Rares sont ceux qui entrent dans cette bouche, à l'endroit où les mots tissent et détissent le monde, là où tout commence et tout finit, là où l'âme ne touche plus la chair mais se souvient d'elle et hésite encore à la quitter, là où tout retour est une départ, une naissance, et les yeux, les mains, les lèvres gardent le toucher d'une autre lumière, rares sont ceux qui acceptent d'être et de ne pas être, de réconcilier l'absence et la conscience, à l'endroit où, se débattant, elles inventent un lieu plus pur, plus profond, une chute du réel dans le réel, l'or d'un feuillage d'automne quand la lumière, en pourrissant, se décompose et s'incarne.
...celui qui dit les mots avec sa bouche tue le monde, le noie, puis le sauve par la peau du cou, apocalypse minuscule qui suinte, caquette, glousse, couine, miaule, ânonne, beugle, siffle, coasse, brame, brait, stridule, grogne, grince, vitupère, grimace, guerroie, et le vertige de sa gravité le couche ensuite à même la terre comme une bête, d'où il se relève longtemps après, sans visage, et celui qui l'écoute l'entend, les hommes alors se rassemblent, le pire devient lumineux, autour d'une ressemblance où le livre enfin est un miroir.
Celui qui dit les mots avec sa bouche est la nuque bleutée du vide enveloppée de chagrins en écharpe, puis de rires où la vacuité tinte.
Jacques Bonnaffé lit "Lap remière tarte", texte extrait du livre de Dominique Sampiero, Territoire du papillon, à paraître aux Éditions Alphabet de l'espace le 11 janvier 2010, un livre-dvd avec aussi Élodie Guizard.