Parce que Berens n’est autre que le diable, le diable en personne, en même temps qu’un million de petits démons.
Si vous tendiez l’oreille lorsque ce besoin de Berens s’éveille en vous, vous y décèleriez la même acuité, la même hésitation et la même inquiétude que lorsque, enfant, vous étiez sur le point de commettre un péché.
C’est vrai que le diable ne fait alors que vous tenir par un doigt. Mais il vous tient bien et il vous entraîne au galop. Il n’a même pas eu à se donner de la peine.
Car, par-dessus vos têtes, Berens a conclu un pacte tacite avec votre lascivité, votre paresse, votre légèreté, votre médiocrité, votre impudence, votre insatiabilité, votre voracité, votre penchant à paraître meilleurs que vous ne l’êtes, votre égoïsme, votre refus de la solitude, votre angoisse, votre fuite devant la vie.
En acquittant sa patente, Berens ne croit pas que vous voulez vous oxygéner les poumons, il est persuadé que vous déserterez vite le grand air, toujours trop âpre à votre goût, pour cette atmosphère confinée dont vous avez l’habitude ; que vous préférerez à la lumière de la lime l’éclairage défectueux de la centrale locale ; que, pour un fox-trot, vous vendrez ce monde féerique qui, la nuit, devient presque poignant à force de beauté.
Berens est un pessimiste, il ne se figure pas que vos goûts vont se modifier d’un seul coup. Complètement pourris, vous nourrissez l’illusion qu’un changement de décor fera de vous des connaisseurs de la nature, qu’il vous suffira de l’admirer pour vous sentir repus, comblés, délivrés de la nécessité d’égrener des heures vides et stériles. Contrairement à vous, Berens table de tout son être sur la continuité de la culture citadine, vilipendée de toute part, il conteste qu’il suffise de quitter Varsovie un lundi soir pour se réveiller le lendemain matin un autre homme.
Berens – un thème inépuisable, ne vous l’avais-je pas dit ?