L'auteur pose un postulat qu'elle démontre tout au long des pages : les femmes sont « du dedans » et les hommes « du dehors ». Aux femmes, la maison, le rangement, la propreté, l'ordre, les armoires impeccables, aux hommes, la rue, le jardin, le désordre, l'ivresse, la saleté. Elle en fait l'analogie avec le sexe : l'Homme entre dans la maison de la Femme comme il entre dans la Femme.
Elle raconte les fêtes de villages, les coutumes, les rites persistants qui sont presque toujours la transposition des rites initiatiques qui permettent aux jeunes garçons de devenir des hommes.
Et tout au long des pages foisonnent les odeurs, les arômes particuliers, ceux des vêtements de son père, de la chasse ou du travail, le parfum de ses joues fraîchement rasées, les odeurs de cuisine, les odeurs de son enfance et les couleurs, toute une palette qui se décline dans ses souvenirs…
Même si je n'ai pas toujours partagé ses convictions et si j'ai eu souvent envie de lui dire : « Marie, tu exagères ! », son livre m'a procuré quelques heures de plaisir : humour, sourires, vague à l'âme ou réflexions étaient au rendez-vous.
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Ce livre touche au plus profond de mes souvenirs d'enfance et des ressentis de ma féminiitude...
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En dehors de leur propre maison, …
Il fallait bien qu'en face, de l'autre côté du miroir, sur l'autre rive, dehors et autrement, les hommes trouvent leurs lieux.
C'est ainsi qu'il furent scouts, enfants de choeur, fréquentèrent les patronages laïques ou religieux, rodèrent en bandes dans l'enfance. Plus tard ce fut l'armée, la chasse, le bistrot, la clique, les pénitents bleus ou gris. Ils furent pompiers volontaires, sportifs -spectateurs ou joueurs, puis vétérans s'occupant des jeunes. Il se retrouvèrent dans tel coin de la place publique, à la baraquette appelée aileurs mazer ou cabanon, la nuit sur les jetées, à l'aube au bord des lacs pour l'ouverture de la truite, au local du syndicat, dans celui d'un parti politique. Chantres, pétanqueurs ou joueurs de belote, ils se taillent un espace provisoire, où ils n'ont pas d'autre possession que le fait d'y être -une boîte de pions, une table dans le bistrot, le tapis, leur sont réservés sans être vraiment à eux.
Certains firent leur maison de leur lieu de travail... loin des femmes qui veillent à tout, surveillent tout, loin de leur terrible clairvoyance.
Me voilà. Indulgente, veillant sur toi désarmé après l'amour. Tu ne peux simuler ou dissimuler ton désir et ton plaisir et c'est là ta faiblesse. C'est ce que tu ne cesses de masquer de fusils et d'épées.
Est-ce pour cela que j'aimais tant le rasoir de mon père, cette lame capable de faire une plaie qui saignait plus longuement que toute autre et qui pourtant ne me faisait pas peur mais me bouleversait de tendresse ?
Savais-je déjà que le sexe de l'homme est une épée vite dégainée mais fragile et qui, dans l'instant, perd son tranchant, devient inoffensive, douce, amollie au creux de l'aine, et qui te contraint à sortir de moi ?
...
Quand suis-je avec toi ? En cet instant où tu dors, où je veille, où je bute sur ton mystère ?
Je ne sais. Tant sont ténus les espaces où nous nous rejoignons que j'ai peine à les cerner et à les décrire.
Lorsque les garçons, en rentrant « de par les vignes », s'arrêtaient près de nous et qu''ils ramenaient des oisillons vivants, le plus souvent des pies, ils les donnaient à celles qu'il préféraient, leur « fiancée ». Aux autres, ils les vendaient nues encore. Elles étaient chaudes, bougeaient entre nos mains et, malgré le moelleux de leur ventre, nous faisaient mal en griffant les paumes. Elles avaient peur.
Elles étaient caresses par oiseau interposé, même si nous savions que notre argent seul, cette tirelire vidée pour l'occasion, avait décidé de la vente. Qu'importe, nous nous contentions du marché. Il donnait un prétexte pour nous approcher des garçons, pour manifester notre admiration de l'escalade dangereuse jusqu'en haut des arbres.
Ai-je jamais vu des nids de pies sur les cimes extrêmes sans songer à cet instant où je recevais entre mes mains cet oiseau indécent ? C'était comme soupeser des testicules tendres et tièdes. Je puis le dire maintenant où je sais le poids dans mes mains des glandes si douces des bêtes et des hommes.
Un bureau fut le « chez-eux » des hommes quand c'était possible et dans un certain milieu. Sinon une remise, un jardin potager, comme mon beau-père, lorsqu'il se chamaillait avec sa femme avait le recours du jardin. Mon père eut son garage de mécanicien...
Quand il fut à la retraite, ma mère lui abandonna un petit bahut. Comme elle nous avait octroyé les tiroirs de l'armoire, elle lui définit un espace. …. Il n'aurait pas ouvert l'armoire pour y chercher ce dont il avait besoin. S'il demandait qu'on lui donne un mouchoir ou des chaussettes, ce n'était pas pour se faire servir mais parce qu'il était entendu qu'il allait mettre du désordre en cherchant intempestivement. Si jamais -par extraordinaire- ma mère entendait le bruit de l'armoire : « Qu'est-ce que tu veux ? » criait-elle. Et quand il répondait : « Mon cache-nez gris », « Un tricot de peau », elle s'empressait : « Attends. Je te le donne. Tu me dérangerais tout ».
Il ne leur reste presque rien, des miettes. Chargés de cabas, d'enfants, armés d'un aspirateur, munis d'une liste pour le supermarché, bons pour payer l'addition au restaurant, pour offrir des fleurs, des bijoux, ce sont les nouveaux hommes. Qui pense à offrir un repas à l'homme de son cœur, à lui faire l'hommage d'un bouquet ?
Et s'il reste ici et là quelques bastions où ils peuvent se sauver de nous, où on ne leur dispute pas leur intimité d'hommes entre eux, allons-nous les envahir ?