Il y a des romans dont l'aura nous attire et nous bloque en même temps. Ce fut le cas pour moi avec le nom du vent que j'ai dans ma bibliothèque depuis sa sortie, soit près de 15 ans, mais que je n'avais pas osé lire de 1/ parce qu'il était encensé et que j'avais peur de ne pas autant aimer, de 2/ parce que l'auteur n'a jamais était jusqu'au bout de la trilogie (?) annoncée. Il a donc fallu que je tombe sur un lecteur dans la même situation que moi qui avait eu le courage de se lancer pour le faire à mon tour et qu'est-ce que j'ai eu raison !
Le nom du vent est le premier roman de
Patrick Rothfuss et dès le début il a fait sensation. J'avais peur que cela soit totalement exagéré, surtout que depuis l'auteur a sorti un deuxième tome tout aussi encensé et qu'il a un peu beaucoup pris la grosse tête… Cependant, c'était tout à fait mérité à mes yeux car dès les premières pages, j'ai senti que j'avais entre les mains un roman qui me correspondait à 100 %, avec une plume à la fois simple, vive, riche, dynamique et belle sans en faire trop, qui me semblait courir sur les pages pour peindre le tableau piquant et complexe de ce héros attachant que nous allions découvrir. Alors oui, depuis, nombres d'auteurs sont passés par là, s'en sont inspirés, comme lui-même l'a fait des grands noms qui l'ont précédé, mais ça ne change rien, j'ai eu l'impression d'un coup de foudre immédiat et j'ai su de suite que j'avais un chef d'oeuvre entre les mains.
En plus, à l'époque, Bragelonne avait fait l'effort de sortir le tome en relié. C'était certes déjà un peu cher mais la qualité y est bien plus que maintenant avec une reliure, un papier et une jaquette qui n'ont pas du tout subit les affres du temps, alors que je peux vous dire que j'ai bien des tomes de cette époque-là qui ont souffert malheureusement dans ma bibliothèque. J'ai donc adoré avoir cet objet qualitatif entre les mains dans lequel il manquerait peut-être juste une carte un peu plus détaillée que celle fort succincte qu'on a…
Le roman, lui, se lit tout seul. Il reprend certes nombres d'archétypes de la high fantasy mais je m'en moque complètement. C'est un mélange parfaitement dosé de récit d'apprentissage, de chroniques à l'ancienne au coin du feu, de récit d'anti-héros en devenir également, avec de la magie, des légendes ancestrales, des créatures mythiques, des mystères, une académie de magie et du drame bien sûr. Il y a une famille attachante, un mystérieux vieux professeur, de la magie, de l'humour, de l'amour, une vie difficile, de belles amitiés, de l'aventure, des déboires. Tout y est ! Et tout est parfaitement dosé à mon goût. C'est comme si l'auteur avait lu dans mon coeur et posé sur le papier tout ce que j'attendais en fantasy, faisant battre celui-ci comme rarement.
Le cadre de l'histoire est pourtant assez classique mais j'ai adoré plonger dans les souvenirs de Kovthe, ce futur « magicien de génie, voleur accompli, musicien d'exception… infâme assassin« , désormais propriétaire d'une taverne qui revient sur la vérité derrière la légende qu'on a fait de lui. J'aime ces ambiances au coin du feu. J'aime cette plume pleine de verve et d'humour piquant. J'aime ce genre de personnage un peu cabossé émotionnellement. le récit débute d'ailleurs de manière très tendre avec la rencontre d'un enfant plein de génie, doué en tout, qui vit dans une troupe de saltimbanques de la haute dirigée par ses parents. Tout bascule lors d'un drame fondateur qui va lancer l'intrigue et Kovthe sur les routes. S'enchaîne alors à la fois un récit de fantasy urbain avec un gamin devant se débrouiller seul dans les rues, puis une quête pour comprendre ce monde et ces légendes, car ce sont des êtres mythiques qui sont à l'origine de son drame personnel : les Chandrians. Kovthe n'aura donc de cesse de comprendre pourquoi.
S'il est loin d'être celui qu'on décrira ensuite, le jeune Kovthe qu'on rencontre dans ce tome est d'emblée attachant. Génial mais pas arrogant, il regarde tout avec ces yeux d'enfant trop grand et on découvre avec bonheur le riche monde dans lequel il évolue. Contrairement à d'autres,
Rothfuss n'a pas cherché à faire dans la complexité pour faire des effets de manches. Il évoque plutôt un monde aux règles assez simples, qu'il présente en plus pas à pas, mais qui n'empêche pas une belle richesse. La magie qui régente celui-ci, le Sympathisme, est ainsi un jeu de forces et d'alliances qui se font par la force de l'esprit, à l'aide d'un esprit vif et intelligent, mais qui a des conséquences notables pouvant conduire à la folie si on en fait trop. On apprend à le maîtriser à la fameuse Université où va se rendre Kovthe et où on va découvrir avec lui comment elle fonctionne, comment elle permet de se former et de gravir les échelons, quels mystères elle renferme… Il y est question de salles secrètes, de professeurs acariâtres et d'autres encourageants, de pratiques magiques interdites, de vieilles légendes oubliées… Plonger dans cet univers, c'est plonger dans un cocon de bonheur pour l'amateur de fantasy car l'auteur coche toutes les cases mais sans en faire trop.
Je me suis ainsi rapidement accrochée aux pas de Kovthe, personnage comme l'aime mon coeur. L'auteur a su le rendre attachant et amusant à la fois, tendre et piquant, fragile et fort. J'ai aimé le voir évoluer du tendre cocon de ses parents, à la rude vie à la rue, jusqu'au complexe apprentissage de l'Université. J'ai aimé la place très poétique et rythmique des mots et des sons dans sa vie, avec la musique et les chansons qui lui sont aussi essentielles que dangereuses pour son équilibre. Ce fut douloureux de le voir souffrir et jouissif de le voir lutter sans cesse contre la pauvreté pour faire éclater son génie et poursuivre ses ambitions de vérités. J'ai aimé voir le début de la construction de sa légende qui repose avant tout sur une bonne dose d'astuce et d'audace et pas du tout sur la malice qu'on pourrait lui prêter.
Le premier tome est long, dense, mais je ne me suis jamais ennuyée. J'ai aimé, que dis-je adoré, chaque étape de son apprentissage de la vie, du plus doux au plus rude. J'ai eu peur quand on a introduit une dimension romantique mais elle est superbement écrite entre humour, candeur et malheur. J'ai eu peur quand on a mis en scène d'autres personnages mais chacun est bien introduit et intégré au projet, et j'aime déjà énormément son professeur du Nom des choses qui est à moitié fou, ses amis sur qui il peut toujours compter ou son aide à la taverne lors du récit de ses chroniques qui a un sacré toupet ! Il y a quelque chose de langoureux et envoûtant dans ce récit somme toute assez banal où les références à
Tolkien, Williams, Jordan et surtout
Le Guin sont légions, quelque chose qui fait qu'on est saisi par ce qui se passe et qu'on veut comprendre comment un tel garçon si gentil, si pur, si romantique, a pu en arriver là pour soulager son coeur d'orphelin blessé. Ce n'est que la première pierre d'un vaste édifice où quelques maladresses sont encore présentes comme la brutale accélération pour faire sortir Kvothe des murs de l'Université et le confronter aux créatures magiques qu'il cherche à la fin ou les secrets sur lesquels il tombe de manière grossière, mais on veut nous aussi percer le mystère et rester longtemps à ses côtés. D'où la frustration de n'avoir plus ensuite qu'un tome (partagé en 2 en vf) à découvrir.
Rencontre foudroyante entre moi et la plume de
Patrick Rothfuss. J'en avais entendu énormément de bien, j'avais peur que ce soit trop, ce n'était pas le cas. le Nom du Vent est exactement, à la virgule près (ou presque) ce que j'attends d'un récit de fantasy. Il parvient ainsi à me passionner, m'envoûter, m'attendrir, avec pourtant des poncifs du genre mais écrit de manière tellement maligne que je suis totalement sous le charme de l'univers, du héros et de la plume simple mais virevoltante de l'auteur. Comme quoi, il n'y a pas besoin de faire compliquer pour faire juste et bon. Voici probablement ma meilleure découverte de l'année 2023 en Fantasy !
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