Les petits formats de cette collection « Découvertes » de Gallimard, sont vraiment très plaisants et toujours abondamment documentés et illustrés.
Le sujet ici pourtant n'est guère aisé à cerner dans un format restreint : la première guerre mondiale se termine et, alors qu'une génération est sacrifiée dans les pires souffrances, une jeunesse littéraire et artistique traumatisée se lève et met en cause une civilisation de contraintes et d'absurdités et invente, dans la provocation, une nouvelle façon de voir l'art, sinon une nouvelle façon de vivre. Des mouvements naissent, ils ont noms Dadaïsme, Cobra, Surréalisme… ils assemblent poètes, peintres, écrivains, cinéastes, muses….dévots ou amis de passage, …pour tous il s'agit de se frayer une voie de rêve, fut-elle anarchique. ….Ils se chamaillent aussi, se crêpent le chignon, s'allient ou se mésentendent, sur fond de terrain politique miné par les guerres et la montée du fascisme.
Et cependant c'est encore une belle réussite car l'auteur réussit à tout montrer, tout illustrer et surtout tout dire (sans jamais s'attarder plus que nécessaire), avec justesse, synthèse mais aussi grande précision documentaire. Certes cet ouvrage peut sembler un peu déroutant dans sa présentation, peu didactique dirons-nous, mais justement, dans la présentation qu'en fait ici l'auteur, tout s'emmêle, textes, images, commentaires, citations (qui fourmillent), anecdotes, illustrations, portraits…. et forme plusieurs plans de lecture dans chaque page, sans qu'à aucun moment on ne perde le fil historique, tant tout vient bien à propos, …au final, j'ai envie de dire que cet ouvrage a lui aussi une présentation surréaliste, en tout cas colle parfaitement au sujet…
En tout cas un petit ouvrage digne d'un grand intérêt.
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J'aime bien cette collection illustrée que je trouve d'habitude assez facile à lire. Pourtant là j'ai beaucoup peiné à comprendre ce que voulait expliquer l'auteur. Est-ce la façon qu'il avait d'expliquer ou le mouvement surréaliste en lui-même qui m'est apparu trop complexe ? Je ne sais pas vraiment mais le résultat est que je me suis ennuyée plutôt que passionnée pour ce mouvement culturel. Surtout que l'auteur a choisi d'inclure un nombre hallucinant de citations à son explication. J'aurai préféré des termes plus simples pour un mouvement que je trouve assez difficile à aborder. Etant donné que je n'avais aucune notion je me suis sentie un peu perdue. Les illustrations eurent beaucoup plus d'intérêt à mes yeux que le texte. Pour résumer : agréable à feuilleter de temps en temps, sans trop se prendre la tête dessus !
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Les surréalistes ont à l'égard de la psychiatrie une relation ambiguë, mi-attraction, mi-répulsion. Artaud, qui aura toute sa vie à fréquenter ces gens infréquentables, les plus grands psychiatres de l'époque, est plus affirmatif, avec des accents que ne désavoueraient pas les anti-psychiatres contemporains. Il proteste dans le n°3 de La Révolution surréaliste : « Nous nous élevons contre le droit attribué à des hommes, bornés ou non, de sanctionner par l'incarcération perpétuelle leurs investigations dans le domaine de l'esprit [...]. Nous n'admettons pas qu'on entrave le libre développement d'un délire, aussi légitime, aussi logique que toute autre association d'idées ou d'actes humains [...]. Les fous sont les victimes individuelles par excellence de la dictature sociale ; au nom de cette individualité qui est le propre de l'homme, nous réclamons qu'on libère ces forçats de la sensibilité. »
La même année 1925, Artaud publie L'Ombilic des Limbes et Le Pèse-Nerfs : « Je n'ai visé qu'à l'horlogerie de l'âme, je n'ai transcrit que la douleur d'un ajustement avorté. Je suis un abîme complet ». Atteint selon ses termes d'une « effroyable maladie de l'esprit », hanté par le sentiment de sa propre destruction, il écrit en 1929 L'Art et la mort : dès lors il n'est plus, pour ses ex-amis, qu'une « charogne » et pour Breton un « abstentionniste social ».
Le surréalisme n'est pas une forme poétique.
Il est un cri de l'esprit qui retourne vers lui-même et est bien décidé à broyer désespérément ses entraves, et au besoin par des marteaux matériels.
(Déclaration du 27 novembre 1925)
Le Réalisme, c'est émonder les arbres,
le Surréalisme, c'est émonder la vie.
(La Révolution surréaliste n)1, ler décembre 1924)
L'acte surréaliste le plus simple consiste, revolver au ping, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu'on peut, dans la foule.
(A.Breton, Manifeste du surréalisme 1924)
Le surréalisme ouvre les portes du rêve à tous ceux pour qui la nuit est avare.
... mais il est aussi le briseur de chaînes.
Il y eut 14-18. Une génération entière sacrifiée à des finalités incertaines. "Nous autres civilisations, écrit Paul Valéry, nous savons maintenant que nous sommes mortelles." Dans ce contexte de sang et de boue naissent Dada, puis le surréalisme, "à la façon de deux vagues dont tour à tour chacune va recouvrir 'autre".
En matière de révolte, aucun de nous ne doit avoir besoin d'ancêtres.
André Breton
On enterre, le 13 novembre 1918, au cimetière du Père-Lachaise, celui qui inventa le mot surréalisme, en sous-titre de sa pièce iconoclaste Les Mamelles de Tirésias, — Guillaume Apollinaire. La foule avinée parcourt les rues en chantant « À mort Guillaume ! » Et les quelques amis présents à l'enterrement ne comprennent pas tout de suite qu'il s'agit du Kaiser, et non du poète.