Le Nom du vent a été ma seule et unique lecture pour le Mois de la Fantasy 2019… mais pas des moindres ! Quasiment 800 pages pour ce premier tome de la série (trilogie ?) baptisée Chronique du Tueur de Roi. Un nom bien intriguant, surtout après avoir tourné la dernière page puisque je n'ai pas croisé de roi là-dedans… et pourtant, il s'en passe déjà des choses dans la vie de Kvothe.
C'est Kote que l'on rencontre dans les premiers chapitres. Aubergiste banal, pas très souriant voire abattu. Son affaire ne marche pas très bien et ça ne risque pas de s'améliorer après la découverte malencontreuse d'un « démon » dans les alentours.
J'ai eu un peu de mal à me plonger dans l'histoire, ces premières pages me semblant un brin obscures, remplies de personnages (les clients habitués) que je n'arrivais pas à distinguer les uns des autres, dans un univers « magique » que je ne parvenais pas à comprendre.
Il m'a fallu attendre que Kote tombe le masque et retrouve sa véritable identité – Kvothe – en se plongeant dans ses souvenirs, pour que je devienne actrice de ma lecture et me sente impliquée. Alors qu'il commence à raconter son enfance itinérante au Chroniqueur arrivé dans son auberge, j'ai senti un lien se tisser entre le livre et moi. Et l'immersion s'est produite, la magie a opéré.
J'ai été passionnée par le passé de Kvothe. Émue souvent aussi par les mésaventures qu'il traverse dès son enfance. J'ai aimé découvrir sa jeune vie itinérante au sein d'un clan d'artistes, j'ai été touchée de plein fouet lorsqu'il se retrouve orphelin sans aucune ressources au milieu d'une grande ville hostile, j'ai croisé les doigts pour qu'il parvienne à intégrer cette université tant désirée et, constamment, j'ai été tenue en haleine par les hauts et surtout les bas, qui habitent ses souvenirs. Malgré l'épaisseur conséquente de ce premier tome, on ne s'ennuie pas, ça non !
La force de
Patrick Rothfuss tient surtout dans ce héros qui peut parfois nous énerver – son côté imbu de lui-même m'a plus d'une fois donné envie de lui mettre des baffes – mais qui sait aussi se montrer attachant par bien d'autres aspects. Kvothe nous touche et l'on marche à ses côtés, aux côtés d'un ami qu'on a parfois envie de remettre à sa place mais qu'on a surtout envie d'épauler. C'est une figure complexe, avec des failles et des défauts, un passé plein de relief… bref, un personnage charismatique, crédible et réaliste.
Les autres personnages sont forcément vus à travers les yeux du héros puisque c'est lui qui raconte ses souvenirs donc on peut en conclure que ses perceptions sont un peu biaisées par ses sentiments. On rencontre donc, entres autres, une jeune femme très belle et semble-t-il inatteignable (j'ai bien aimé son caractère indomptable mais je me demande bien ce qu'elle peut cacher…) et des figures qui mettent des bâtons dans les roues de notre Kvothe : un enseignant vraiment désagréable et un autre élève (riche) qui deviendra son grand ennemi.
J'ai presque retrouvé du Harry Potter dans le schéma narratif (l'orphelin qui entre à l'école et découvre la magie à travers plusieurs cours et professeurs plus ou moins sympathiques) et dans la caractérisation des personnages et dans les relations qu'ils entretiennent (notamment de compétition et de haine). Ce parallèle que j'ai pu faire n'est pas un défaut pour moi puisque cela fonctionne très bien, on y croit.
Et puisqu'on en est à la comparaison avec Harry Potter, parlons un peu de la magie proposée par
Patrick Rothfuss. Je l'ai trouvée plus proche d'une sorte d'alchimie ou en tout cas d'une pratique quasi scientifique, que d'un don inné merveilleux. Plusieurs sortes de magies semblent exister dans cet univers mais Kvothe vise à devenir arcaniste et à maîtriser le nom des choses. Puisque, dans cette saga de fantasy, les mots (et surtout les noms) ont une très grande importance. C'est quelque chose que l'on retrouve souvent dans les textes féeriques traditionnels : si une fée connaît votre véritable nom, elle a tout pouvoir sur vous !
A noter que la musique a aussi beaucoup d'importance dans cette histoire (et a priori dans l'oeuvre de
Patrick Rothfuss) ce qui n'est pas pour me déplaire car permet des scènes d'une très grande force et émotion (je pense au moment où Kvothe retrouve un luth après de longues années sans en avoir tenu un entre ses mains).
Vous l'avez compris, le Nom du vent offre les souvenirs des jeunes années de Kvothe. Un récit dans le récit donc. Mais celui-ci est entrecoupé de courts chapitres dans le présent (et donc dans l'auberge) auprès d'un Kvothe plus âgé et de son compagnon de route qui semble posséder bien des secrets, à commencer par son identité… Mais il faudra attendre les tomes suivants pour découvrir comment ces deux-là se sont rencontrés. J'ai un peu moins aimé ces passages dans lesquels j'ai trouvé notre héros beaucoup plus éteint. Certes plus sage et plus posé, mais beaucoup moins « attractif » à mon goût. Cela dit, ce découpage narratif relance régulièrement le rythme et l'intensité du récit et participe à son côté « page-turner ».
Je ne suis pas sûre d'avoir quelque chose à reprocher à ce premier tome assez passionnant, bien construit, bien écrit, qui offre un univers complexe, un héros tout en relief et l'envie de lire la suite au plus vite…
Si coup de coeur il n'y a pas eu pour moi, c'est plutôt à cause de mon rythme de vie et donc de lecture qui ne m'a pas permis de dévorer ce pavé aussi vite et intensément que je l'aurais souhaité. Malgré tout, les souvenirs de Kvothe resteront un long moment dans ma tête et je serai ravie de visiter à nouveau son passé pour découvrir s'il a réussi à retrouver les Chandrians et à séduire l'insaisissable Denna.
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