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Paul Rocher (Autre)
EAN : 9782358721943
189 pages
La Fabrique éditions (05/06/2020)
4.72/5   20 notes
Résumé :
Nuages lacrymogènes, grenades de désencerclement, LBD 40… Des ZADs aux campus, des quartiers populaires aux cortèges syndicaux, manifester en France expose aujourd’hui à la violence des armes non létales. Les forces de l’ordre dégainent à la moindre occasion et la liste des blessés et mutilés s’allonge de mois en mois. Que signale cette escalade ?

Face à ce qu’il perçoit comme une crise du maintien de l’ordre, l’État attise la brutalité de sa police e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Un essai instructif et sérieux rédigé par Paul Rocher, économiste et diplômé en sciences politiques de Sciences Po Paris.

En six chapitres, l'auteur nous dévoile la politique de l'arme non létale : après un rappel historique où l'émergence des armes non létales est lié à l'essor des sciences au cours du XIXe siècle ; l'éclatement de la première guerre mondiale conduit à un usage militaire du gaz lacrymogène et bien que prohibé par le Protocole de Genève de 1925, ce gaz fait des ravages dans les pays colonisés. Après la première guerre mondiale, les fabricants d'armes ont fait du lobbying auprès des Etats afin qu'ils achètent leurs productions.
Mais c'est avec l'intensification des tensions sociales nées de la crise de 1929 que le déploiement massif du gaz lacrymogène à des fins de maintien de l'ordre débute véritablement avec un nouveau cap lors des mobilisations populaires dès la fin des années 1960.
Taser, balles en caoutchouc sont crées en réponse.

Ces armes constituent la boîte à outils du policier afin d'élargir leur périmètre et leur liberté d'action. Depuis les années 1990, les forces de l'ordre sont de plus en plus lourdement armées et les armes non létales leur permettent de neutraliser des foules à grande distance. La politique en France repose sur le maintien à distance pour la diminution du risque chez les policiers.
La prétendue "non-létalité" des armes en usage dans la police n'est valable que sous des conditions d'utilisation très particulières dont les conditions sont irréalistes. de plus, le critère premier déterminant l'intervention d'un policier est son appréciation d'une situation , et les lois et règles n'ont d'alors qu'une importance secondaire. La mémoire policière et la vengeance contre certains manifestants sont présents aussi.
Tout cela révèle un étatisme autoritaire néolibéral qu'il faut combattre et remettre la police à une place subordonnée.
Mais aucune issue définitive à la violence n'est possible tant que persistent les conditions qui lui ont donné naissance.

Un essai brillant.

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Manifester aujourd'hui en France expose à la violence des armes dites non létales. Paul Rocher montre que ce recours massif à une technologie supposée garantir un maintien de l'ordre plus humain, est la marque d'un étatisme autoritaire de plus en plus intolérant à toute contestation dans une période de recul social majeur. Il ne cherche pas seulement à susciter une indignation morale contre les violences policières mais à « dégager les mécanismes qui génèrent l'escalade de violence étatique à laquelle nous assistons ».
(...)
Loin d'être une simple étude des armes dite non létales utilisées par la police, cet ouvrage permet de comprendre pourquoi et comment cette violence dite légitime est inhérente au projet politique qu'elle défend. À lire absolument pour comprendre précisément ce que nous devons dénoncer, ce que nous devons combattre et ne pas naïvement nous satisfaire du retrait (hypothétique) d'une loi ou même d'un article.

Article (très) complet sur le blog. :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Cet essai documente l'histoire du développement des armes non létales en France. Apparues progressivement depuis le début du 20ème siècle, elles sont censées permettre de contenir les mobilisations sociales sans causer de victimes.

L'auteur développe l'idée selon laquelle la disponibilité de ces armes prétendument « non dangereuses », couplée à une idéologie du maintien de l'ordre qui octroie un certain pouvoir de décision aux forces de l'ordre, façonne le comportement de celles-ci et augmente l'usage de la violence. Or la non-létalité n'est valable que sous certaines conditions, qui sont difficilement atteignables sur le terrain : leur impact est donc largement sous-estimé.

Difficile de résumer la multitude des idées qui sont développées dans cet ouvrage, dont le propos va largement au-delà d'une simple description de l'utilisation des armes non-létales. Il questionne notamment les liens entre la constitution de l'État, la protection de l'ordre dans lequel des dominants imposent leur fonctionnement, et la nécessité de "mater les masses", soit grâce au consentement (l'intériorisation de la domination) soit grâce à l'emploi de la force.

J'ai compris le propos (presque tout le temps) et je suis toujours super enthousiaste et reconnaissante quand j'ai l'impression qu'on arrive à me faire comprendre des choses qui sont quand même un peu complexes. C'est super sourcé, pédagogique, stimulant (même si on va pas se mentir : un peu déprimant).

L'auteur insiste sur la nécessité d'instaurer un contrôle populaire sur l'usage des armes, et dans le même temps démontre le recul de la liberté fondamentale de manifester ces dernières années. Comment faire alors, pour s'opposer aux pratiques de l'État, si cela devient de plus en plus dangereux ? Cela pose la question des moyens d'action à notre disposition, et de ce qu'on est prêt·es à mettre en jeu dans le cadre de mobilisations sociales (notre santé physique et mentale, notamment, face à des armes utilisées presque dans l'impunité). Safé peur et en même temps ça oblige à réfléchir à ces questions, et je pense que c'est une bonne chose.
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Passionnant.

Pour Paul Rocher, si l'on veut comprendre la brutalité du maintien de l'ordre actuellement et la violence exponentielle de la police, il faut s'intéresser à son armement et en comprendre les mécanismes. Il nous propose donc six chapitres autour des armes dites non létales.

Un Historique des armes dites « non létales » corréler au progrès de la science et à la 1ère Guerre Mondiale entre autres. Utilisé dans les colonies (lien avec le livre de Mathieu Rigouste « La domination policière ») et pour réprimer le mouvement social né de la crise de 29.

Leur utilisation exponentielle en France depuis les années 90. D'armes vendues comme défensives, elles sont utilisées de manière offensive par les forces de l'ordre dans le but de maintenir à distance les foules, de marquer, d'intimider.

Ce contexte d'utilisation n'est pas celui des tests effectués par les constructeurs, leur permettant d'affirmer la non-létalité de ses armes. Cette non-dangerosité prétendue façonne le comportement policier et facilite son recours à l'utilisation de l'arme. Paul Rocher insiste bien d'ailleurs sur le libre arbitre du policier dans la décision d'utiliser son arsenal ou non.

L'auteur nous présente également les quelques entreprises se partageant ce juteux marché, utilisant le terme d'oligopole. L'auteur présente quelques statistiques chiffrées montrant l'augmentation constante des commandes de l'Etat dans ce domaine.

Tout ceci révèle le côté de plus en plus autoritaire de l'Etat qui augmente la dose de violence pour imposer ses politiques libérales de moins en moins consenties par la population.
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Dans ce livre, Paul Rocher donne une critique des armes dîtes - à tord - non létales dans une dimension historique, sociologique, économique, politique et philosophique. Les propos sont clairs, précis et sourcés.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Ceux qui utilisent les armes non létales, policiers et gendarmes, savent pertinemment qu’ils ne manient pas des jouets. Le charme sulfureux de ces objets semble même venir de leur capacité à empêcher. D’un ton triomphant, un commandant de CRS exhorte son unité positionnée devant un fast-food, le 1er décembre 2018, dans le chic VIIIe arrondissement de Paris : « Triquez-les ! » À l’intérieur du restaurant, plusieurs Gilets jaunes se sont réfugiés pour échapper à un épais brouillard de gaz lacrymogène. Deux photographes du journal Libération présents sur place ont décrit l’ambiance bon enfant qui y règne : les manifestants reprennent leur souffle, le vigile leur apporte de l’eau… À l’extérieur, le commandant précise ses consignes : « Vous me les sortez, vous leur cassez la gueule ». Les zélés CRS ne se contentent pas de sortir les personnes dans la rue avant de les frapper. Ils s’acharnent à l’intérieur sur les Giles jaunes bras en l’air ou à même le sol. Puis ils forment une sorte de tunnel à la sortie du restaurant, et rouent de coups chacun des occupants poussés vers la sortie. La hiérarchie policière n’est pas en reste. Commentant la consigne d’effectuer des tirs tendus à hauteur d’homme par lanceur lacrymogène, un CRS souligne que « c’est la première fois que je reçois un tel ordre. C’est normalement proscrit, car cela va à l’encontre des règles de sécurité. On procède plutôt à des tirs au ras du sol ». Une semaine plus tard, un groupe de policiers se poste à quelques dizaines de mètres en face de Gilets jaunes dans une rue parisienne. La situation est calme et, étant donné la distance importante qui sépare les deux groupes, les forces de l’ordre ne se trouvent pas dans une circonstance spécialement dangereuse. Pourtant ils tirent des balles en caoutchouc en direction des manifestants. Sur les vidéos qui ont capté la scène, on entend distinctement les commentaires qui accompagnent les tirs : « a voté », « dans ta gueule », « fils de pute », « bouyaka ». Certes, ce n’est pas du meilleur goût mais après tout, de quoi se plaint-on ? Il s’agit bien d’armes non létales, donc il n’y a pas de risque. Les policiers, de leur côté, réclament d’ailleurs encore plus de liberté d’action et « une confiance absolue des politiques et de la justice ».
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Le cortège est dense et progresse lentement sous la grisaille hivernale. Nos corps se désengourdissent au rythme de la marche et des chants. L’ambiance est festive. Sur les épaules de mon voisin, un petit garçon agite un minuscule drapeau vert qui clame son droit à un futur respirable.
Soudain une explosion retentit. Une clameur inquiète parcourt la multitude. Ça vient de derrière nous. Nous sommes bousculés par la foule qui cherche à s’aloigner de l’endroit d’où provient le bruit. Que se passe-t-il ? Mes lunettes tombent dans la cohue. Je me penche pour les ramasser et suis déséquilibré par la poussée du cortège en panique. À hauteur de mes yeux, le petit garçon, fermement tenu par le bras par son père, est en larmes.
Moi aussi. Je tousse à m’en arracher les poumons. Mes yeux me brûlent. L’atmosphère est saturée d’une épaisse fumée grisâtre qui nous étouffe. La panique redouble. Pas d’issue, camions de police et barrières antiémeutes bloquent les rues perpendiculaires. On ne nous laisse pas passer. Une nouvelle explosion. Puis une autre. Des projectiles d’origine indéterminée volent au-dessus de nos têtes, déclenchant une clameur plus grande encore et un mouvement de foule que je suis sans trop savoir pourquoi. « Ça va exploser, bougez ! » Une flamme, une nouvelle explosion, plus forte, une gerbe d’étincelles et des projectiles qui semblent partir dans toutes les directions.
J’entends un hurlement, puis le bruit sourd d’un corps qui tombe. Je cours. Le sol est jonché de projectiles, rendant la progression difficile. Une porte s’ouvre, je suis agrippé et tiré vers l’intérieur ; un hall ! Nous y sommes serrés dans le noir. Haletants, silencieux, la boule au ventre. Je reconnais le petit garçon de tout à l’heure. Entre deux sanglots étouffés, il chuchote :
« Je veux rentrer à la maison. »
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Tenue pour acquise, la non-létalité des armes conduit les forces de l’ordre à en faire un usage totalement décomplexé.
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Une équipe composée de médecins et d’un biologiste récemment découvert qu’une fois présent dans le sang, le composant lacrymogène 2-Chlorobenzylidène malonitrile libère du cyanure.
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S'il correspond à un choix technique, le recours aux armes non létales s'inscrit évidemment dans un projet politique qu'il façonne en retour. La décision d'accorder une place grandissante à ces armes dans le maintien de l'ordre reflète l'ambition de la classe dominante d'assurer son hégémonie à un moment particulièrement décisif, où elle tente de réaliser une transformation structurelle de la France - un projet à fort potentiel de contestation.
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Videos de Paul Rocher (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Paul Rocher
Avec Karl Laske, Alice Becker et Camille Vannier, avocates, Paul Rocher, auteur de Que fait la police ? et Lucas Lévy-Lajeunesse, membre de l'observatoire parisien des libertés publiques.
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