Alors déjà je précise que je ne connais pas la personne qui a écrit ce livre (des fois que les choses écrites soient vraies et que l'auteur soit en cavale) ensuite, et malgré les injonctions à me taire de mon avocat invisible, je plaide coupable pour délit d'appréciation de lecture.
Gras Dur, c'est un tout petit roman. Enfin, plutôt une confession. La confession d'un condamné à mort par injection létale (et c'est doux comparé à ce qu'il a fait...). Richard, le double narrateur, nous livre son présent entre quatre murs crus et son passé, celui qui l'a conduit dans ce cimetière vivant.
Richard a débuté sa vie d'une façon douce, amour, projets, construction, amitiés... puis un jour, pour une phrase, pour un détail, tout explose. Que s'est-il passé dans cette chambre, que s'est-il dit ? L'étincelle est allumée et il ne tient qu'à Richard de l'éteindre ou d'entretenir le feu qui va suivre. Une explosion de violence, de sang, de détails, et surtout, une belle cavale, ingénieuse et ma foi, une longue cavale dont on peut qu'être admiratif.
J'ai pris grand plaisir à lire les astuces pour survivre sans papiers, sans identité, sans argent, les jours loin de son enfer, les jours seul et pleins de regrets ou d'amour. Parce que Richard, de ce qu'il dit dans son "journal", il a fait ce qu'il a fait par amour, c'est toujours l'amour qui l'a guidé, que ce soit celui qu'il porte à son entourage, celui qu'il porte à l'art, au monde. Richard est loin du cliché "maniaque", c'est un romantique blessé. Un romantique incompris.
Entre interviews, araignées, peinture, mariage, fêtes, déboires conjugaux, glace, chien, lac gelé et rédemption... l'histoire de Richard ne manque pas de piquant et l'auteur a maîtrisé son sujet avec brio.
Les détails de la cavale, de la condamnation, ceux de sa vie passée, sont riches, c'est un fait. le ton est énergique et le tout est fluide. Je déplore quelques longueurs, surtout vers la fin, j'ai eu l'impression que l'auteur cherchait à meubler avant le grand final et je me suis un peu perdue, mais j'ai vite rattrapé le bougre, un petit passage à vide, dira-t-on, qui ne gâche heureusement rien à la lecture de cette confession.
C'est un roman court, une novella, qui se lit facilement avec un petit accent de là-bas, du Canada, et les mots, expressions que j'ai lus, m'ont donné le sourire. C'est vachement enrichissant de lire avec le dialecte d'ailleurs, ça apporte une touche d'authenticité, et ça, j'ai adoré.
Je recommande bien sûr cette lecture !