verlaine et
Charles Cros, touchés par les vers du garçon, lui demandent de monter à Paris en 1871. L'aventure allait commencer…
On aime, on n'aime pas…
Rimbaud nous échappe. Comment rester indifférent ? L'homme, son oeuvre, ses pensées, nous posent des problèmes qu'il est difficile de résoudre. le poète cherche, tente, se remet en question. Un renouvellement constant, un ouragan poétique emporte tout. L'on peine à le suivre parfois dans les derniers écrits des «
Illuminations ».
Rimbaud ne publia lui-même que le volume «
Une saison en enfer » dans sa forme définitive. « Les
poésies », « Les
illuminations » n'ont été regroupées en volumes que tardivement par des éditeurs différents.
LES CAHIERS DE DOUAI
A l'automne 1870,
Rimbaud a 16 ans et séjourne à Douai chez un de ses anciens professeurs.
Début 1871, il écrit au poète Paul Demeny auquel il a remis ses
poèmes : « brûlez, je le veux, et je crois que vous respecterez ma volonté comme celle d'un mort, brûlez tous les vers que je fus assez sot pour vous donner lors de mon séjour à Douai ». Heureusement, Demeny resta sourd aux désirs du jeune poète. S'il avait obéi, la plupart de ces textes qui figurent parmi les plus beaux de
Rimbaud, seraient restés inconnus.
Ci-dessous, de très courts extraits des meilleurs
poèmes, versifiés ou en prose, dans lesquels le poète nous livre ses inquiétudes et les déchirements d'un âge de transition, donneront un aperçu rapide de son génie.
Roman
« On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
- Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
- On va sous les tilleuls verts de la promenade. »
Rêvé pour l'hiver
« L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux. »
Ma Bohème
« Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d'amours splendides j'ai rêvées ! »
POÈMES (1870-1872) : « Il s'agit d'arriver à l'inconnu par le dérèglement de tous les sens »
Voyelles
« A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles, »
Le bateau ivre : Composé par le poète pour « le présenter aux gens de Paris » lors de son arrivée dans la capitale en 1871.
« Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs. »
UNE SAISON EN ENFER (1873) : le livre d'une crise, d'une descente aux enfers, quête géographique et expérience personnelle.
Nuit de l'enfer
« J'ai avalé une fameuse gorgée de poison. – Trois fois béni soit le conseil qui m'est arrivé ! – Les entrailles me brûlent. La violence du venin tord mes membres, me rend difforme, me terrasse. Je meurs de soif, j'étouffe, je ne puis crier. C'est l'enfer, l'éternelle peine ! Voyez comme le feu se relève ! Je brûle comme il faut. Va, démon ! »
Adieu
« Quelquefois je vois au ciel des plages sans fin couvertes de blanches nations en joie. Un grand vaisseau d'or, au-dessus de moi, agite ses pavillons multicolores sous les brises du matin. J'ai créé toutes les fêtes, tous les triomphes, tous les drames. J'ai essayé d'inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues. J'ai cru acquérir des pouvoirs surnaturels. Eh bien ! je dois enterrer mon imagination et les souvenirs ! Une belle gloire d'artiste et de conteur emportée ! "
ILLUMINATIONS (1873-1874) : Ces «
Illuminations » montre le désir de
Rimbaud de se consacrer à une forme d'écriture toute nouvelle : le fragment en prose constitué de notations éclatées.
Comme Vincent van Gogh, un mois après, en 1891,
Arthur Rimbaud meurt à 37 ans.
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