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Quoi de plus facile à accepter que le réel ? Sa définition, son existence n'est-elle pas évidente ?
Clément Rosset, dans ce court essai de 130 pages, nous démontre à quel point on peut transiger avec le réel.
Ouvrage divisé en trois partie, nous découvrons dans le premier chapitre l'illusion oraculaire et ce qu'elle suppose. L'auteur fait la synthèse des travaux réalisés jusqu'alors et au travers d'exemples nombreux nous offre une relecture intéressante de différents mythes. le second chapitre est lui consacré à l'illusion métaphysique. J'avoue que les raccourcis de l'auteur m'ont perdu par moment. le dernier chapitre sur l'illusion psychologique était nettement plus digeste et accessible et conclut l'ouvrage sur une réflexion sur l'homme et son statut d'être de papier.
Intéressant mais un pu abscons par moment, cet essai est une passionnante première approche du thème de l'illusion et du double.
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Parmi les nombreuses références citées par Clément Rosset, l'exemple d'Oedipe sur l'illusion oraculaire est très éclairante. C'est en essayant de ruser avec le destin, de le « doubler » qu'il l'accomplit finalement.

Le réel a toujours raison : on ne se refait pas. Mais, dans l'illusion métaphysique ou psychologique, on insiste : le réel, non, ça ne peut pas être « que ça ». La technique générale de l'illusion (à la différence du déni de l'aveuglement) est de faire d'une chose deux pour supporter le réel.

Rosset explique que les différents aspects de l'illusion renvoient à une même fonction (protéger du réel), à une même structure (non pas refuser de percevoir le réel mais le dédoubler) et à un même échec (reconnaître trop tard dans le double le réel même dont on croyait s'être gardé).
L'homme espère qu'il y a « plus », que A diffère un tant soit peu de A : ici doit s'éclairer d'un ailleurs. Mais à la fin, la mort, toute chose coïncide en soi. Toute chose a le privilège de n'être qu'une, ce qui la valorise infiniment, et l'inconvénient d'être irremplaçable, ce qui la dévalorise autant : il n'y en avait pas deux, mais ensuite il n'y a plus, plus rien.

Dans un texte plaisant, pas trop trop compliqué, Clément Rosset développe brillamment son propos, paraît quelque fois forcer le réel (disons) pour le faire fonctionner avec sa théorie, comme on entre dans une chaussure un peu étroite. Mais il retombe toujours… sur ses pieds, la critique ne faisant qu'ajouter une deuxième couche, et parce que la négation du double n'est pas une forme de retour à la singularité mais aussi dédoublement… Bref, on n'en sort pas. « Il y a un moment où cesse le domaine des preuve, où on bute sur la chose elle-même, qui ne peut se garantir d'autre part que de par elle-même. »

On peut toujours et légitimement se demander si la théorie coïncide effectivement avec la réalité. Également si elle est d'un « réel » intérêt. Mais elle offre en définitive un prisme intéressant par lequel observer la réalité et penser notre rapport avec elle. Une grille de lecture fonctionnelle... un dédoublement fructueux !
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Dans cet opuscule, le philosophe Clément Rosset s'attache à décrypter les mécanismes de l'illusion, qui reposent selon lui sur la perception erronée d'un « double » du réel. Un double par définition inexistant, car le réel se caractérise par son unicité, son « idiotie » (du grec idiotes : simple, particulier).

Cette notion de double illusoire apparaît de la façon la plus évidente dans la tradition oraculaire, dont le mythe d'Oedipe est l'exemple le plus connu : le héros grec tue son père et épouse sa mère précisément parce qu'il cherchait à conjurer ce funeste destin, prédit par l'oracle de Delphes. D'où le sentiment d'avoir été trompé. Rosset cite malicieusement l'expression enfantine : « c'est pas du jeu ! ». Il y a dans ce mythe et ses autres avatars une impression de mystification qui interpelle le philosophe et l'amène à démasquer le double du réel : si l'on se sent trompé par un événement indésirable, c'est que l'on attendait autre chose, alors que le réel n'admet pas un autre. Il s'est produit de la seule façon dont il pouvait se produire. En pensant le contraire, ne devenons-nous pas aussi aveugles qu'Oedipe ?

De fil en aiguille, c'est toute la métaphysique qui se retrouve sur le banc des accusés : on préfère un ailleurs, un au-delà, un passé ou un futur fantasmatiques, « anywhere out of the world ». Pour Rosset, l'illusion est par nature ironique, puisqu'elle accuse le réel d'être une illusion : « l'ici et maintenant » ne sont qu'un ici-bas ou un samsara. À ces chimères, Rosset oppose celles de Nerval, au point de citer intégralement le fort beau poème Delfica, dont les vers portent la trace d'un présent qui se suffit à lui-même, car il comporte tout le passé et le futur, à la manière de Nietzsche. À la fuite éperdue de la métaphysique (qui m'évoque l'image de Gogol s'épuisant à voyager vers l'Italie de ses rêves dans l'attente désespérée de l'inspiration divine pour la seconde partie de ses Âmes mortes), on peut opposer une convergence bienheureuse du temps et de l'espace. Hic et nunc, enrichis de ce qu'ils furent et de ce qu'ils seront.

Dans la dernière partie, Rosset traite le double d'un point de vue plus spécifiquement psychologique. le double reflète l'inquiétude d'être imparfait par rapport à un moi idéal. Ce double devient alors notre reflet vampirique dans le miroir, source d'une inquiétante étrangeté. Figure romantique et fantastique par excellence, le double affaiblit son sujet pour lui conférer tout son caractère tragique (renouant ainsi avec la tradition oraculaire). Qui est William Wilson, sinon l'héritier de Narcisse, tué par l'emprise d'un reflet dont il n'arrive pas à se délivrer et qui l'emporte nécessairement dans sa chute ? Clément Rosset montre que derrière l'aspect utopique dont l'affuble la tradition métaphysique, le double est en fait une phobie : la peur de ne pas exister. Et c'est cette peur qui rend le double plus fort, jusqu'à la démultiplication. Je ne peux alors m'empêcher de penser à Romain Gary et Émile Ajar, ou encore à Pessoa et à tous ses hétéronymes. Pessoa dont le nom signifie… personne. Nom et oeuvre oraculaire s'il en est, puisqu'à travers l'autre, on en reviendra au même : « je ne suis personne, absolument personne », ou encore : « pour créer, je me suis détruit ».

Soit on en finit avec le double, soit celui-ci nous finit (au sens de limitation ou de mort), puisque le réel nous ramène de force à la non-existence de son double. Constat amer, d'autant plus quand on observe la prégnance du double dans les mythes et l'imaginaire collectif. Il semble bel et bien avoir toujours accompagné la conscience humaine au point d'en devenir un élément essentiel. Envisager que celle-ci puisse s'en départir, n'est-ce pas déjà tomber dans le piège du double ?
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Clément Rosset, philosophe sans causes éperdues.


Il ne croyait pas aux idéalismes philosophiques de ses congénères. Les causes plébiscitées de leurs systèmes lui apparaissent comme pleutrerie d'enfants racornis, grelottant de peur à l'idée de regarder la réalité dans son plus simple appareil. Mon existence ne serait-elle rien d'autre que cette pauvre et triste merde ? se demandent-ils – et de la recouvrir d'une couche de spéculations métaphysiques (où l'on rappelle s'il le fallait que même la science ou la politique, toutes disciplines immanentes qu'elles soient, sont aussi empreintes d'un sirupeux idéalisme qui s'ignore). Ce faisant, ces peine-à-jouir de la réalité creusent sans cesse plus profondément la fosse dans laquelle on jettera leur carcasse, toujours plus déçus de la réalité à mesure qu'ils imaginent un monde délirant régi par l'idéalité qui est la leur.


Avec Clément Rosset, on réalise que le véritable matérialisme n'est encore jamais arrivé, et on le regrette.
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Admettre le réel est une faculté fragile car elle peut être suspendue à tout moment lorsque la réalité n'est pas acceptable. La reconnaissance du réel semble dès lors procéder d'une sorte de tolérance, conditionnelle et provisoire.

Parmi les attitudes extrêmes d'évitement de la réalité, il y a le recours au suicide ou le refoulement qui mène quelquefois à la folie. L'aveuglement à l'aide de substances toxiques équivaut à se crever les yeux comme Oedipe. Ces formes de refus restent marginales et exceptionnelles et c'est l'illusion qui représente la forme la plus courante de mise à l'écart du réel. Selon Clément Rosset, féroce, les « illusionnés », sont plus gravement atteints que les cas cliniques de schizophrénie ou de refoulement, car "on ne saurait en « remontrer » à quelqu'un qui a déjà sous les yeux ce qu'on se propose de lui faire voir. "

Cet essai envisage d'illustrer le lien entre l'illusion et le double. le thème du double dépasse largement celui du dédoublement de personnalité que l'on rencontre en littérature romantique. Il est présent dans un vaste espace culturel que l'auteur décrit à l'aide de multiples exemples tirés d'oeuvres et légendes diverses. L'essai comprend trois parties selon l'objet du double étudié : l'événement, le monde, l'homme. Je propose de reprendre ici "l'événement et son double", je reviendrai dans un second billet sur les deux suivants.

Deux histoires pour comprendre ce qu'est l'illusion oraculaire.

1. Dans Oedipe Roi de Sophocle, un oracle prédit qu'Oedipe tuera son père et épousera sa mère. Adopté par les souverains de Corinthe, il les fuit car ayant eu connaissance de la prédiction, il ne veut pas tuer ses parents supposés. Ce qui l'amènera en chemin à tuer son véritable père et à épouser sa mère, confirmant ainsi l'oracle en voulant l'éviter.

2. Une conte arabe raconte qu'un vizir se présente tremblant de peur devant le calife de Bagdad : il a croisé dans la foule une femme au teint très pâle qui a fait un geste vers lui et il pense que la Mort l'a désigné. Il demande au calife la permission de fuir à Samarcande où il sera dès le soir. le calife en sortant de son palais rencontre la Mort et lui demande pourquoi elle a effrayé son vizir. Elle répond qu'elle n'a pas voulu l'effrayer, mais a eu un geste de surprise en le voyant là ,car elle l'attend à Samarcande le soir.

Dans les deux cas, il y a réalisation de l'oracle d'une façon autre que celle qu'on attend. À partir de là, Clément Rosset tente de faire saisir la subtile perception de la réalité qui, avec ou sans oracle, paraît systématiquement différente de ce qui est attendu. Comme si l'événement réel qui survient était un double, limité, différent de ce qui aurait pu survenir. La formule habituelle «C'était bien cela» : implique à la fois une reconnaissance et un désaveu: "Reconnaissance du fait annoncé et désaveu du fait que l'événement ne s'est pas accompli d'une autre façon. L'unique comble l'attente en se réalisant, mais la déçoit en biffant tout autre mode de réalisation."

(suite sur mon blog)
Lien : http://www.christianwery.be/..
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J'ai plus l'habitude de lire des philosophes antiques et médiévaux, ce qui fait que les essais modernes me paraissent plus confus.

Clément Rosset fait montre d'une grande érudition, il cite de nombreux philosophes de façon pertinente. Malheureusement je trouve son discours confus, embrouillé.

Son analyse va extrêmement loin, peut-être trop pour moi ?
Un livre à réserver à une certaine élite de grands penseurs, que je déconseille aux petits philosophes du dimanche en pantoufles, comme moi.
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Se situer dans le temps et sa temporalité. Davantage de la psychologie que de la philosophie pour appréhender le temps humain et ses illusions nécessaires… Un livre qui se comprend bien et peut se résumer en quelques mots…. J'aurais aimé y trouver quelques éléments scientifiques.
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Clement Rosset poursuit l'investigation de l'illusion, qui double réel et parait plus vrai que lui. Ce double nous fait tomber dans la religion, le mythe ou la maladie mentale, une facon de ne pas accepter le réel. Recherche d'un ailleurs plutôt que d'accepter la réalité immédiate. Mais la duplication fantasmatique renvoie par un détour au réel. On n'y échappe pas malgré le fantasme du double, du jumeau. On ne se protège pas du réel.
La thèse du double de Rosset est très différente de l'approche d'Emmanuel Coccia pour qui le réel tel qu'il est perçu par les hommes n'est pas fait d'objets et de sujets mais de ce qu'il appelle le sensible, des sensations issues d'interactions. Nous intellectualisons en croyant à des illusions, certes, mais nous ne percevons du réel que ce que nos sens nous permettent de percevoir ! C'est à dire peut être pas grand chose.... ou du moins qu'une faible partie d'un tout qui s'auto-régule sans dieu ni force extraterrestre.
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J'ai eu énormément de mal à me plonger dans cet essai pourtant très court, mais peu structuré. L'auteur tire en effet des conclusions de ses réflexions puis poursuit ces dernières, sans souci de résumer son argumentation ou sa logique sous-jacente, et j'avoue avoir été perdue plus d'une fois. La troisième partie est celle qui m'a paru finalement la plus claire, même si j'ai regretté encore une fois cette espèce de synthèse qui permet de mieux saisir les propos de l'auteur.
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Cet essai vise à illustrer le lien entre l'illusion et le double, à montrer que la structure fondamentale de l'illusion n'est autre que la structure paradoxale du double. Paradoxale, car la notion de double implique en elle-même un paradoxe : d'être à la fois elle-même et l'autre. (4ème de couverture)
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