Derniers mois de la seconde guerre mondiale. Tokyo est sous les bombes. Dans une maison où vivent pêle-mêle hommes et animaux (porcs, chiens et autres poules), grouille une humanité pitoyable et malveillante, formant une Cour des Miracles agitée par les folies des uns et les perversions des autres.
C'est là qu'habite Izawa, dans une sorte de cagibi séparé du corps de logis. C'est un homme amer, qui porte un regard méprisant sur ses semblables qu'il juge mesquins, uniformes et creux, évoluant dans un monde d'apparences vide de sens où tout se ramène à courir les filles, claquer son fric et se réveiller avec la gueule de bois. Un monde où la quête de soi, la personnalité, la créativité n'existent pas. Il vit seul, non par choix mais parce que la vie conjugale suppose l'aliénation à une aisance financière dont il est dépourvu. Journaliste, il n'exerce plus que pour pouvoir se procurer des cigarettes un métier réduit à tourner des films de propagande.
Parmi ses atypiques et détestables voisins, figure un fou paranoïaque, par ailleurs très bel homme, marié à une idiote, également belle, et d'allure distinguée, qu'il a ramenée d'un pèlerinage à Shikoku. Un jour,
l'idiote fuit de chez elle pour se réfugier chez Izawa, où elle s'installe définitivement, en secret. Muette, la femme semble rechercher son affection. Dès qu'elle est effrayée, elle s'enferme dans le placard. Une relation étrange se noue eux, entre promiscuité et incommunicabilité. Izawa éprouve des sentiments contradictoires envers
l'idiote. Envieux de sa candeur et de l'ignorance qui la tient éloignée de l'agitation futile et illusoire qui agite les individus, il ressent pourtant une irrépressible répulsion pour son comportement animal et son absence d'esprit, ne la considérant pas comme un être humain à part entière.
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L'idiote" est un texte très court mais intense, porté par une atmosphère à la fois insolite et dérangeante. le regard féroce et désespéré que porte son héros sur le monde qui l'entoure, ainsi que son absence d'énergie et d'attachement, expriment un fort sentiment de vacuité et d'abandon.
Il est suivi d'un autre texte encore plus court, "Je voudrais étreindre la mer" à l'ambiance tout aussi obscure, qui met en scène un couple dont les rapports sont plombés par la rancoeur et l'incompréhension. Elle, est une ancienne prostituée qui ne peut s'empêcher d'avoir des amants, victime d'une addiction au sexe qui ne lui procure pourtant aucun plaisir, puisqu'elle est frigide. Lui (le narrateur) accepte plus ou moins ses incartades, lui-même n'est pas vraiment fidèle. Il exprime une étrange dichotomie entre la fascination qu'il éprouve pour le corps, très beau, de la femme, et les sentiments odieux que sa présence suscite.
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