AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782021282832
128 pages
(01/01/1900)
4.8/5   5 notes
Résumé :
Francis Ponge prétendait «faire exister la pomme comme une personne». De petits objets de la Nature, animés ou non, auxquels on ne prête d’habitude qu’une attention désinvolte ou purement utilitaire (s’ils se mangent, l’asperge, l’artichaut, l’huître, etc.), ou parfois agacée (la mouche !), on essaie de les traiter ici avec le soin qu’on porte aux personnes. Ils sont, à leur modeste façon, admirables, pour peu qu’on s’oblige à les regarder de près.
Que lire après A y regarder de prèsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Douze textes ciselés, précis en accord avec la beauté parfois inquiétante des gravures qui les illustrent et concourent à faire de ce livre un bel objet que l'on prend plaisir à contempler, caresser et déguster.
On apprend beaucoup sur l'artichaut, l'asperge, l'os de seiche etc... car Olivier Rolin sait se faire naturaliste et observateur attentif et passionné en sachant aussi faire appel à tous les sens et en exciter la volupté quand il trousse magnifiquement une girolle que les russes appellent "lissitchka", petite renarde qui est aussi le nom qu'il donne à une femme aimée à laquelle ce recueil est d'ailleurs dédié ; ou lorsque sous "une coque mal dégrossie", l'huître ouverte laisse apparaître "des délicatesses de soie froissée, froncée de velours noir, des falbalas pâles, des dessous chics" qui lui rappelle "le libertinage et les jeux galants" du Verrou de Fragonard.
Un livre complet à garder près de soi quand on veut retrouver une belle écriture travaillée et un auteur qui vous fouette l'imagination en compagnie de l'entomologiste Jean-Henri Fabre, de Perec et Francis Ponge, de peintres tels Fragonard, Renoir, Manet ou Picasso, et qui conclut son texte sur la Cétoine par cette phrase à la beauté mélancolique que tout lecteur devrait s'empresser de faire mentir : "Les pages des livres sont des pétales que ronge le scarabée vert de l'oubli".

Commenter  J’apprécie          590
Admirons les puisqu'ils sont admirables.
Affutons les mots puisqu' « on ne voit vraiment que lorsqu'on a trouvé les mots ».
La plume, le galet, l'oeuf du roitelet …. Toutes ces « chétivités » qui nous remplissent l'âme, le corps, comblent nos sens, caressent nos humeurs.
« Nous ne savons pas voir » dit Perec.
Nous ne savons pas toucher peut être non plus . Toucher de la syllabe d'un mot, de la pointe du ciseleur, de la main du lecteur, de la pointe de nos cils aux bouts de nos lèvres...
« Je crois qu'une feuille d'herbe n'est pas moins que le travail errant des étoiles ». gravait Witman.
L'infiniment petit rejoint toujours l' absolument prodigieux.
Miraculeux.
Mystérieux.
Tenir une huître entre ses doigts, c'est envelopper le chaos du monde.
Seule la délicieuse lingerie de sa chair apaise la furie tumultueuse de son être.
Parce que ce que nous parlons d'insignifiance là où où pourtant naissent tous les instants du monde.
Le sépion, l'involure, la podion, le test...Voici ceux et celles que nous ignorons.
Arômes, parfums, senteurs.
On lèche, on gobe, on frotte, on écarte, on ouvre, on palpe, on perce, on renifle, on caresse, on s'arrête.., on s'étonne,.. on s'approche..., on se penche...on regarde, et on se sent petit,
si petit, là où on se sentait féroce,
on se sent fragile là où nous logions si mal notre force.
On se souvient..
«  La cétoine qui dort dans le coeur de la rose » dont parlait Apollinaire.
« La cétoine , petit prince d'apparat qui saccage le coeur des roses », répond Rolin.
Et voilà la girole, femme chanterelle, cette petite flamme des sous bois. Juponante, odorante, virevoltante, secrète.
Et les mots de Rolin nous entraînent , et les mains d'Erik Desmazieres nous laissent leurs empreintes.
Chardin, Sysley, Manet les rejoignent, d'autres arrivent encore.
Avec humour, avec complicité, avec tendresse, avec un regard bienveillant , gourmand, aimant, toujours.
« Les pages des livres sont des pétales que ronge le scarabée vert de l'oubli »…
Comme les lignes d'un arbre, comme chaque feuille tombant de saison…
Certains croient à la suffisance des hommes
D'autres savent la signifiance des mondes.
Les premiers ne voient pas. Ils mangent ou ils seront mangés.
Les autres, écrivent, ou dessinent, fleurissent ou butinent. Ils nourrissent. Et seront toujours ici protégés.

C'est un jardin le monde.
Cruel, sauvage, parfois.
Beau et bienveillant, souvent.
Erik Desmazières, aquafortiste,
Olivier Rolin, verboriste
«  Soit, donc, un galet »…
comme une pierre de rêve… Pétale d'un miel.

https://dutremblementdesarchipels.blogspot.fr/2016/05/a-y-regarder-de-pres.html

Astrid Shriqui Garain
Commenter  J’apprécie          90
Plutôt que de paraphraser, je préfère reprendre, ci-dessous, quelques détails explicatifs donnés par l'auteur (et , je me suis amusée à retrouver certaines des caractéristiques décrites dans ce beau livre amoureusement écrit en les dessinant au pastel .)

« 4eme de couverture » :
« Francis Ponge prétendait « faire exister la pomme comme une personne ». de petits objets de la Nature, animés ou non, auxquels on ne prête d'habitude qu'une attention désinvolte ou purement utilitaire (s'ils se mangent, l'asperge, l'artichaut, l'huître etc.), ou parfois agacée (la mouche !), on essaie de les traiter ici avec le soin qu'on porte aux personnes. Ils sont, à leur modeste façon, admirables, pour peu qu'on s'oblige à les regarder de près.
« Rien ne nous frappe, nous ne savons pas voir », disait Perec. Avec ces natures mortes on essaie d'apprendre à voir, et de trouver les mots qui aident à affûter le regard. L'art du graveur et celui de l'écrivain, dont l'exactitude est la loi commune, s'épaulent mutuellement dans ces discrètes apothéoses.
O.R. »
Treize objets décrits magistralement avec précision, poésie, humour, magnifiquement illustrés par les gravures d'Érik Desmazières : l'artichaut, l'asperge, l'huître, l'os de seiche, la cétoine, la girolle, l'oursin, la pomme de pin, la plume, la noix, la patate germée, la mouche

Au bout d'une tige cannelée assez raide, s'érige ce qui semble une fleur verdâtre aux pétales étroitement serrés. Une sorte de pivoine préhistorique. (…)
Au bout d'une tige cannelée, donc, un involucre (1) ou capitule aux bractées serrées, d'un vert bronze infus » de violet, se chevauchant l'une et l'autre à la façon de tuiles (…)
Détache-ton l'une, elle présente sur sa face interne, lisse et comme vernie, des nuances délicates allant de l'amande claire à la moelle de sureau...

(1) Un involucre, dans le domaine de la botanique, désigne une collerette d'écailles ou de bractées libres ou soudées ensemble à la base d'une inflorescence, chez les apiacées), ou les astéracées (composées).



La Girolle
Sa couleur va de l'ivoire au safran, passant par les nuances de la coquille d'oeuf,
du sein de Japonaise, de l'isabelle, du soufre, de la jonquille et de la robe de bronze(...)
Il y a dans sa forme déhanchée du frou-frou de robe à volants.
C'est toute une atmosphère de guinguette à la Renoir qui se lève
au prononcé de ses noms : girolle, chanterelle.

L'huître
La coquille festonnée, gaufrée, cloquée, cabossée, déglinguée, très vaguement piriforme (...)formée d'un entassement de strates coupantes, gondolées, évoquant assez les pages d'un vieux livre que l'humidité aurait rongé. Quant à la couleur, elle est presque aussi incertaine que la forme : des gris nuageux, des noirs de papier brûlé, des mauves, des verts moisis, tavelés de rousseurs, mouchetés d'ocre, des luisances d'onyx ou de corne.

La plume

Un canal ou calame cireux en forme la hampe (…) sur quoi se greffe de part et d'autre une herse oblique de lamelles étroitement solidaires, agrippées entre elles par un mécanisme (croit-on) d'infimes crochets agissant comme une sorte de Velcro naturel. Bien peignées, lissées, empesées, elles se distribuent en chevrons de part et d'autre du calame selon deux vexilles inégaux, asymétriques, où s'entend un souvenir linguistique du vexillum, l'étendard des légions romaines.




Commenter  J’apprécie          40
Un jour, il y a déjà fort longtemps, j'ai lu un livre qui m'a éblouie, qui a changé ma relation à la littérature et a, par là-même, changé ma vie. Ce livre c'était L'invention du monde, d'Olivier Rolin.
Depuis, je lis tout ce que cet extraordinaire écrivain publie. Tout.
Et comme son talent est tel qu'il a la capacité d'écrire des textes très différents les uns des autres, il m'entraîne sur des chemins que je n'aurais certainement jamais empruntés sans lui.
Ce nouveau titre en est une illustration parfaite : des textes courts, sur des objets du quotidien, de ceux auxquels on ne prête généralement aucune attention ; des natures mortes en somme - un genre auquel Olivier Rolin fait explicitement référence, puisqu'il convoque des artistes ayant mis en scène les éléments qu'il dépeint.
Il s'inscrit ouvertement dans le sillage de Francis Ponge, qui n'évoque pour moi, je le confesse, que quelques laborieux souvenirs de mes premières années d'études, qui ne comptent pourtant dans l'ensemble que des souvenirs de bonheur et d'épanouissement sans égal. Bref, autant dire que l'exercice ne suscitait pas d'emblée chez moi un enthousiasme débordant...

Oui, mais voilà, les mots et la langue d'Olivier Rolin sont pour moi d'une telle beauté, d'une telle intensité et d'une telle richesse qu'il pourrait écrire n'importe quoi, je le suivrais sans sourciller !
Or, par la démarche clairement poétique qu'il affichait dans ce projet d'un genre chez lui inédit, il était évident que l'écrivain allait particulièrement ciseler ses phrases, choisir ses mots pour faire résonner leur sonorité à mes oreilles. L'ambition était de donner corps aux objets par le seul pouvoir des mots, tout comme l'artiste auquel il s'est associé allait le faire avec la mine de son crayon.

Et surtout, je ne pouvais absolument pas passer à côté de ce livre posé d'emblée comme un contrepoint à L'invention du monde. Dans sa préface, Olivier Rolin affirme qu'a présidé à la rédaction de ce recueil le même orgueil que celui qui avait commandé la démesure de son oeuvre vingt ans auparavant. C'est cette folie, cette magnifique présomption qui m'avait attirée puis conquise... Et voilà qu'il réitérait le défi !
Après avoir façonné l'immensité, l'inaccessible, le mouvement incessant, après avoir ordonné l'apparent chaos du monde, il s'attaquait désormais à notre univers dans sa dimension la plus familière et la plus immuable.

A chacun de juger du résultat selon sa sensibilité.
En ce qui me concerne, j'avoue que je préfère voir l'écrivain porter son regard sur des horizons lointains et sonder notre histoire et notre société.
Mais j'admire son talent protéiforme et sa capacité à me surprendre toujours en refusant de s'enfermer dans le confort d'une forme maîtrisée et indéfiniment répétée. Et j'y vois là encore la marque d'un grand écrivain !


Lien : http://delphine-olympe.blogs..
Commenter  J’apprécie          90

Citations et extraits (2) Ajouter une citation
LA GIROLLE
Sa couleur va de l'ivoire au safran, passant par les nuances de la coquille d'oeuf, du sein de Japonaisse, de l'isabelle, du soufre, de la jonquille et de la robe de bonze. Elle allume une petite flamme dans l'ombre des sous-bois. On la nomme aussi chanterelle. Les deux vocables, nés sans doute d'une lente germination de spores verbaux dans l'humus forestier, appellent des idées plaisamment féminines et agrestes de chanteuses girondes et de tourterelles, de farandoles où s'épanouissent sous les girandoles les corolles des jupes. Il y a dans sa forme déhanchée du frou-frou de robe à volants. C'est toute une atmosphère de guinguette à la Renoir qui se lève au prononcé de ses noms. p 65
Commenter  J’apprécie          280
Epigraphe
Admiranda tibi levit spectacula rerum (…) dicam : « Je te parlerai des spectacles admirables qu’offrent de petites choses. »
Virgile, Géorgiques, IV
p 12-13 L’écriture requiert de la précision, la gravure, art de patience et de discrétion, aussi. C’est ce que j’ai appelé, dans un autre texte consacré à Erik Desmazières, l’ « esthétique de la feuille d’herbe », en me souvenant d’un vers de Whitman qui dit I believe a leaf of grass is no less than tue journey-work of the stars, « Je crois qu’une feuille d’herbe n’est pas moins que le travail errant des étoiles ».
Commenter  J’apprécie          180

Videos de Olivier Rolin (40) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Olivier Rolin
Rencontre avec Olivier Rolin autour de Jusqu'à ce que mort s'ensuive paru aux éditions Gallimard.


Olivier Rolin, né en 1947 à Boulogne-Billancourt, est un écrivain français, lauréat notamment du prix Femina en 1994 pour Port-Soudan et du prix France Culture en 2002 pour Tigre en papier. Il a publié entre autres: Circus 1 (Éditions du Seuil, 2011), Bric et broc (Verdier, 2011), Circus 2 (Seuil, 2012), Veracruz (Verdier, 2015), Extérieur monde (Gallimard, 2019) et Vider les lieux (Gallimard, 2022).
--
31/01/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
+ Lire la suite
autres livres classés : eaux-fortesVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (5) Voir plus



Quiz Voir plus

L'aiguille creuse,après le mystère,les questions !

Qui est l'enquêteur principal de cette mission ?

Nestor Beautrelet
Nestor Baudrelait
Isidor Beautrelet
Castor Beaureflet

5 questions
165 lecteurs ont répondu
Thème : L'Aiguille creuse de Maurice LeblancCréer un quiz sur ce livre

{* *}