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EAN : 9782840310921
86 pages
Le de Bleu (21/03/2000)
4.37/5   15 notes
Résumé :
Ne plus devenir debout quelquefois tu disais.
Depuis quoi j'ai rêvé que je te relevais que je te relevais et que tu retombais..
Dans la pièce la plus froide tu te serais cassé.
Quand bien même je t'aurais mis debout et tenu aux épaules et parlé à l'oreille apporté des lilas ça n'aurait pas marché.
D'ailleurs je t'ai pleuré dessus ça ne t'a pas remué ni quand j'ai pris ta main dans mes mains bonnes à rien ni rien.
Tu te serais cassé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Découverte de cette poétesse-traductrice , il y a quelques mois, grâce à une amie... qui à son tour m'a sollicitée pour rechercher un texte de Valérie Rouzeau... ainsi j'ai emprunté à la médiathèque plusieurs recueils
de cette artiste atypique...

Au début, poésie déroutante à souhait... des cassures constantes dans la phrase...
A nous, lecteurs... de "bosser" ensuite, de lire ces poèmes à notre libre rythme... Nous retrouvons dans les différents opus plusieurs thèmes récurrents: la solitude humaine, le deuil du père, le temps qui passe,
hommages constants à la poésie, à l'écriture; Ce recueil est concentré sur la mort du Père... hommage, évocations des souvenirs d'enfance....La violence du deuil, de la perte paternelle... Très bouleversants poèmes...

"Je t'écrivais des cartes postales pour
tous les jours.
Deux le vendredi donc à cause du
dimanche.
des crocus coloriaient la neige sur la
dernière que tu as vue.
tes doigts devaient trembler à tenir le
croissant, et des miettes seront tombées
sur la neige.
Mais pour la carte postale du lundi
elle est restée dans l'enveloppe dans ta
poche dans le cercueil dans le caveau
dans la terre, père gigogne." (p. 71)

Un grand Merci à cette amie, Eva qui m'a fait découvrir cette poétesse en me demandant une recherche de texte, et auparavant, en m'offrant un premier recueil de poèmes, "Sens averse", qu'il me reste à découvrir plus attentivement...


© Soazic Boucard- Janvier 2019
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Tout au long de ce recueil écrit suite à la mort de son père, la voix de Valérie Rouzeau (j'entends par là sa voix d'adulte faisant de la poésie) se fait dérailler par les accents de la petite fille qu'elle est depuis sa naissance, la petite fille de celui qui est parti pourtant à l'heure où elle écrit. Ainsi la voix de dérailler, mais dérailler toujours juste, toujours dans le ton de son émotion, à l'instar de la voix d'une chanteuse de jazz quand elle s'éraille pile au bon moment, sur la bonne syllabe, alors que l'air s'infléchit, et que toujours c'est vivant, jamais faux du coup.


"Ça va quand on demande moi je dis bien surtout s'il y a du monde je prends sur moi très bien.
On ne me voit pas chez l'épicière sangloter sur les pommes de terre.
Ni aux guichets de la poste retarder l'envoi pressé d'un colissime.
Ça va je dis sans dire et la tête et la tête.
Ça rime à rien ta mort intérieurement pauvre chant.
De timbres je voudrais et de patates un carnet s'il vous plaît, un filet.
Merci beaucoup de monde."


Valérie Rouzeau ne donne pas à lire des poèmes qui seraient des tout achevés, indépendants, des poèmes d'un deuil sur lequel elle se pencherait après coup ; mais des poèmes qui cherchent toujours à rencontrer l'absent, flottant puis disparaissant au gré des souvenirs de lui qui remontent dans sa mémoire, en fait des poèmes qui sont en train de faire leur deuil, dans l'instant, qu'on sent bien avoir été écrits sur le vif. Les vers viennent semble-t-il naturellement, entre chant et parole, ils portent encore la nudité de l'émotion qui l'étreint face à la mort du père. C'est un art consommé que de pouvoir écrire de la sorte, proche de l'art du haïku, capable de capter avec grâce des moments fugaces, dans une langue ordinaire.


"De l'escargot il reste sa coquille, de quoi saisir du ciel avec la pluie venue pour voir dans la coquille.
Ça résiste longtemps sans malice dans le trèfle ou le pissenlit : on regarde le ciel changeant dedans, petit petit."


Là où on s'écarte du haïku ou du pur journal intime, c'est que Valérie Rouzeau aime jouer avec les sons, les rimes, et c'est ce mélange de dénuement joueur qui permet si bien de transmettre au lecteur sa voix à la fois de poétesse accomplie et de petite fille venant de perdre son père – ce qui fait toute la force du présent recueil. Mais perdu ou absent ça ne veut pas dire effacé ou oublié, loin s'en faut, et la voix de la poétesse se confie de page en page, esquisse sa danse enfantine du manque grâce à cette présence paradoxale de celui qui n'est plus là, car elle ne l'entretient pas seulement par son écriture, elle s'en nourrit, rappelant des signes de lui toujours aussi proches d'elle qu'avant, elle repère et répète et joue avec ces signes. Il y a même une comptine qui revient au coeur du recueil, des petites phrases en berceuse soudaine, au coeur d'un poème qui devient lui-même comptine, celle de la poétesse qui berce son père, le souvenir de son père la berçant – peut-être le point d'union le plus émouvant du recueil :

"Enfant dans les grands sapins vers c'était toi qui sifflais soufflais enfant dans les grands sapins blancs.
Mon père je te répète en l'air (…) "
(p. 57).


En l'air. Aérienne poésie, étonnant pour une poésie écrite de manière si brute, à même la terre. La tonalité générale n'est pas à se tirer une balle, c'est plutôt le contraire, de la tristesse si légère (je ne dis pas légère dans le sens de « pas grave » mais de subtile, d'aérienne) qu'on a l'impression qu'elle la décolle par petites touches de son coeur, pour qu'elle aille rejoindre le ciel poétique où évoluent les mots, un ciel qu'elle transporte partout avec elle parce qu'il est le ciel dans sa tête de rêveuse endeuillée, un ciel où il fait « Pas Revoir », où évolue cet oiseau sur la couverture figé par l'oeil tout en étant en plein vol, cet oiseau qui ne tardera pas à disparaître du cadre mais en réalité sera toujours là, tant que la couverture existera…


"Rien qu'une alouette de vivante pour s'en aller"


J'avoue d'ailleurs que quand je qualifiais sa tristesse de légère, je pensais d'abord « un peu teintée d'allégresse » malgré tout, malgré la mort, malgré le mort ; et je n'osais pas l'écrire, par peur de manquer de respect, hors maintenant que je comprends pourquoi, je peux l'écrire sans manquer de respect, au contraire : ce sont les bons souvenirs qui remontent dans son ciel ; l'immesurable, plus fin qu'un fil, plus résistant que le roseau, amour pour son père, qui remonte dans son ciel ici – on y voit des clichés d'âme inoubliables dans ce ciel de « Pas Revoir ». Alors c'est possible d'ouvrir une brèche, une porte nouvelle en poésie, me dis-je, même en partant d'un sujet si grave. Il est possible de rendre à la poésie toute sa légèreté, tout son jeu avec le monde… de simplement procurer un plaisir esthétique inédit au lecteur ; et c'est le petit miracle qu'a opéré pour moi ce recueil : découvrir une voix importante pour la poésie actuelle, pour la poésie tout court.


"Le ciel se danse.
Parfois le soleil juste en face.
Je prends son vélo à mon père.
En vitesse rayonnant comme libre.
Cadre d'alu, vaches légères.
Plateaux pour leurs panses montgolfières.
Toujours librement des rayons."


Enfin pour moi lecteur c'est cette danse, ce jeu, qui sont présents sans équivoque – leur empreinte en moi prouve que j'ai été touché, petit miracle de la poésie, par le deuil de cette femme que je ne connaissais absolument pas, que je n'avais jamais lue, alors je me dis que j'ai découvert une voix unique et que je veux la garder bien à côté de moi ; c'est pour ça que je tisse quelques mots, pas trop longtemps après la lecture, en tentant de retranscrire la fraîcheur de ses accents traversant ma pensée, pour qu'elle non plus, à son tour, ne disparaisse pas. Mais elle ne le peut plus, comme ne peut pas s'échapper le souvenir de son père en chaque fibre de ces vers-là. Illuminés de bout en bout parce que Valérie Rouzeau a su se laisser posséder par sa mémoire au point de garder vivante

"Ma main là posée sur la table de dehors.
De la même couleur que sa main à mon père."
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Les roses les roses les roses je les loue j'en
prends que ça comble les trous humaines
roses par-dessus tout
Me pique pour tes yeux tes genoux
pour toi voilà des roses partout sans peur
des loups, sans peur des trous.
Un pot je pose sur ta joue et tourne
autour de ce feu fou à ta joue c'est le plus
beau rouge.
Oh mon père mon jardin et tout
comme bonjour les roses et la boue et le
coeur sens dessus dessous humaines
roses rouges de tes joues.
Tête-bêche et le coeur qui fait bouh
parmi les roses lourdes comme tout
parmi les flammes et les loups vieilles
histoires pleines de cailloux.
ça y est j'ai mis roses partout te laisse
mon père faire ton trou dans ma
mémoire. (p. 70)
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Je ne porte pas spécialement d'habits
noirs parce que tu n'es plus visible.
Je peux penser à toi en bleu des jours
entiers..
Te trouver des fleurs qui sortent de
l'ordinaire des vases assez beaux assez
lourds.
C'est difficile de t'offrir quelque
chose, ç'a toujours été.
L'autre fois j'ai mis mes deux pieds
dans tes grandes bottes vides et ton chien
est venu avec moi.
Il pleuvait et je nageais dedans, tu
avais dû garder les cailloux dans tes
poches.
Et l'autre fois encore je ne t'ai pas
porté spécialement de bouquet. (p.24)
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J'amène des fleurs.
Elles retiennent toutes les couleurs
elles ont de beaux noms de jeunes filles.
Elles sauront rester plantées là des jours
entiers.
Maintenant je m'en vais.
Tu avais de beaux yeux mon père
mais j'ai à voir ailleurs.
Tu as mes fleurs j'ai ton sourire on est
quittes. (p. 83)
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Toi mourant man au téléphone pernoctera pas voir papa.
Le train foncé sous la pluie dure pas mourir mon père oh steu plaît tends-moi me dépêche d’arriver.
Pas mouranrir désespérir père infinir lever courir -
Main montre l’heure sommes à Vierzon dehors ça tombe des grêlons.
Nous nous loupons ça je l’ignore passant Vierzon tu es mort en cet horaire.
Pas mourir steu plaît infinir jusqu’au couloir blanc d’infirmières.
Jusqu’à ton lit comme la loco poursuit vite vers Lyon la Part-Dieu.
Jusqu’à ton front c’est terminé tout le monde dans la petite chambre rien oublier.
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Nous n'irons plus aux champignons
le brouillard a tout mangé les chèvres
blanches et nos paniers

Nous n'irons pas non plus dans les
cités énormes qui sont des baleines
grises très bien organisées où nos cœurs
se perdraient

Ni au cinéma ni au cirque
ni au café-concert ni aux courses cyclistes

Nous n'irons pas nous n'irons plus
pas plus que nous n'irons que nous ne
rirons pas que nous ne rirons plus que
nous ne rirons ronds
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Videos de Valérie Rouzeau (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Valérie Rouzeau
Sylvia Plath (1932-1963), la vie comme un mauvais rêve (Toute une vie / France Culture). Diffusion sur France Culture le 26 février 2022. Un documentaire de Pauline Chanu, réalisé par Annabelle Brouard. Prise de son : Marc Garvenes et Tahar Boukhlifa. Mixage : Philip Merscher. Archives Ina : Sophie Henocq. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France. Photographie : Sylvia Plath en 1954. Granger-Bridgeman Images. Sylvia Plath, née le 27 octobre 1932 à Jamaica Plain, dans la banlieue de Boston, et morte le 11 février 1963 à Primrose Hill (Londres), est une écrivaine et poétesse américaine, autrice de poèmes, d'un roman, de nouvelles, de livres pour enfants et d'essais. Si elle est surtout connue de façon internationale pour sa poésie, elle tire également sa notoriété de "The Bell Jar" (en français, "La Cloche de détresse"), roman d'inspiration autobiographique qui décrit en détail les circonstances de sa première dépression, au début de sa vie d'adulte. Sa vie, son œuvre et son esthétique poétique et littéraire sont le sujet de milliers d'études dans le monde entier. Elle publie son premier recueil de poèmes, "The Colossus", en Angleterre en 1960. Depuis son suicide en 1963, Sylvia Plath est devenue une figure emblématique dans les pays anglophones, les féministes voyant dans son œuvre l'archétype du « génie féminin écrasé par une société dominée par les hommes », les autres voyant en elle une icône dont la poésie, en grande partie publiée après sa mort, fascine comme la bouleversante chronique d'un suicide annoncé.
Invitées :
Valérie Rouzeau, traductrice et poétesse, autrice de "Sylvia Plath, un galop infatigable" (Jean-Marc Place, 2003). Traductrice pour les ouvrages de Sylvia Plath "La Traversée" dans "Arbres d'hiver" (Poésie/Gallimard, 1999), "Ariel" (Gallimard, 2009). Traductrice de Ted Hughes, "Poèmes (1957-1994)" avec Jacques Darras (Gallimard, 2009) Sylvie Doizelet, romancière, autrice notamment de "La Terre des morts est lointaine" (collection "L’un et l’autre", Gallimard, 1996). Elle a traduit le recueil de Ted Hugues, "Birthday Letters" (Gallimard, coll. Poésie, 2015) adressé à Sylvia Plath. Elle a également préfacé "Sylvia Plath, Arbres d'hiver précédé de La traversée", traduction de Françoise Morvan et Valérie Rouzeau (Gallimard, coll. Poésie, 1999) Claire Fercak, romancière, autrice notamment de "Rideau de verre" (Verticales, 2007) et plus récemment "Ce qui est nommé reste en vie" (Verticales, 2020) et "Après la foudre" (Arthaud, 2021) Gwenaëlle Aubry, romancière, philosophe, autrice notamment de "Lazare mon amour" (L’iconoclaste, 2016), "Perséphone 2014" (Mercure de France, 2016) et plus récemment "Saint-Phalle : monter en enfance" (Stock, 2021) Sonia Wieder-Atherton, violoncelliste. Elle a notamment conçu le spectacle "Danses nocturnes", avec Charlotte Rampling, où se rencontrent les œuvres de Benjamin Britten et de Sylvia Plath
Un très grand merci au Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir (28 place St Georges, Paris 9ème) pour nous avoir permis d’utiliser des extraits de Letters home, film réalisé par Chantal Akerman en 1984, à Sonia Wieder-Atherton et Charlotte Rampling pour l’extrait de "Danses nocturnes", spectacle conçu en 2013.
Lecture des textes et poèmes (extraits) par Odja Llorca.
Archives :
Extraits de "Sylvia Plath – The Spoken Word" (Label British Library, 2010) Interview de Sylvia Plath par Peter Orr pour la BBC (1962) Interview de Sylvia Plath et Ted Hughes pour la BBC dans l’émission "Poets in partnership" (18.01.1961) Lecture des poèmes du recueil "Ariel" par Sylvia Plath "Danses nocturnes", Sonia Wieder-Atherton et Chalotte Rampling, poèmes de Sylvia Plath et musique de Benjamin Britten
Musique : "Overturn" d'Alexandra Stréliski (album "Inscape")
Sources : France Culture et Wikipédia
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