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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Parmi les nombreuses références citées par Clément Rosset, l'exemple d'Oedipe sur l'illusion oraculaire est très éclairante. C'est en essayant de ruser avec le destin, de le « doubler » qu'il l'accomplit finalement.

Le réel a toujours raison : on ne se refait pas. Mais, dans l'illusion métaphysique ou psychologique, on insiste : le réel, non, ça ne peut pas être « que ça ». La technique générale de l'illusion (à la différence du déni de l'aveuglement) est de faire d'une chose deux pour supporter le réel.

Rosset explique que les différents aspects de l'illusion renvoient à une même fonction (protéger du réel), à une même structure (non pas refuser de percevoir le réel mais le dédoubler) et à un même échec (reconnaître trop tard dans le double le réel même dont on croyait s'être gardé).
L'homme espère qu'il y a « plus », que A diffère un tant soit peu de A : ici doit s'éclairer d'un ailleurs. Mais à la fin, la mort, toute chose coïncide en soi. Toute chose a le privilège de n'être qu'une, ce qui la valorise infiniment, et l'inconvénient d'être irremplaçable, ce qui la dévalorise autant : il n'y en avait pas deux, mais ensuite il n'y a plus, plus rien.

Dans un texte plaisant, pas trop trop compliqué, Clément Rosset développe brillamment son propos, paraît quelque fois forcer le réel (disons) pour le faire fonctionner avec sa théorie, comme on entre dans une chaussure un peu étroite. Mais il retombe toujours… sur ses pieds, la critique ne faisant qu'ajouter une deuxième couche, et parce que la négation du double n'est pas une forme de retour à la singularité mais aussi dédoublement… Bref, on n'en sort pas. « Il y a un moment où cesse le domaine des preuve, où on bute sur la chose elle-même, qui ne peut se garantir d'autre part que de par elle-même. »

On peut toujours et légitimement se demander si la théorie coïncide effectivement avec la réalité. Également si elle est d'un « réel » intérêt. Mais elle offre en définitive un prisme intéressant par lequel observer la réalité et penser notre rapport avec elle. Une grille de lecture fonctionnelle... un dédoublement fructueux !
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Admettre le réel est une faculté fragile car elle peut être suspendue à tout moment lorsque la réalité n'est pas acceptable. La reconnaissance du réel semble dès lors procéder d'une sorte de tolérance, conditionnelle et provisoire.

Parmi les attitudes extrêmes d'évitement de la réalité, il y a le recours au suicide ou le refoulement qui mène quelquefois à la folie. L'aveuglement à l'aide de substances toxiques équivaut à se crever les yeux comme Oedipe. Ces formes de refus restent marginales et exceptionnelles et c'est l'illusion qui représente la forme la plus courante de mise à l'écart du réel. Selon Clément Rosset, féroce, les « illusionnés », sont plus gravement atteints que les cas cliniques de schizophrénie ou de refoulement, car "on ne saurait en « remontrer » à quelqu'un qui a déjà sous les yeux ce qu'on se propose de lui faire voir. "

Cet essai envisage d'illustrer le lien entre l'illusion et le double. le thème du double dépasse largement celui du dédoublement de personnalité que l'on rencontre en littérature romantique. Il est présent dans un vaste espace culturel que l'auteur décrit à l'aide de multiples exemples tirés d'oeuvres et légendes diverses. L'essai comprend trois parties selon l'objet du double étudié : l'événement, le monde, l'homme. Je propose de reprendre ici "l'événement et son double", je reviendrai dans un second billet sur les deux suivants.

Deux histoires pour comprendre ce qu'est l'illusion oraculaire.

1. Dans Oedipe Roi de Sophocle, un oracle prédit qu'Oedipe tuera son père et épousera sa mère. Adopté par les souverains de Corinthe, il les fuit car ayant eu connaissance de la prédiction, il ne veut pas tuer ses parents supposés. Ce qui l'amènera en chemin à tuer son véritable père et à épouser sa mère, confirmant ainsi l'oracle en voulant l'éviter.

2. Une conte arabe raconte qu'un vizir se présente tremblant de peur devant le calife de Bagdad : il a croisé dans la foule une femme au teint très pâle qui a fait un geste vers lui et il pense que la Mort l'a désigné. Il demande au calife la permission de fuir à Samarcande où il sera dès le soir. le calife en sortant de son palais rencontre la Mort et lui demande pourquoi elle a effrayé son vizir. Elle répond qu'elle n'a pas voulu l'effrayer, mais a eu un geste de surprise en le voyant là ,car elle l'attend à Samarcande le soir.

Dans les deux cas, il y a réalisation de l'oracle d'une façon autre que celle qu'on attend. À partir de là, Clément Rosset tente de faire saisir la subtile perception de la réalité qui, avec ou sans oracle, paraît systématiquement différente de ce qui est attendu. Comme si l'événement réel qui survient était un double, limité, différent de ce qui aurait pu survenir. La formule habituelle «C'était bien cela» : implique à la fois une reconnaissance et un désaveu: "Reconnaissance du fait annoncé et désaveu du fait que l'événement ne s'est pas accompli d'une autre façon. L'unique comble l'attente en se réalisant, mais la déçoit en biffant tout autre mode de réalisation."

(suite sur mon blog)
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